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Site dédié à la Science de l'Esprit de Rudolf Steiner Anthroposophie

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 « Le problème le plus important de toute la pensée humaine : Saisir l'être humain en tant qu'individualité libre, fondée en elle-même »
Vérité et Science, Rudolf Steiner

   

Citation
  • « (…) La science de l’esprit sert véritablement à la formation d’un jugement libre, à se placer en chaque domaine et en chaque instant librement en face des manifestations. La croyance en une autorité n’a véritablement pas sa place, même dans le plus petit coin, au sein de la recherche de science de l’esprit, car celle-ci ne pourrait alors que dégénérer en sa simple caricature. (…). »

    Stuttgart, 23 mai 1918 - GA174b

    Rudolf Steiner
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Jean-Jacques Rousseau
Il est relativement connu que Rudolf Steiner ne goûtait pas fort le philosophe genevois Jean-Jacques Rousseau (1712-1778), qu'il trouvait bavard à l'excès. Nous avons déjà évoqué de quelle façon, toutefois, les pensées pédagogiques de Steiner pouvaient avoir été nourries de celles de Rousseau par l'intermédiaire de Jean-Paul (1763-1825), romantique allemand qui s'était beaucoup occupé de pédagogie et qui, par admiration pour Jean-Jacques, avait pris son surnom, son patronyme étant en réalité Richter. Car Steiner le cite directement. Mais il est également probable que celui-ci ait lu de façon privilégiée en allemand, pas vraiment en français.

Un autre trait commun troublant entre Rousseau et Steiner est ce qui fait l'objet central de La Philosophie de la liberté (1894), premier grand ouvrage philosophique du fondateur de l'anthroposophie1 : l'idée que le réel n'est ni fait des seules perceptions physiques, ni fait des seules idées divines, mais de l'alliage, de l'assemblage des deux. Les perceptions sensibles trouvent sens grâce aux concepts, l'esprit complétant ce qui manque à la compréhension des perceptions : il établit qu'un camion passant derrière une maison ressortira de l'autre côté, qu'une boule de billard est en mouvement parce qu'une volonté humaine a poussé une première boule qui en a poussé une autre, et ainsi de suite. Il établit, également, que les lions qui apparaissent successivement appartiennent à la même espèce, ont la même nature, parce qu'ils ont la même forme. Il évalue, il juge.

Or, tout cela, Rousseau l'avait déjà dit dans La Profession de foi du vicaire savoyard, partie célèbre de son Émile (1762), traité majeur de pédagogie au sein de l'époque moderne. On se souvient que son personnage – Émile, donc –, effectuant son apprentissage religieux, rencontre un prêtre savoyard exilé dans les montagnes pour une raison délicate non dite, et reçoit un enseignement curieux : le religieux, en effet, évacue tout dogme, et tente d'établir sur une base rationnelle l'existence de la divinité. Une base rationnelle, mais non abstraite, car il s'agit aussi de partir des observations sensibles et, précisément, de les lier à des concepts relevant de la logique imparable. Or, c'est ainsi qu'il établit que le réel est simplement fait de perceptions sensibles et d'idées qui les mettent en rapport, qui conceptualisent les rapports entre elles : il fait chaud parce que le soleil brille, les marmottes sont identiques parce qu'un lien d'espèce les lie, et ainsi de suite.

Mais cela va plus loin. Car le vicaire savoyard, à partir de là, établit ce qu'il faut bien appeler un monde spirituel, en partant analogiquement de soi-même. Il a pu, par l'observation dégagée de tout dogme, remarquer que l'être humain était une simple partie du monde naturel, de l'ensemble des phénomènes observables. Que, de l'extérieur, son action ne se différenciait pas, non seulement du reste du monde des vivants, mais de toute la création. Or, un mouvement, chez l'être humain, n'a pas besoin de remonter dans l'infini des causes, comme le stipulait Spinoza pour l'ensemble des phénomènes : par sa propre expérience, on sait que le mouvement est une action émanant d'un choix volontaire. On veut lever son bras, et le bras bouge. L'esprit commande à la matière. De là, impossibilité de concevoir autrement le reste de la création, puisque l'homme est à son image, en fait pleinement partie : le monde bouge parce qu'une volonté effective le meut. Et d'abord, les étoiles, le soleil, la lune, les planètes !

