Extrait de la 1ère conférence du cycle « L'Univers, la Terre et l'Homme » (4/08/1908) - Rudolf Steiner – GA105
Éditions Triades - Traduction Raymond Burlotte
(...)
L’histoire extérieure nous parle de cette civilisation grecque dont nous pouvons admirer les chefs-d' œuvre de la statuaire, ces formes idéales, où le type humain atteint la perfection pour représenter les dieux : Zeus, Demeter, Athéna, Apollon. Chez les Romains, un autre caractère nous frappe. Ici les personnages que représentent les statues portent le plus souvent des toges qui signifient quelque chose de plus qu'un simple vêtement. Qu'éprouvons-nous devant ces figures romaines? Certaines statues de l'époque des rois, ou de celle de la République, nous donnent l'impression que les figures idéales de la Grèce antique sont descendues de leur piédestal pour devenir des hommes de chair et de sang. Cette impression vient de la force intérieure qu'ils possèdent.
Nous sentons ce qui réside dans cette force intérieure lorsque nous comparons les sentiments, les pensées d'un citoyen grec, un Spartiate ou un Athénien, avec ceux d'un citoyen romain. Le Grec se sentait d'abord un Spartiate ou un Athénien. Pourvu, dans une certaine mesure, d'une âme collective, le Spartiate, l'Athénien éprouvait d'avantage la polis, la «cité», que sa propre personne. Il se sentait plus Spartiate ou Athénien que membre de l'humanité. La force qui agissait en lui émanait plus de l'esprit général de la polis que de la force personnelle de l'individu. Le Romain, par contre, nous apparaît bien plus fortement centré sur lui-même.
Le caractère proprement romain, c'est la conception qu'on se fait du droit de chaque citoyen. Tout ce que les juristes ont cru pouvoir attribuer à une autre origine qu'à la législation romaine ne semble pas fondé, car le droit romain a été reconnu à juste titre comme la véritable patrie de toute notion juridique. Dans l'ancienne Rome, l'homme apprit à se sentir un individu dressé sur ses deux jambes. Il n'est plus membre d'une cité, mais citoyen romain, c'est-à-dire qu'il se sent au centre de lui-même. C'est à ce point de l'évolution humaine que le monde spirituel, que l'on avait senti jusqu'alors comme une réalité planant dans des régions supérieures, descend sur la Terre, et ce fait trouve une de ses expressions dans l'apparition du droit qui donne son caractère à toute la civilisation romaine.
Quand le Grec se considérait avant tout comme un Thébain ou un Spartiate, de quelle nature était donc cet esprit de Thèbes ou de Sparte? Pour nous autres anthroposophes, cet esprit n'est pas une abstraction, mais quelque chose comme un «nuage» spirituel qui n'est finalement que l'expression corporelle d'un être spirituel qui recouvre toute la cité de Sparte ou de Thèbes, bien que les sens physiques ne le perçoivent pas. Ce n'est pas sa propre personnalité que le Grec voit en premier lieu; son regard s'élève vers quelque chose qui est au-dessus de lui.
Le Romain se voit d'abord lui-même; ce qui est le plus haut, pour lui, c'est l'être humain qui peut prendre forme dans la chair, sur le plan physique. Le spirituel s'est entièrement incorporé à l'homme. Et c'est bien l'époque, en effet, où la plus haute spiritualité, la divinité même, a pu descendre s'incarner, se faire chair, se faire homme en Jésus-Christ.
(...)
Rudolf Steiner
Ndlr : Un extrait isolé issu d'une conférence, d'un article ou d'un livre de Rudolf Steiner ne peut que donner un aperçu très incomplet des apports de la science de l'esprit d'orientation anthroposophique sur une question donnée. De nombreux liens et points de vue requièrent encore des éclairages, soit par l'étude de toute la conférence, voire par celle de tout un cycle de conférence (ou livre) et souvent même par l'étude de plusieurs ouvrages pour se faire une image suffisamment complète ! Le présent extrait n'est dès lors communiqué qu'à titre indicatif et constitue une invitation à approfondir le sujet. Le titre de cet extrait a été ajouté par la rédaction du site www.soi-esprit.info |
Tous les articles de la catégorie Pensées anthroposophiques
- Quelle est l’importance du penser, du sentir et du vouloir après avoir franchi la porte de la mort ? NOUVEAU
- Après la mort, tout ce dont l’être humain n’a pas le moindre soupçon pendant sa vie se dresse puissamment devant lui NOUVEAU
- La relation avec les autres êtres humains après la mort, lors de la traversée du kamaloca. Désirs et convoitises camouflés ont une action d’autant plus intense après la mort NOUVEAU
- Ce n’est pas le contenu des mots qui compte mais l’essence de la chose NOUVEAU
- Deux expériences essentielles rencontrées très tôt au cours de la vie entre la mort et une nouvelle naissance (ainsi que par l’étudiant en occultisme) NOUVEAU
- Penser – Sentir – Vouloir : une courte caractérisation
- Organiser le travail scolaire sur base d’une connaissance intime de l’être humain: exemples
- Ce que nous apprend la science : nous avons évolué en nous débarrassant des formes animales
- Pourquoi les êtres humains ne peuvent-ils plus être intérieurement unis au cours de l’année ?
- L'importance capitale des premiers pas dans la vie pour ce qui est déterminé par le destin
- Après la mort: une conscience incommensurable à atténuer pour pouvoir s’orienter
- Le cerveau en tant qu’appareil réflecteur - L’être humain construit selon les pensées du cosmos
- Une mémoire universelle incarnée : voilà ce qu’est l’être humain
- Tous les matins brille le cirage de la chaussure cosmique, ou la prétention d’avoir un jugement sur la totalité du monde à partir des seules lois de la physique, de la chimie, de la biologie
- Le tarissement des forces spirituelles et la nécessité que de telles forces soient générées par les êtres humains eux-mêmes
- Opposer une vie intérieure puissante aux impressions extérieures: un remède permettant de faire face à l’évolution culturelle?
- Se défendre contre tout ce que la technique a apporté dans la vie moderne? Ce serait commettre la plus grave erreur...
- L’amour que l’on croit porter à quelqu'un, le plus souvent pur égoïsme?
- Comment pouvons-nous contrebalancer consciemment les instincts antisociaux, qui se développent naturellement, par des instincts sociaux ?
- De la confiance que l'on peut avoir dans le penser
- Le processus que nous connaissons plus immédiatement et plus intimement que tout autre processus du monde: notre penser
- Pourquoi la majeure partie de la population reste-t-elle indifférente devant l’accroissement incessant du pouvoir médical ?
- Comment faudrait-il concevoir l’enseignement de l’anthroposophie pour les débutants ?
- Origines occultes du matérialisme de notre époque
- La patience, au sens occulte, est nécessaire pour comprendre la science de l'esprit
- Au sujet de la nature des vérités anthroposophiques
- De la nature abstraite des concepts
- Action matérialisante du cinéma