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 « Le problème le plus important de toute la pensée humaine : Saisir l'être humain en tant qu'individualité libre, fondée en elle-même »
Vérité et Science, Rudolf Steiner

   

Citation
  • « Les choses ne sont donc pas ce que les spirites s'imaginent. Ils se figurent que, par l'intermédiaire d'un médium, ils peuvent obtenir des communications dans la langue que parlent les êtres humains sur terre. En regardant de près ces communications, on discerne qu'elles proviennent du subconscient des vivants, et ne sont pas de véritables communications directes des morts aux médiums. Car les défunts se dégagent progressivement du langage humain, et après plusieurs années, on ne peut plus les comprendre si l'on n'a pas appris leur langage, lequel consiste surtout en figures symboliques à utiliser pour ce qu'on veut leur dire, et obtenir ensuite une réponse, également par des formes symboliques qui naturellement apparaissent un peu comme des ombres. »

    Christiana (Oslo), 17 mai 1923 – GA226

    Rudolf Steiner
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vignes

Une étude du sociologue Jean Foyer, appelée Syncrétisme des savoirs dans la viticulture biodynamique, publiée en 2018 dans la Revue d'anthropologie des connaissances, met en avant le sentiment des agriculteurs qui pratiquent la biodynamie: ils ne comprennent généralement pas la logique de Rudolf Steiner qu'ils appliquent, mais les effets leur en plaisent. Ils constatent que leurs vignes se portent mieux, qu'elles sont plus en forme, plus rutilantes, et eux-mêmes parmi elles se sentent mieux. Donc ils la pratiquent, même si l'ésotérisme des conceptions anthroposophiques leur échappe.

Or, même les détracteurs de la biodynamie, ceux qui la qualifient de pseudoscience, sont contraints de reconnaître ses bons résultats: la qualité des sols en atteste. Jusque ceux qui la constatent, néanmoins, refusent généralement de l'attribuer aux pratiques homéopathiques impliquant l'esprit des éléments, et se contentent de la dire d'origine humaine: les biodynamistes sont de bons agriculteurs, affirment-ils, et quand ils ne le sont pas au départ, la biodynamie les rend tels parce qu'elle les contraint d'être très soigneux avec leurs terres.

Remarquons à ce sujet deux choses.

D'abord, que Rudolf Steiner évoque aussi, dans son Cours aux agriculteurs, cet aspect du paysan qui parcourt ses terres inlassablement, médite sur elles, observe, songe, et sait exactement ce qu'il faut faire pour la soigner correctement. La biodynamie est un tout, et cela en fait partie complètement. De fait, l'autre chose qu'il faut remarquer est l'inconséquence de ceux qui expliquent les succès de la biodynamie comme nous l'avons indiqué: ils se présentent comme des scientifiques, mais comment définissent-ils scientifiquement le bon agriculteur? On est ici dans le flou le plus total, la subjectivité la plus profonde. Quel lien établissent-ils entre la richesse des sols et le soin plein d'amour apporté à la terre? Quelle est ici l'opération invoquée, le mystère qui depuis l'âme humaine enrichit les sols? Cette façon d'expliquer est évidemmment un parti-pris: les liens entre l'âme d'un agriculteur et ses terrains n'est pas connue par la science matérialiste, mais cela choque moins que la dimension spirituelle et mystique. Il s'agit seulement de dire des choses qui ne sont pas malséantes, qui conviennent au discours bourgeois humaniste et rationaliste: il n'y a là, au sens absolu, aucune dimension scientifique particulière. Il n'y en a une, il faut bien l'avouer, que chez Rudolf Steiner, quand il énonce que l'être humain parcourant ses champs sent l'esprit des choses, le perçoit à travers sa propre âme, ouverte au monde élémentaire parce qu'elle-même en est traversée, en est agitée. L'air qu'il respire est plein de ces forces de vie et de mort qui sont à l'œuvre dans ses champs, ces forces d'apaisement ou de nervosité, et c'est en sondant en lui-même qu'il les perçoit, il les y voit se refléter, et ces reflets, touchant à sa faculté imaginative spontanée, peut prendre l'aspect onirique ou symbolique des fameux êtres élémentaires de la tradition mythologique paysanne.

C'est simplement la vérité, et pourtant, Steiner ne parlait pas, dans son Cours aux agriculteurs, des lutins et fées dont parlent souvent les biodynamistes d'après d'autres cycles de conférences que Steiner a produits. Il se contentait de personnifier les éléments chimiques que nous connaissons, l'oxygène, le carbone, la silice, l'azote, les caractérisant moralement dans leur action, et expliquant, en fait avec raison, que les plantes s'épanouissent dans un juste équlibre, une juste harmonie de ces forces. Harmonie ressentie par les agriculteurs en biodynamie, même quand ils n'ont pas la faculté de se représenter de façon précise ces forces à l'œuvre, de les imaginer de façon claire et cohérente. Ce n'était pas, même dans les temps anciens, une faculté systématique: les chansons évoquant les êtres élémentaires, les contes aussi les évoquant, n'étaient pas le fait de tous les paysans, seulement de certains d'entre eux, doués d'un don artistique qui préludait au sens scientifique, en ce qu'il était le pressentiment des forces dont Steiner a parlé plus clairement, et dont la science statistique évalue les effets positifs lorsqu'elle montre les bons résultats sur les sols de la biodynamie.

