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 « Le problème le plus important de toute la pensée humaine : Saisir l'être humain en tant qu'individualité libre, fondée en elle-même »
Vérité et Science, Rudolf Steiner

   

Citation
  • « (…) la culture qui s'est développée est complètement portée à conférer à des incapables la domination, la puissance mondiale, celle qui opprime toute velléité de recherche sincère. Il s'agirait de ne pas rester dans l'obscurité à ce propos. C'est au contraire ce qu'il faut comprendre au sens le plus profond  (…). »

    Stuttgart, 15 mars 1916 novembre - GA174b

    Rudolf Steiner
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Livre Ere des poissons pt
Incendie du premier Goetheanum, dans la nuit de la Saint Sylvestre 1922/1923

 

Stephan Eisenhut
Publié dans la revue Die Drei - 6/2022

Traduction : Daniel Kmiecik
Source : Les traductions de Daniel Kmiecik − www.triarticulation.fr/AtelierTrad

 

Note de la rédaction : Les numéros de page des ouvrages de Rudolf Steiner mentionnés dans les notes de bas de page, concernent l'édition allemande de son oeuvre, et non pas les éditions en langue française.

 

Mouvement anthroposophique et mouvement pour un renouveau religieux comme pôles de la libre vie de l’esprit

 

Rudolf Steiner caractérisa la fondation de la Communauté des Chrétiens comme « l’élément le plus important de l’histoire anthroposophique »[1]. Cependant, il savait que cela défierait encore plus les adversaires du mouvement anthroposophique. Le présent article examine comment les deux grandes contre-impulsions de l'époque de l’âme d’entendement (ou de l'âme de cœur) sont liées aux différentes tâches du mouvement pour le renouveau religieux et du mouvement anthroposophique à l'heure actuelle. L'incendie du Goethéanum apparaît comme une illustration du fait concret que l’on n’est pas encore venu à bout de cette tâche.

 

Dans la nuit de la Saint Sylvestre 1922/23, le premier Goethéanum est parti en fumée. Un incendiaire, qui connaissait manifestement bien la construction de l’édifice, avait mis le feu à un endroit d’où l’incendie put se propager — sans être remarqué cependant pendant plusieurs heures dans la lourde construction de bois — jusqu’à ce que l’incendie soit inextinguible. Rudolf Steiner tint donc sa dernière conférence sur le « culte cosmique »[2] dans un édifice qui était en feu.

La destinée de la Communauté des Chrétiens, qui avait été fondée exactement un trimestre auparavant, est tragiquement reliée à ce malheur. Il était immensément important pour Rudolf Steiner que cette fondation fut possible et il déplorait que lors du processus de fondation, vraiment beaucoup de temps eût été perdu à cause de malentendus.[3] Il était conscient depuis longtemps qu’à côté du mouvement anthroposophique, qui avait pris son départ d’un renouveau du penser scientifique, un autre mouvement devait naître qui permît l’action sacerdotale conforme à l’époque avec, en son centre, un culte renouvelé. Cela résultait aussi de l’exigence d’une articulation conforme aux faits de l’organisme social, dans lequel la vie de l’esprit ne domine plus les autres domaines[4]  — comme dans la situation de l’état corporatif (Ständestaat) au Moyen-Âge, par exemple. Une forme sacerdotale conforme à la libre vie de l’esprit devait prendre naissance. Rudolf Steiner était parfaitement conscient qu'une telle impulsion devait s'opposer violemment aux conceptions du clergé catholique, car celui-ci avait lancé à partir de 1891, sous la direction du pape Léon XIII et sous l'influence déterminante de l'ordre des Jésuites, un programme de restauration basé sur le néo-thomisme, qui s’orientait sur l’ordre étatique médiéval, dont on peut suivre les impulsions organisatrices jusque dans notre présent actuel.[5] Déjà dans un cours préparatoire, en juin 1921, Rudolf Steiner avait mis les  prêtres en garde pour cette raison :

L’anthroposophie en tant que telle sera simplement combattue de la manière la plus inouïe de tous les côtes possibles ; et pour en arriver, à l’intérieur de ce combat, à une formation paisible de communauté, pour cela, voyez-vous, en vérité, la force que vous avez aujourd’hui par votre nombre, ne suffira pas  — et elle ne suffirait guère, fussiez-vous encore dix fois plus nombreux. Car nous ne vivons pas encore dans les relations sociales qui rendraient possible à partir de l’anthroposophie elle-même, d’en venir à une formation de communauté religieuse.[6]

