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Site dédié à la Science de l'Esprit de Rudolf Steiner Anthroposophie

Questionnements, essais et contenus portant sur divers aspects liés à la science de l'esprit (science initiatique moderne) de Rudolf Steiner.
Beaucoup d'articles sur ce site requièrent un travail d'étude sérieux, portant sur des connaissances épistémologiques et ésotériques, pour être compréhensibles.

 

 « Le problème le plus important de toute la pensée humaine : Saisir l'être humain en tant qu'individualité libre, fondée en elle-même »
Vérité et Science, Rudolf Steiner

   

Citation
  • « (…) tout ce qui doit jaillir sur notre terrain {anthroposophique} doit le faire dans la pleine lumière publique. Lorsque tout ce qui apparaît est pleinement public, il n'y a plus de terrain pour les calomnies. Aussi n'y a-t-il plus aucune autre méthode à l'avenir. C'est pourquoi, en ce qui me concerne, je veillerai à ce que la science de l'esprit d'orientation anthroposophique se déroule dorénavant dans la pleine lumière publique. Elle n'a pas à craindre le public. (…). »

    Stuttgart, 11 mai 1917 - GA174b

    Rudolf Steiner
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Relativement au monde spirituel, la sagesse juive a pour qualité d'être remarquablement claire, et à ce titre se recoupe souvent avec ce que Rudolf Steiner, qui avait la même ambition de clarté, a pu énoncer. Les différences de lieu, d'époque et d'habitudes peuvent créer un regard différent, mais, dans le monde spirituel, beaucoup de choses restent les mêmes d'un siècle à l'autre, quoi qu'on dise, et on peut être surpris qu'à bien des égards, même avec le christianisme les pensées de Rudolf Steiner ne se recoupaient pas autant qu'avec le judaïsme. C'est en particulier le cas – donc – pour ce qui n'a pas changé depuis l'aube des temps, au sein de l'humanité et du monde : les rapports entre Dieu et la Nature, les vies successives, les anges. On peut se poser la question de savoir jusqu'à quel point ces recoupements existent. Voyons cela1.

Dans le magazine français Marianne, assez hostile à l'anthroposophie, on a eu récemment un article affirmant que l'écologie était par essence liée à des mouvements spirituels. Le journal en parlait comme d'une fatalité négative, et cela amenait à rejeter l'écologie en général : cela ne laissait aucune place à une écologie agnostique, je dirais. Je ne veux pas juger ici de la validité d'une telle affirmation péremptoire – et tendant en réalité à réhabiliter le spirituel dans la démocratie, puisque l'écologie y a aussi le droit de s'exprimer. Mais je remarquerai que relativement à cette question, le judaïsme semble aller tout à fait dans le même sens : « il est un aspect de la conscience écologique qui est souvent négligé : sa dimension spirituelle (…). La Torah indique que, bien que nous puissions parfois nous sentir en conflit avec la nature du fait que nous devons lutter pour survivre, le monde constitue en réalité un ensemble potentiellement harmonieux dans lequel chaque élément est précieux », rappelle David Sears2. Le monde émanant de Dieu, il faut le respecter comme tel, ainsi que le recommandaient certains chrétiens tels que François de Sales ou Jean-Jacques Rousseau. Ils recommandaient même de lire la main de Dieu dans les phénomènes, et David Sears, citant Simcha Raz (A Tzaddik in Our Time, pp. 108-109), montre la présence d'une même idée dans le judaïsme : « il n’est pas un seul brin d’herbe poussant ici sur Terre qui ne possède un ange au-dessus de lui qui lui commande de croître. Chaque germe, chaque feuille dit quelque chose de significatif, chaque pierre murmure quelque message dissimulé dans le silence. Chaque créature chante son cantique », affirma le Rav Kook, maître du Rav Levin qui le narra. C'est remarquable, car cela renvoie à une angélologie impliquée dans la Nature, y compris végétale – et donc à la biodynamie, qui pense pouvoir capter les forces spirituelles à l'œuvre dans les choses pour améliorer la qualité des aliments.

En effet, lorsqu'il s'agit des anges, le judaïsme va toujours dans un sens similaire. S'il faut parler d'abord de la Nature, et de l'implication en son sein des anges, citons ce remarquable passage de Baruch S. Davidson : « Selon certaines écoles de pensée, le terme ange dans la littérature juive peut désigner les lois de la nature qui, bien qu’elles soient ostensiblement des pouvoirs naturels, sont également des pouvoirs d’origine divine. Elles sont les messagers de D.ieu qui mettent en œuvre Sa volonté3 ». C'est clair : ce que la science matérialiste appelle des lois physiques est en réalité fait de forces spirituelles stables, régulières, constantes, voulues par Dieu : des habitudes angéliques. François de Sales et Charles Baudelaire avaient donc raison de chercher la main de Dieu dans la Nature, de voir des signes dans les phénomènes. Certains chrétiens tels que Chateaubriand niaient une telle chose, néanmoins, affirmant que cela relevait de la magie : il haïssait l'idée d'esprits impliqués dans les phénomènes naturels, réservant les anges et les démons à la seule moralité humaine, dont ils étaient avant tout chez lui l'allégorie. C'est confiner au rationalisme chrétien, ce qui est typique du gallicanisme, le catholicisme gaulois. Rappelons que François de Sales était savoyard. Et que parmi les Français qui pensaient comme lui, Victor Hugo était né en Franche-Comté, vieille terre du Saint-Empire romain germanique – tout comme la Savoie. Les effets de ce rationalisme absolu se font encore sentir dans le catholicisme français aujourd'hui, à bien des égards. Et il est la source réelle du rationalisme des Lumières. On en trouve la source, à son tour, dans le catholicisme romain antique. Je pourrais le prouver, mais je le ferai une autre fois. Saint Augustin et le poète Prudence pourront notamment être invoqués. Revenons cependant au judaïsme.

