C'est récemment, au cours de l'été 2010, que j'ai découvert la petite allocution de Rudolf Steiner ci-dessous qui résume de façon percutante la position anthroposophique («théosophique» à l'époque) vis-à-vis de l'astrologie, et en particulier de la pratique des thèmes astrologiques de naissance.
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Rudolf Steiner - Quelques remarques sur l'astrologie (Berlin, 31 octobre 1910) - Inédit- (uranosarchiv.de; steinerquellen.de; steinerdatenbank.de; steiner-klartext.net) (Traduction et notations de C.L.)
Après une conférence de Franz Seiler (1868-1959) sur l'astrologie faite à l'occasion de la 9e Assemblée générale de la Section allemande de la Société Théosophique (à partir du 30 octobre 1910)
- [Entre parenthèses : alternative de traduction.
- Entre crochets : notations du traducteur.
- Les mots soulignés le sont dans les notes manuscrites originales; c'est donc, soit l'initiative de la personne qui a pris les notes, soit de celle qui les a recopiées.]
« Il est nécessaire, après que le conférencier [Franz Seiler] vient de parler, d'exposer le point de vue auquel la Section allemande [ de la Société Théosophique] s'est placée depuis le début, et ce dans le sens d'un refus vis-à-vis de l'astrologie. Cela n'est pas fait à cause de cette science par elle-même, laquelle est l'une des sciences les plus anciennes et les plus vastes parmi les sciences occultes, mais en raison des grands dangers qui sont liés à celle-ci, et du fait qu'elle freinerait plutôt qu'elle ne stimulerait le progrès des membres [de la S. T. en l'occurrence]. Dans la mesure où l'homme doit s'efforcer de s'élever au-dessus de son égoïsme, la pratique de l'astrologie est le moyen le plus puissant qui soit de renforcer cet égoïsme, et en cela son action est nocive. Quelque raison que l'on puisse invoquer pour corroborer la nécessité ou l'utilité de l'astrologie, on aboutira cependant toujours à un égocentrisme raffiné, qui, du fait qu'il agit de façon plus intime, n'en est que plus dangereux. De tout ce que nous avons appris sur les relations entre la vie ici et celle dans le monde spirituel, nous savons que l'âme entre la mort et une nouvelle naissance possède un savoir beaucoup plus vaste que la personnalité telle qu'elle est incarnée sur terre. Dans cet état du passage entre mort et nouvelle naissance, l'âme a une vision d'ensemble de ce qu'elle a eu comme expériences au cours de sa vie précédente, et ce qui lui en est resté en tant qu'insuffisances. C'est sur la base de ce savoir qu'elle donne son orientation à la vie à venir. Elle se choisit pour cela les conditions qui s'offrent à elle pour renforcer et rehausser ou transformer ses traits particuliers. Pour cela sont nécessaires des événements précis, et l'âme choisit sa nouvelle naissance dans le temps où auront lieu de tels événements. Elle a par exemple voulu que sa prochaine vie terrestre doive se terminer par une catastrophe ou bien que des faits prennent place qui, selon les concepts humains, aboutiraient à quelque chose de dommageable[1]. Les résolutions dans la vie entre mort et nouvelle naissance deviennent des faits au cours de la vie terrestre qui suit. Plus l'homme incarné fera de tentatives pour se soustraire à quelque chose de son destin, d'autant plus sûrement ces tentatives mèneront au but préconçu. On se prive de beaucoup de la force de percussion d'un fait lorsqu'on s'est préparé auparavant à ce fait. Cela agit de façon affaiblissante sur le courage de l'âme que l'on doit s'approprier au premier chef.
L'établissement d'un horoscope donne bien sûr une image générale de la vie à la naissance et aussi des particularités du caractère, étant donné que le parcours du soleil, de la lune et des planètes dans le zodiaque contient un nombre gigantesque de possibilités, mais ce qui ne s'exprime pas là, c'est la volonté de l'âme désincarnée [c'est-à-dire: avant la naissance], volonté sur laquelle se fonde cette vie-là, et c'est cette volonté (prénatale[2]) qui importe. On empêche cette volonté de se déployer lorsqu'on veut s'immiscer dans d'éventuels coups du sort (revers de fortune) qui pourraient être provoqués par certaines configurations célestes.