L’anéantissement du Goethéanum était déjà annoncé à ce moment-là. En octobre 1920, le journal incendiaire antisémite Der Leuchtturm écrivait :

Il y a donc suffisamment d'étincelles de feu spirituelles qui grésillent juste après la souricière en bois et il faudra une certaine sagesse de la part de Steiner pour agir de manière « conciliante », afin qu'une véritable étincelle de feu ne vienne un jour mettre un terme peu glorieux à la gloire de Dornach.[7]

Rudolf Steiner avait pris très au sérieux ces menaces émanant du champ ésotérique environnant, d’autant plus que leurs calomnies étaient volontiers reprises par des représentants du catholicisme national-conservateur, comme le prêtre d’Arlesheim, Max Kully. Il prit encore plus au sérieux les attaques qui provenaient de l’ordre des Jésuites, étant donné qu’il considérait ceux-ci comme des «représentants officiels de la communauté cléricale catholique»[8]. En novembre 1919, le père jésuite Otto Zimmermann, dans les Stimmen der Zeit [Les voix du temps, ndt], avait expliqué que l’anthroposophie se trouvait sous la condamnation du saint office et qu’il n’était pas permis par conséquent aux catholiques d’adhérer à de telles «sociétés théosophiques, ni de prendre part à leurs assemblées, ni de lire leurs ouvrages, journaux et écrits (libros, ephemérides, diaria, scripta[9]. L’idée de la Dreigliederung de l’organisme social était aussi très critiquée dans cette publication par le père jésuite Constantin Noppel.[10]

Les expériences de Rudolf Steiner avec les attaques et diffamations provenant de l’ordre des jésuites n’avaient pas seulement commencé avec la fondation des institutions anthroposophiques d’après 1919. Dix ans auparavant déjà, était paru le Manuale di teosofia, du père jésuite Giovanni Busnelli qui s’était confronté, à partir de son point de vue néo-thomiste, aux divers courants théosophiques et il avait caractérisé Rudolf Steiner de «prête défroqué» dans son écrit. En 1912, Zimmermann, le frère d’ordre de Busnelli, avait repris cette calomnie qui n'était étayée par aucune sorte de fait, dans son compte rendu du livre dans les « Stimmen aus Maria-Laach »[11] [Toujours des « Voix de », car ces gens « entendent des voix résonner d’un peu partout », ndt] et il assura la diffusion de cette affirmation dans les cercles théosophiques. De telles tentatives de discrédits montrent que très tôt dans les milieux catholiques, Rudolf Steiner était bel et bien perçu comme une sérieuse menace.

S’éveiller à l’opposition

Que le mouvement anthroposophique et le mouvement du renouveau religieux rencontrassent de fortes oppositions qui voulaient radicalement les anéantir[12], Rudolf Steiner reconnaissait cela comme une nécessité évolutive. Sans l’action de ces forces retardatrices, l’être humain ne pourrait jamais se développer à la liberté. En comprenant ce qui agit dans ces forces, il peut dans le même temps apprendre à reconnaître ce qu’il peut mettre de sa liberté à leur place. De ce fait les impulsions destructrices peuvent être neutralisées et métamorphosées. Par contre un endormissement vis-à-vis de ces impulsions opposées devaient provoquer les pires conséquences. Pour cette raison, Rudolf Steiner s'est donné beaucoup de mal afin de décrire ces contre-impulsions à ses compagnons spirituels. Une mise en garde de 1902 en démontre le sérieux :

Ceux qui combattent ainsi, par exemple les jésuites, qui savent pourtant très bien ce que de nombreux anthroposophes ne savent pas, à savoir qu’une réalité se présente dans la science spirituelle d’orientation anthroposophique, seulement depuis qu’ils remarquent celle-ci — et cela remonte en vérité à pas mal de temps déjà, à peu près depuis 1906, 1907 —, depuis qu’ils la connaissent, ils ne font que se battre de plus en plus contre la science spirituelle. Et la manière dont ils le font, leur raffinement particulier à le faire, un grand nombre d’anthroposophes ne le soupçonnent même pas du tout encore, car on ne veut pas réellement s’assurer intérieurement du sérieux de la situation.[13]