Rousseau n'en dit pas plus. Mais cela a suffi pour le faire chasser immédiatement de Paris et de Genève. Or, pour quelle raison s'en prend-on à Rudolf Steiner, si ce n'est qu'il a tenu le même raisonnement, a suivi la même logique – se contentant, si l'on peut dire de détailler et de différencier l'action des différents corps célestes et terrestres dans la mesure où ils se meuvent d'eux-mêmes, et d'expliquer leurs rapports exacts avec l'humanité ? C'est bien le sens de ce mot : anthroposophie. Et c'est bien le chemin qu'il a suivi, de La Philosophie de la liberté à ses ouvrages ultérieurs. Steiner subit le même sort que Rousseau. Qu'il ait probablement tiré ces principes de Goethe, grand lecteur de Rousseau, plutôt que de Rousseau même, n'y change rien : il est dans sa foulée, ce que Rousseau a créé, ce que Goethe a traduit et prolongé, Steiner l'a développé, et il subit le sort de cette lignée commençant avec le plus génial de la communauté des Lumières, quoique sans doute pas le plus typique et le plus ordinaire.

En veut-on à Steiner de s'être nourri des mythologies pour détailler l'action des volontés cachées qui meuvent les choses ? L'a-t-il tant fait ? Et quand bien même ? Plus tard, Victor Hugo, aussi disciple de Rousseau à cet égard, l'a fait également, se nourrissant notamment de mythologie chrétienne, à la suite de Joseph de Maistre, et plus encore.

On en veut à Steiner d'avoir développé Rousseau, dont on croyait que la Révolution et le Romantisme avaient suffisamment montré les effets. Ensuite cela aurait dû s'arrêter, pensent sans doute ceux qui ont profité des changements sociaux opérés à cet égard. La révolution permanente est dangereuse, on n'en veut pas. Il faut maintenant de l'ordre.

Et pourquoi pas ? Mais ce n'est pas forcément à ceux qui représentent l'ordre en question d'en décider : l'Histoire seule en décide. Sans doute, Jean-Paul Sartre (1905-1980), qui avait aussi lu abondamment Rousseau - sans doute, en reprenant la même logique de perceptions sensibles organisées par les concepts, a, lui, satisfait à la forme culturelle nouvelle, en affirmant, contre Rousseau et Steiner, que ces pensées organisatrices n'avaient aucune substance, aucun répondant dans l'ordre cosmique même : qu'elles étaient complètement arbitraires, et que même un tissu résultant de leur combinaison ne serait que l'arbitraire d'une décision ou d'une tradition collective, autant dire une hallucination partagée. Dès lors la force du lien social devait être mise en avant, notamment par le communisme, pour que cet arbitraire devienne loi, que l'hallucination devienne révélation. Mais on avait aussi le droit, comme Steiner, d'estimer que les peuples suivent une logique cachée, au même titre que les espèces et les étoiles, qu'ils ne l'imposent pas. Le matérialisme n'est pas obligatoire. On a le droit d'être dans la lignée de Rousseau, Maistre et Hugo, même si on peut admettre que Sartre était rusé et intelligent.

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1. Qui n'est pas, comme le disent certains, le bon Ignaz Paul Vital Troxler (1780-1866), seulement en réalité inventeur du nom, puisqu'il n'a fait aucunement école, et que Steiner même a repris ce nom sans être particulièrement disciple de Troxler, bien qu'il l'ait apprécié comme il a apprécié la plupart des philosophes du romantisme allemand.

 

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