Steiner n'a évidemment jamais dit qu'il fallait retourner au paganisme d'Ovide et de Virgile, et sacrifier des animaux sur les terrains à cultiver, comme les anciens Romains le faisaient: dans un traité d'agriculture de Caton l'Ancien, c'est décrit en détail. On sacrifiait à Mars, notamment, des porcs pour que les êtres élémentaires soient favorables aux cultures. Il ne s'agit pas de cela ici, car Steiner n'a jamais dit qu'il fallait tuer des animaux domestiques pour se servir de leurs organes, mais récupérer les organes et squelettes de ceux qui effectivement mouraient, pour d'autres raisons. L'harmonie des forces en présence pouvait, pour lui, être instituée par leur connaissance, et cette connaissance passait par l'appréhension des éléments tels que les chimistes les établissent, mais avec ce qu'ils portent moralement en eux.

Et c'est là ce qui fait bondir les matérialistes et les bourgeois de bon ton qui ne veulent pas qu'on parle de forces morales pour les éléments chimiques, et qui ne concèdent même pas, à un Pierre Teilhard de Chardin, le panthéisme qui l'amenait à dire que jusqu'aux plantes et aux rochers étaient doués d'une ébauche de psychisme, et que la matière était au fond illusoire. Steiner n'a fait qu'appliquer ce principe en effectuant exactement ce que recommandait Teilhard et que, jésuite soumis à sa hiérarchie, il n'osait pas faire lui-même: il avait peur, sans doute, d'être taxé de sorcellerie.

Jean Foyer montre que même les agriculteurs en biodynamie sans désir de comprendre la logique de Steiner se sentent bien dans leurs champs. Elle les motive et les stimule, les rend heureux, et donc leur donne envie de travailler – et leur permet de le faire. Car les êtres humains ne sont pas des robots, il leur faut motivation et stimulation. La poésie même des travaux des champs, avec leurs elfes, leurs lutins, leurs sylphes, leurs nymphes et leurs faunes nous rappelle le besoin de respiration intérieure des travailleurs. Vouloir le supprimer de leur conscience, vouloir en faire des machines, c'est simplement chercher, à terme, à détruire l'agriculture française. Les fonctionnaires qui jugent, tranquillement dans leurs bureaux payés par le contribuable, des pratiques et des pensées des agriculteurs sont souvent bien légers. Ils s'en prennent aisément à des vignerons, qui, comme Gérard Bertrand, travaillent plus durement qu'eux - cherchant au fond à leur mettre des bâtons dans les roues au nom de leur rationalisme fondamental, voire de leur dogmatisme caché. Ils perpétuent les habitudes aristocratiques médiévales amenant au mépris des paysans qui croyaient plus aux êtres élémentaires qu'aux grandes abstractions de la religion légale, et qui pouvaient au fond être plus ou moins réduits à l'esclavage pour nourrir les messieurs et les dames, seuls à même de faire briller la Civilisation. En concédant profondément à la culture paysanne, en faisant l'éloge des patois qui contiennent en eux la sagesse instinctive du monde élémentaire, combien davantage Rudolf Steiner rendait-il hommage au Peuple! Combien davantage consacrait-il sa sagesse propre! Combien davantage respectait-il les principes de liberté, d'égalité et de fraternité que cette aristocratie qui, au nom de la Raison républicaine, réclame que les paysans cessent de croire au monde élémentaire, et ne voient plus dans les phénomènes biologiques que des mécanismes reproductibles!

En droit, rappelons-le, les agriculteurs sont absolument libres de faire ce qu'ils veulent sur les terrains qu'ils possèdent ou louent, et leur contester le droit de pratiquer la biodynamie, en les harcelant et en les accablant de reproches abstraits, relève simplement du despotisme, ressortit à l'abus. Les fonctionnaires semblent trop aisément les considérer comme des employés de la Nation.

Certes, les agriculteurs doivent être mis au courant des études scientifiques portant sur leurs pratiques. Mais ensuite ils restent libres, ils ne sont pas les esclaves des savants, pas plus qu'ils ne le sont des anthroposophes institués. Ils ne sont pas une marchandise que les matérialistes et les spiritualistes peuvent s'arracher: ils restent libres. Maîtres chez eux. La démocratie l'assure.

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