Deux contre-impulsions s’avèrent donc d’une importance particulière que Rudolf Steiner décrivit de manière réitérée à partir de 1904, qui s’affirmèrent en étant reflétées autour du milieu du développement[14] de l’âme d’entendement ou de cœur. Le mouvement pour un renouveau religieux a pour objectif de transformer la première contre-impulsion, alors que le mouvement anthroposophique doit se confronter à la seconde contre-impulsion. La première provient de l’empereur Auguste qui tenta de raviver les Mystères antiques. Quelque chose en fut conservé pour le développement de l’âme de sensibilité, ce qui était juste. Avec la seconde contre-impulsion, par contre, qui connut sa culmination en 666 ap. J.-C., une progression évolutive fut prématurément anticipée qui eût dû seulement s’ensuivre à l’époque de l’âme de conscience. Si cette progression immature n’eût pas été atténuée par la suite, alors elle eût provoqué le fait que l’être humain actuel n’aurait pas été en situation de prendre son développement individuel lui-même en mains et d’acquérir des connaissances spirituelles librement par son travail. Steiner montre comment ces deux impulsions ont agi dans l’Église catholique en formant la partie constitutive centrale de son pouvoir.

L’impulsion de l’empereur Auguste

Au centre de la fondation du «Bewegung für religiöse Erneuerung [mouvement pour un renouveau religieux]» se trouvait la «christification» (Verchristlichung) du culte. Cette nécessité de la fondation du «mouvement pour un renouveau religieux», Rudolf Steiner la dégagea et la rendit progressivement évidente par son travail, à partir quelque peu de 1916/1917.[15] Et il espérait de plus beaucoup de la part de Friedrich Rittelmeyer, qu’il acceptât cette tâche, lui, qui, en tant que pasteur protestant jouissant d’une grande considération, s’était engagé à fond dans la christologie anthroposophique et était devenu un élève de Rudolf Steiner. Il ressentait d’une manière profonde la nécessité de l’élément cultuel. Car ce dernier [l’élément cultuel, donc, ndt], s’était égaré pour l’Église évangélique. Dans l’Église catholique, par contre, le culte était, avec le sacrifice de la messe au centre, un des piliers porteurs. Rudolf Steiner parlait avec une grande reconnaissance du sacrifice de la messe, étant donné que ce point cardinal du culte remontait aux Mystères pré-chrétiens.[16] Mais dans les formes et cérémonies de ce culte, qui avaient « traversé l’époque de l’âme de sensibilité de l’humanité »[17], ce qui provenait du Mystère du Golgotha avait été seulement fondu intimement. Ce culte n’avait pas encore été réellement christifié. On avait beaucoup plus conservé en lui ce qui était véritablement propre au développement de l’âme de sensibilité dont les vertus ou forces étaient mortes entre temps.[18] Ce culte pouvait cependant être ravivé par « ce que la science spirituelle d’orientation anthroposophique avait à dire en revanche, dans l’époque moderne, sur le Mystère du Golgotha. »[19]

Steiner se rattachait ici à une problématique de l’Église catholique, qui dépendait d’une impulsion de l’empereur romain, Auguste (63 av. J.-C; — 14 ap. J.-C), lequel régnait au Tournant des Âges. Celui-ci s’était laissé conférer la dignité de pontifex maximus, c’est-à-dire de prêtre suprême. Après que le pouvoir temporel de l’empereur romain eut été anéanti, 500 ans plus tard, par les peuplades nordiques, la dignité de pontifex maximus passa sur l’évêque de Rome. Steiner élucide la manière dont le penser romain en rapport aux institutions extérieures, et donc à ce qui constituait la grandeur de l’empire romain, était passé à l’Église catholique. Plus tard, en naquit le Saint Empire romain germanique. L'Église avait revêtu l'habit romain, perpétuant ainsi toute la pensée juridique et administrative romaine et l'appliquant aux peuples nordiques. Elle était ainsi devenue elle-même un pouvoir séculier, même si elle disposait encore de moyens spirituels efficaces.[20]

