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 « Le problème le plus important de toute la pensée humaine : Saisir l'être humain en tant qu'individualité libre, fondée en elle-même »
Vérité et Science, Rudolf Steiner

   

Citation
  • « (…) Celui qui sait que chaque année lui révèle de nouveaux mystères sait également que la vie après la mort lui en révèlera d’autres ; pour lui, douter du prolongement de ce qui apporte du nouveau au développement du corps n’a pas de sens. Pour lui la vie après la mort devient quelque chose de réel, de vraiment réel : ce n’est plus alors ce principe égoïste qui a cours si souvent, mais c’est le principed’humanité (…). »

    Stuttgart, 26 avril 1918GA174b

    Rudolf Steiner
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J'ai évoqué précédemment le mouvement de science catholique qui a essayé de se développer au XIXe siècle dans la foulée d'un romantisme qui prétendait à la fois revenir aux sources du christianisme, dans l'esprit de Chateaubriand, et embrasser la science moderne qui s'était imposée avec la philosophie des Lumières – et dont les prêtres lucides savaient qu'on ne pouvait pas l'effacer d'un trait. C'est exactement cet esprit d'« encyclopédisme chrétien » dont s'est réclamé le premier romantisme allemand, avec Novalis et Friedrich Schlegel, et auquel ont finalement participé plusieurs prêtres catholiques, tel Carl August von Eschenmeyer (1768-1852). Or, dans le duché de Savoie, revenu au roi de Sardaigne en 1815, une impulsion comparable, à l'échelle du pays, se développe bientôt. L'Académie de Savoie, créée en 1820, prétend ramener la science des Lumières vers les vérités divines, et rétablir une « saine raison » qui s'accorde avec la théologie de saint Thomas d'Aquin. On se prend à étudier la nature pour y observer, en même temps que les propriétés constantes de la matière, les principes chrétiens – et de vraies avancées sont produites, même si certains matérialistes voudraient que cela ne soit pas le cas.

En particulier, Louis Rendu (1789-1859) fut un esprit remarquable. Professeur de Philosophie au Collège royal de Chambéry, il y mêlait les sciences, comme cela se faisait dans les établissements catholiques, et tâchait de les développer. Et dans le cadre de l'Académie de Savoie, il s'essaye aux études biologiques et physiques, se penche sur le magnétisme et l'électricité, puis brille en géologie, en essayant de déterminer comment se sont formées les montagnes et comment se forment et évoluent les glaciers. Or, si ses travaux sur la formation des montagnes, marqués par l'obligation de considérer sérieusement une période de Déluge, ne sont pas encore réhabilités (et peut-être ne le seront jamais), ceux sur les glaciers lui ont valu de donner son nom à une montagne dans l'Antarctique et un glacier en Alaska : curieusement (ou pas), il est plus connu dans le monde anglophone que dans le monde francophone.

Sur le magnétisme et l'électricité, comme aussi sur les vents, Rendu fut remarquable dans une certaine propension à personnifier les éléments qui était assez commune dans le style romantique – et qu'il n'a pas poussée très loin, de toute façon. Lors de la soutenance de ma thèse, on a estimé que j'avais trop tiré les choses vers le romantisme, à cet égard : Rendu était sobre, et critiquait les imaginations délirantes des romantiques français – ou même, du reste, de certains savants héritiers des Lumières. Il disait, sous ce rapport, qu'une loi énoncée pour le passé géologique devait pouvoir se vérifier, à une plus petite échelle, dans les phénomènes observables au sein de la vie normale, et qu'il était trop facile d'imputer à des passés lointains l'application de lois mécaniques extraordinaires, sans que rien y corresponde dans la réalité ordinaire. C'est pourquoi il a fortement douté des grands cataclysmes qui auraient provoqué les plis constitués par les montagnes, et les a plutôt expliqués par les masses accumulées voire cristallisées par les mouvements internes à l'eau. Il regardait les montagnes comme ayant été formées par les courants internes à la masse aqueuse qui recouvrait, pensait-il, entièrement la Terre aux origines. Remarquons que c'est une idée qu'avait aussi Rudolf Steiner, sur cette masse d'eau, mais elle n'est pas agréée par la science officielle, de telle sorte qu'insister sur la question serait encore s'attirer les foudres du scientisme de mise. Il suffit de remarquer l'importance de l'eau pour Louis Rendu, car, par son cycle apparemment autonome, elle illustrait et manifestait une grande loi de circulation rythmique qu'il attribuait à toutes choses, y compris à l'énergie, y compris au psychisme humain. Il voyait dans cette loi la manifestation réaliste de la Providence divine, qui préside à l'harmonie des éléments. Et il n'était pas loin de regarder l'âme comme obéissant à cette loi qui la faisait descendre et remonter, aller de la Terre au Ciel. Mais il n'en a pas dit davantage, car cela aurait pu créer des problèmes d'ordre théologique, l'âme n'étant pas réputée descendue du Ciel, dans l'Église, mais naître miraculeusement à la conception. Cependant, la tradition savoyarde, marquée par un certain mysticisme, évoquait bien l'existence de l'âme antérieure à la naissance ou la conception : dans le sein de Dieu, disait François de Sales (1567-1622), nourri de mystique rhénane ; et dans l'univers spirituel, disait Joseph de Maistre (1753-1821), nourri d'Origène et de Louis-Claude de Saint-Martin. L'Église de Savoie avait cette spécificité, et tendait à se démarquer du rationalisme de l'Église de France, jugé par elle excessif.