Ce n'est qu'au terme d'un parcours occulte que l'étude de l'astrologie peut être envisagée; c'est seulement alors qu'elle est nécessaire. »
[J'ajoute maintenant à ce texte de 1910 qui exprime surtout une première famille d'objections possibles à la pratique des thèmes astrologiques (objections concernant l'égoïsme, l'égocentrisme, le nombrilisme, et aussi l'action négative d'un savoir inadéquat sur la volonté), quelques brefs passages d'un article écrit cinq ans auparavant par Rudolf Steiner, où l'accent était porté cette fois sur une autre famille d'objections (celles concernant le niveau technique nécessaire, la compétence ésotérique)[3].Ces passages constituent d'ailleurs quasiment une explicitation de la dernière phrase du texte de 1910.]
Rudolf Steiner - Comment la théosophie se situe-t-elle vis-à-vis de l'astrologie?[4] (Article in Lucifer-Gnosis, Septembre 1905 ; repris in GA34, 1987, Lucifer-Gnosis. Grundlegende Aufsâtze zur Anthroposophie und Berichte aus den Zeitschriften ,,Luzifer" und ,,Lucifer-Gnosis" 1903-1908, pp. 396-399)- (Traduction et commentaires de Christian Lazaridès)
« (...) La véritable astrologie est en fait une science absolument Intuitive et elle exige, chez celui qui veut la pratiquer, le développement de forces de connaissances suprasensibles supérieures, qui aujourd'hui ne peuvent être présentes que chez le plus petit nombre. (...) » (p. 396 de l'édition en allemand; p. 119 de l'article en français)
« (...) Mais pour élever ces relations à une connaissance scientifique claire, est nécessaire le développement des forces d'une vision suprasensible très haute. Ce sont seulement les plus hauts degrés de l' Intuition accessibles par l'être humain qui atteignent à cela. Et certes pas ces pressentiments nébuleux et ces rêvasseries semi visionnaires que l'on nomme aujourd'hui si fréquemment intuition, mais la faculté sensorielle intérieure la plus pointue qui soit, comparable seulement avec la pensée mathématique. (...) »
(p. 397 de l'édition en allemand; p. 120 de l'article en français)
« (...) Il règne aujourd'hui la plus grande confusion au sujet du concept d'intuition. ( ... ) » (p. 398 de l'édition en allemand; p. 121 de l'article en français)
« (...) Les lois astrologiques, quant à elles, reposent en fait sur des Intuitions par rapport auxquelles même la connaissance de la réincarnation et du karma demeure quelque chose de très élémentaire. ( ... ) »
(p. 399 de l'édition en allemand; p. 122 de l'article en français)
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[C'est moi (C.L.) qui ai mis en italique et avec majuscule le mot Intuition, et qui souligne. On aura compris que le terme «Intuition» présent dans ces citations est pris dans son sens technique dans le cadre du triptyque« Imagination - Inspiration - Intuition», c'est-à-dire les trois niveaux de connaissance (ou de clairvoyance) supérieure scientifiquement éduquée au cours d'années, de décennies, voire de vies entières.
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NB - En 1905, et en 1910, Steiner enseignait encore dans le cadre de la Section allemande de la Société Théosophique (ST) La Société Anthroposophique proprement dite verra le jour le 28 décembre 1912 à Cologne. Il est net que Steiner, depuis le début de sa collaboration avec la Théosophie (1900 ou 1902, selon les critères pris en compte), avait enseigné, au sein de la Section allemande de la ST, une ligne philosophique, puis chrétienne, rosicrucienne, en contradiction totale avec ce qui s'enseignait dans la Société Théosophique de la tendance Besant/Leadbeater, majoritaire dans le reste du monde. Dans ce sens, il y a continuité absolue entre ce qu'il a dit jusqu'en 1912 et ce qu'il dira à partir de 1913.
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Publié sur Soi-esprit.info avec l'aimable autorisation de l'auteur
lazarides.christian [at] gmail.com
[1] Dans le manuscrit il y a en fait Schande [quelque chose de honteux, d'indigne] mais, dans le sens du texte, il pourrait plutôt s'agir de Schaden [dommage(s), chose(s) dommageable(s)].
[2] Ici la mise entre parenthèses est dans le manuscrit.
[3] Voir aussi Christian Lazaridès, « Quelques objections à la pratique des thèmes astrologiques », L 'Esprit du temps, n° 4, Noël 1992, pp. 62-70.
[4] Voir l'article entier in Triades, XXVIIe année, n° 2, pp. 119-122, sous le titre « Anthroposophie et astrologie» (Traduction de Henriette Bideau).
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