Quatorze ans plus tard, Steiner éclaire l’aspect problématique du culte de l’Église catholique pour élucider la nécessité de sa christification. Ce culte est, selon lui, également à remonter à l’impulsion de l’empereur Auguste. Du fait que celui-ci se laissa initier dans l’antique culte des Mystères, il lui fut possible d’en laisser vivre quelque chose qui était orienté sur le développement de l’âme de sensibilité. Cependant ceci provoqua carrément une extinction de ce que la culture de l’âme d’entendement ou de cœur, avait à développer. Dans l’époque égypto-chaldéenne une conscience divine était sollicitée par les actions cultuelles. Ce qui était justifié dans la culture du développement de l’âme de sensibilité conduisit nonobstant, par sa conservation dans la culture de l’âme d’entendement ou de cœur, à ce que l’intelligibilité en fut carrément éliminée. Cela rendit l’intelligence des êtres humains inopérante

du fait qu’on présente aux hommes tous les cultes importants, tous les cultes grandioses et puissants qui devaient être efficaces dans les temps anciens, qui étaient efficaces à l'époque où les hommes n'étaient pas encore parvenus à l'intelligence, qui étaient efficaces à l'époque où le culte des Dieux devait naître de l'âme de sensibilité pour que les hommes ne restassent pas sans dieux.[21]

Steiner se pose ensuite la question de savoir ce qui se passe avec les âmes d’entendement ou de cœur, si la part qui incline vers l’âme de sensibilité, s’aligne unilatéralement sur la vénération du culte et la part qui tend à l’âme de conscience, non encore développée, qui ne s’en ressent pas réellement apaisée. Étant donné que celle-ci fut abandonnée à son insatisfaction, quelque chose devait lui être donné. À l’époque de l’épanouissement de la culture grecque de Platon et d’Aristote, on s’efforçait encore de donner à l’âme des concepts vivifiants. Mais dans ces circonstances, on lui donna purement et simplement la rhétorique, «qui au lieu de combler une âme pénétrée de substance, par un contenu intérieur la «noyautant», ne lui octroyait plus qu’une enveloppe vide». Au lieu d’aspirer ardemment aux concepts vivants, cette part de l’âme commença à aspirer à la configuration des mots, à la construction de la phrase, à la syntaxe.[22] C’est cela qui a donné son empreinte à la culture romaine : 

C’est ce qu’on voulait consciemment engendrer alors à Rome : un culte sans se demander quel genre de signification il portait, sans s’en approcher et s’y insinuer avec intelligence et volonté. L’autre pôle qui était nécessairement lié à cela c’est la rhétorique creuse, cette rhétorique qui n’agit pas seulement ensuite lorsqu’on en fait un discours, mais encore toute cette rhétorique qui est passée, par exemple, dans le corpus juris de Justinien et qui a ensuite submergé le monde occidental avec ce qu’on appelle le droit romain [corpus omnis juris Romanindt].[23]

Rudolf Steiner travaille à dégager donc les zones d’ombre de ce culte, afin que la manière dont il peut être transformé devienne évidente. L’impulsion d’Auguste ne fut pas capable d’agir dans toute la mesure de son ampleur parce qu’à «partir de l’Est, l’atmosphère du Mystère du Golgotha se répandit vers l’occident»[24]. Et cette atmosphère pénétrait dans le culte de l’Église catholique. Cette dernière retire effectivement sa justification directement du fait que ce culte ne pouvait être accompli que par des initiés qui se trouvaient dans la succession du premier Initiant, du Christ.[25]Cependant les formes et cérémonies de la messe catholique semblent avoir été empruntées au culte romain. Par cette aliénation du culte, celui-ci n’est plus porté, selon Steiner, «par la vertu qui émane du Mystère du Golgotha.»[26]Le prêtre célébrant se met à la disposition de ce qui se produit de magique à l’intérieur de cette consécration catholique de l’être humain, mais refuse la connaissance de «la force solaire réellement spirituelle qui descend du Cosmos spirituel.»[27] Rudolf Steiner voyait par conséquent la nécessité  d’une réelle christification de ce culte unilatéralement orienté sur la religiosité de l’âme de sensibilité et avec cela en même temps une adaptation de ce même culte aux besoins de l’époque de l’âme de conscience.