Rendu expliqua sa démarche d'une façon qui mêlait François de Sales à Goethe. Pour le premier, c'était conscient, et a pu être nourri aussi de la lecture de Jean-Jacques Rousseau : la nature reflète allégoriquement, jusque dans ses mécanismes, la volonté divine. Pour le second, c'était certainement inconscient, mais il a dit clairement ceci : la véritable observation des phénomènes devait être imaginative, sans être fantastique – elle devait suivre, de façon disciplinée, les évolutions plastiques de la matière. En l'espèce, de la matière minérale, mais dans le cas des montagnes, cela se justifiait par les périodes de temps vastes, et dans le cas des glaciers, par la relative plasticité, ou mollesse de la glace, même très froide : elle garde quelque chose de la nature de l'eau, et la température n'explique pas tout – ou, sur Terre, n'est sans doute pas arbitraire.

De fait, Rendu, observant les glaciers de Chamonix dans leur évolution plastique, critiquent ceux qui les fantasment depuis leurs cabinets urbains – et donc ne les comprennent pas. Il ne s'agit pas non plus d'aligner des images statiques et de leur imposer des théories, mais bien, comme chez Goethe, de comprendre les phénomènes dans leur dynamique propre. Il montre ainsi, le premier, ce qui paraît à présent évident : les glaciers se forment à haute altitude par la neige tombée puis gelée, et qui, pesant sur le roc, glisse progressivement jusqu'à fondre et se liquéfier dans la vallée. Peu importe, donc, la température, le glacier reste relativement mou, par rapport à la roche, et glisse dessus – il est seulement de l'eau ralentie. Sa forme, allongée en avant, s'explique évidemment parce qu'à ses rives il est retenu. Rendu en applique les principes aux glaciers du pôle nord, glissant dans la mer. Sa description et ses principes, donc, ont assez explicité le phénomène pour que son nom reste dans l'Histoire – chez les Anglo-Saxons.

Devenu évêque d'Annecy en 1843, il délaisse les sciences naturelles pour se consacrer à l'étude des croyances populaires et, surtout, à un grand ouvrage où il demande au roi de Prusse de se convertir au catholicisme pour unir l'humanité dans une loi chrétienne au sein de laquelle les nations ne seraient plus que des colorations culturelles sans fondement constitutionnel, et dont il estime qu'elle correspond aux vœux de la Providence : il regarde, dans les inventions techniques qui unissent toutes les parties de la Terre, un effet de la divinité unificatrice, préfigurant à cet égard Pierre Teilhard de Chardin (1881-1955).

Il meurt juste avant le rattachement de la Savoie à la France (1860) – sur lequel il n'énoncera pas d'avis, ne se souciant apparemment que de l'humanité entière, rassemblée dans une loi chrétienne qui ne laisse aux nations qu'un statut d'autonomie relative. En Savoie aussi, on était universaliste ! Joseph de Maistre, de fait, avait eu des idées comparables, mais en attendant des actions plutôt des rois de France et d'Angleterre que de celui de la Prusse. Les choses évoluent toujours.

 

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