Il dit bien d'autres choses magnifiques sur les anges – que leur apparence imaginative renvoie à leurs attributs spirituels, qu'ils se divisent en rangs, qu'ils aident les hommes dans leurs bonnes actions, et libèrent leurs âmes à la mort. En général, la spécificité du judaïsme est que les anges y sont très fonctionnels : ils exécutent les volontés de Dieu, et ne décident de rien eux-mêmes. Le romantisme européen, les assimilant aux dieux païens, leur a souvent donné plus d'humanité. Mais l'Église elle-même s'en est offusquée, réagissant avec vigueur par exemple aux imaginations poétiques d'Alfred de Vigny à leur sujet (dans Eloa). Chez Rudolf Steiner, cela reste très ambigu. L'ange est une expérience proche de l'indicible, pour l'être humain.

Enfin le judaïsme, c'est mal connu, admet les vies successives. Comme le rappelle Yerachmiel Tilles : « de nombreux Juifs sont surpris d’apprendre, ou souhaiteraient parfois même nier, que la réincarnation – la rotation des âmes à travers une succession de vies, ou guilgoulim – fait partie intégrante de la foi juive. Pourtant, cet enseignement existe depuis toujours. Et il est fermement ancré dans nos sources4 ». En l'espèce, cette réincarnation juive est surtout conçue comme étant une chance de perfectionnement : elle n'est nullement faite pour punir. Le sage affirme : « chaque Juif doit accomplir l’ensemble des 613 mitsvot, et s’il n’y parvient pas en une seule vie, alors il revient encore et encore jusqu’à ce qu’il finisse. C’est pour cette raison que les circonstances de la vie peuvent conduire une personne vers certains lieux, l’amener à faire certaines rencontres, d’une manière qui peut nous paraître aléatoire, ou pas ». Saluons ce style incluant subtilement le mystère.

Et Yerachmiel Tilles d'ajouter : « Une des façons dont le Ciel préserve notre capacité à exercer entièrement notre libre arbitre est de nous priver de la conscience de nos incarnations antérieures. C’est pour cela qu’il semble à certains que la connaissance de cette doctrine apporte peu sur le plan pratique. Par ailleurs, de nombreux érudits affirment que ces concepts mystiques peuvent être facilement mal compris ou bien conduire à des conclusions erronées et trompeuses ». La connaissance ésotérique est dangereuse. Comme le rappelait Steiner lui-même, on a tôt fait de gonfler son petit soi en imaginant être la réincarnation de Marie-Madeleine. Une grande humilité, et le lien constamment établi entre les événements de la vie et leur enjeu moral, plutôt qu'une fantaisie élaborée à partir du passé pour se raconter des histoires flatteuses, sont nécessaires à l'appréhension du grand secret. Une fois de plus, la connaissance ésotérique des vies successives est faite pour aider au perfectionnement moral, ou elle est stérile. C'est sans doute cette prudence qui fait méconnaître ces aspects du judaïsme proches de l'anthroposophie conçue comme philosophie de Rudolf Steiner, et qui a poussé le catholicisme romain, s'appuyant sur la tendance matérialiste de la philosophie latine même, à nier ces phénomènes admis par le judaïsme – lesquels on pourra résumer par l'insertion de l'Esprit dans les rythmes naturels, humains et cosmiques.

On sait que pour le judaïsme les rythmes lunaires et stellaires sont très importants, ce qu'on trouvera prouvé sur d'autres pages du même site cité. C'est magnifique, et la profondeur de cette sagesse a quelque chose d'époustouflant, si sur le Christ elle a évidemment de tout autres vues que n'avait Steiner, ou sur l'avenir de l'humanité. Mais j'y reviendrai une autre fois.

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1. Nous nous appuierons, pour répondre à cette question, sur le site https://fr.chabad.org, je pense de référence, et vérifié par les rabbins les plus avertis.
2. Voir : https://fr.chabad.org/library/article_cdo/aid/1987332/jewish/cologie-et-spiritualit-dans-la-tradition-juive.htm
3. Voir : https://fr.chabad.org/library/article_cdo/aid/2427825/jewish/Que-sont-les-anges.htm
4. Voir : https://fr.chabad.org/library/article_cdo/aid/1757874/jewish/Le-Judasme-et-la-rincarnation.htm

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