L’impulsion de Gondi-Shapur

La seconde contre-impulsion, qui atteignit sa culmination autour de 666, visait à développer un savoir universel qui ne peut nonobstant pas être obtenu sans les contentions de l’âme de conscience. Au lieu de cela, «la sagesse de l'âme de conscience dût venir aux hommes comme une révélation d'en haut.»[28] Cette contre-impulsion fut préparée par le fait que l’empereur Justinien Ier, en l’an 529, fit fermer les écoles philosophiques grecques. Ceci entraîna que «ce qui, en matière d'érudition, s'était infiltré dans les écoles philosophiques grecques depuis des temps immémoriaux, ce qu’avaient produit un Anaxagore, un Héraclite, plus tard un Socrate, un Platon, un Aristote, fut ainsi balayé hors du monde par ce décret de l'empereur Justinien en 529».[29] En vérité, cela ne le fut pas totalement, car les érudits de ces écoles rejoignirent la Perse et y fondèrent l’Académie de Gondi-Shapur. Pour Steiner il est décisif, dans ces circonstances, d’examiner quelle métamorphose traversa alors tout ce savoir. Ainsi, par exemple, les écrits de science naturelle d’Aristote furent préservés de disparaître sur cette voie, car en vérité, ils furent traduits d’abord en syriaque puis, ensuite à Gondi-Shapur, en arabe. Ce savoir  put donc être assimilé par l’âme des Arabes, chez laquelle régnait à l’époque un penser d’une extrême sagacité, allié à une certaine fantaisie, qui «suivait des voies logiques et s'élevait jusqu'à la vision contemplative immédiate».[30] Or, cela provoqua deux choses : d’une part, l’âme humaine fut rendue accessible à la sagesse de l’âme de conscience, nonobstant sous une forme prématurée en tant que révélation ahrimanienne ; d’autre part une orientation sur le monde sensible fut opérée qui devait aboutir à développer un être humain terrestre pensant purement en matérialiste.

Ces formes du penser pénétrèrent ensuite en Europe, par l’Espagne mauresque, au haut Moyen-Âge et y mirent en route un développement extraordinaire qui finit par déboucher sur la science strictement matérialiste. De même «l’abrogation de l’esprit», lors du 8ème concile de Constantinople de 869/870, très fréquemment mentionnée par Rudolf Steiner, résulta de l’influence de l’impulsion de Gondi-Shapur.[31] Cela signifiait que la triade humaine constitutive, et donc la vision intuitive immédiate de l’être humain [en ayant mis en œuvre les douze sens pour ce faire, ndt] selon l’esprit, l’âme et le corps, fut déclarée hérétique par surcroît [si l’on peut dire en français ! Ndt].[32] Les deux grands philosophes de la haute scolastique, Albert Le Grand et Thomas d’Aquin, qui se défendirent à l’encontre de l’interprétation arabisante d’Aristote, se retrouvèrent eux-mêmes en danger, par la décision même du concile, de se voir accusés pour l’exercice d’un penser hérétique.[33] Par ces influences ils ne purent développer le penser que jusqu’à un certain point, de sorte qu’avec la mort de Thomas d’Aquin, la question suivante demeurait figée devant et dans leur âme :

«Comment le Christ apparaît-il dans le penser humain ? Comment le penser humain est-il christifié ? Comment le Christ peut-il élever le penser personnel humain à la sphère où ce dernier peut ne faire qu’un avec ce qui n’est qu’un contenu de foi spirituel ?»[34]

Précisément l’ordre jésuite, qui au 19ème siècle produisit de nombreux penseurs néo-thomistes, ne résolut pas cette question. Il agissait beaucoup plus dans le sens de la résolution conciliaire de 869. Il est frappant de constater que c'est précisément au sein de cet ordre que des performances saillantes furent réalisées dans le domaine des sciences naturelles. Elles découlaient cependant d'un penser qui maintenait fermement l'être humain dans une conception matérialiste. De ce fait ils créèrent un domaine qui ne semblât accessible qu’à la foi. C’est pourquoi Rudolf Steiner requerrait de ses auditeurs :

Examinez donc la littérature scientifique qui émane des jésuites : elle est la plus matérialiste possible dans l'esprit et dans la manière de se représenter les choses ; elle s'efforce de séparer strictement le savoir qui doit relever entièrement de l'observation sensible ou des faits à observer par l'expérience, de ce qui doit être l'objet de la foi ou de la révélation. Jamais, dans le sens de ce mode de pensée, on ne doit jeter un pont entre ce qui est science extérieure et ce qui est foi.[35]

La renaissance de l’esprit

Déjà du fait que Rudolf Steiner a montré un cheminement sur le champ cognitif pratique, au plus tard avec sa Philosophie de la liberté[i], qui permet à toute âme humaine à partir de sa propre activité pensante, de se reconnaître comme une entité spirituelle et de partir en quête des sources morales de son essence humaine, il avait ainsi pris directement le contre-pied aux efforts des jésuites. En effet, cela a permis d'agir librement et de manière autodéterminée et de générer la force intérieure pour rejeter les directives normatives, en vue d’une quête prétendument chrétienne et éthique, comme autant de tentatives non-conformes à l’époque d'une exigence de direction imposée par des tiers. Mais au plus tard avec la création d’un mouvement anthroposophique, qui repose sur une science réelle de l’esprit, il s’était rendu consciemment coupable d’hérésie, après la décision conciliaire de 869, et devait être combattu à partir de la vision des jésuites par tous les moyens possibles. À cette occasion, ils ne reculèrent guère devant la diffusion de mensonges conscients — par exemple, l’attribution que Steiner fût un «prêtre issu de l'Église»[36]. Sans le vouloir il se dissimule en vérité dans un telle affirmation du penseur néo-thomiste, Giovanni Busnelli, la reconnaissance que Steiner dans une haute mesure disposait du savoir et des capacités auxquels on s’efforçait dans les séminaires de formation des prêtres catholiques.

Steiner voyait, par contre, dans le néothomisme comme un «échauffement catholique de la scolastique», qui n’a rien à voir, selon lui, avec le thomisme authentique. Les formes idéelles du penser thomiste sont devenues, selon lui, «sénilement faibles» et ne peuvent plus contribuer désormais en rien à une maîtrise des conditions et circonstances sociales. Le thomisme authentique dût donc être développé, selon lui, de sorte que ce penser caduc soit remplacé par un penser qui s’enracine vraiment dans la connaissance suprasensible.[37]

La conservation de l’état corporatif (Ständestaat)

Rudolf Steiner a donc lui-même donné une description précise des raisons pour lesquelles le renouveau de la pensée scientifique par le mouvement anthroposophique, et le mouvement de renouveau religieux sur la base d'un culte christifié, doivent représenter un grand danger pour les ambitions de pouvoir de l'Église catholique, si ces deux mouvements ne peuvent pas être neutralisés à temps. Ces justifications sont issues d'une confrontation de plusieurs décennies avec ces impulsions contraires. Elles sont une description de l'esprit qui agit à travers les êtres humains et auquel ceux-ci préparent le terrain par certaines actions. L'efficacité de ces entités spirituelles s'étend sur de longues époques et n'est visible que dans la description de leur forme temporelle. Ce serait une erreur de croire que l'empereur Auguste avait l'intention personnelle d'éliminer la culture de l'âme d’entendement ou de cœur en conservant le culte de l'âme de sensibilité ; de même que les savants grecs, qui se rendirent à Gondi-Shapur, n'avaient pas non plus l'intention personnelle d'empêcher l'âme de conscience par une impulsion prématurée. Ces intentions se trouvaient plutôt dans les entités qui ont inspiré toutes ces personnalités dans leurs actes.

L’Église catholique romaine, qui a la revendication d’être le corps institutionnel vivant du Christ, a eu une importante mission dans le développement de l’âme d’entendement ou de cœur : elle devait y préparer le penser purement terrestre, lié au corps. Ceci requérait qu’elle créât une corporéité institutionnelle. Or celle-ci est une impulsion de Yahvé. Cette impulsion était nécessaire afin que le christianisme pût surtout trouver une forme d’apparition extérieure. Dans la vision trinitaire de Rudolf Steiner, trois peuples ont ainsi préparé ensemble le terrain au christianisme : le judaïsme sur le domaine de la vie de l’âme (Seelischen), l’hellénisme sur le domaine de la vie de l’esprit (Geistigen) et le romanisme impérial sur le domaine du corporel incarné.[38] Ce sont là des impulsions de peuples [qui résultent d’une culture populaire, ndt] et non pas des impulsions individuelles, qui étaient convenables aux époques qui ont précédé la nôtre. Mais le maintien de ces impulsions dans notre époque de l’âme de conscience doit nécessairement entraîner les plus grands dommages sociaux, parce que l’être humain se voit amené de ce fait à entretenir une relation avec des entités spirituelles retardatrices :

Dans la constitution de l’Église catholique, on n’a pas ce qui est l’essence même du Christianisme, on ne l’a principalement pas dans sa constitution, car ce qui a vécu de Romulus à l’empereur Auguste s’y est perfectionné. L’illusion naît seulement du fait que dans ce corp[-undt]s le Christianisme a pris naissance.[39]

À partir de la compréhension que l’Église romaine a d’elle-même, les vérités chrétiennes salutaires ne peuvent être administrées conformément au droit que par le clergé/sacerdoce catholique. Et seules ces vérités-là, ainsi que la manière de penser reprise de la scolastique, pouvaient amener à ce que la vie au sein d’une structure d’état pût réussir de même que la vie commune de peuples entiers. Dans l’esprit où Thomas d’Aquin, sur la base des écrits éthiques d’Aristote et des contenus de la révélation chrétienne, plaça la domination des prêtres au-dessus de celle des rois et proclama[40] le pape « représentant du Christ sur Terre », on voulut, à l'époque moderne, préserver la position de la domination spirituelle sur la domination temporelle, tout en répondant aux exigences de l'époque moderne. Les dirigeants de la doctrine sociale catholique ont compris qu'il ne servait à rien de s'opposer brutalement à la demande de démocratisation, très impopulaire auprès du clergé, mais qu'il était préférable d'intégrer ces nouvelles réalités pour les ramener ensuite en douceur dans le giron de l'Église catholique.[41] Ils pouvaient bâtir sur le fait que les habitudes de pensée des hommes dans l'espace culturel européen étaient si bien rodées par une vie intellectuelle catholique dominante de plus de mille ans qu'ils en arrivaient à des exigences et des sentiments qui semblaient certes totalement séculiers, mais qui avaient bien leur origine dans le catholicisme. Les personnes qui ne changeaient pas activement leurs habitudes de pensée pouvaient donc être guidées dans le sens des objectifs catholiques, même si elles n'avaient rien à voir avec l'Église catholique en apparence.[42] La conséquence en fut la ré-animation de la société corporative du Moyen-Âge sous une forme nouvelle, et en particulier ce qu’on appelle le fascisme clérical, qui s’est répandu dans les années 30 dans toute l’Europe.[43]

La science de l’esprit montre que l’art et la manière dont s’organise un espace culturel sur les domaines politique et économique, est une image de l’esprit qui y est devenu conducteur. Dans l’Europe de l’entre-guerres, l’esprit qui agit au travers de l’Église catholique n’a cessé de s’imposer de force. Le « spectre » du romanisme[44] déploya toute son efficacité.

Dreigliederung et religion

Le mouvement de la Dreigliederung qui fut initié par Rudolf Steiner, n’a pas pu développer sa vertu formatrice qui eût été indispensable pour pouvoir s’opposer aux forces anciennes. Les êtres humains n’absorbèrent les idées purement et simplement que par leur intellect et crurent pouvoir les réaliser à partir de leurs forces représentatives de conscience. Une telle attitude fut par la suite adoptée à l’intérieur même de la Société anthroposophique.[45] Rudolf Steiner attendait cependant quelque chose d’autre de ses membres. Ce qui importe alors ce sont avant tout les processus du développement individuel, que chacun doit mettre en œuvre pour soi. Le Goethéanum devait conduire à son vrai but et devenir le lieu d’une nouvelle école des Mystères. Mais cela eût nécessité une initiative, qui devait partir des membres. Au lieu de cela, ceux-ci s’épuisaient dans les mouvements dérivés[46] et oubliaient de se poser la question de savoir où donc pourraient-ils sans cesse à nouveau tirer leurs forces de vie. Une école ésotérique, qui prît en compte la libre volonté de l’être humain ne pouvait pas être instituée avant que les questions correspondantes n’eussent été posées.

Pourtant même si, ensuite immédiatement après la première Guerre mondiale, en novembre 1918, une telle question avait été posée et que «l’université libre pour la science spirituelle» eût été ouverte au Goethéanum, même si les branches anthroposophiques n’avaient pas cessé de travailler l’anthroposophie, et au lieu de cela fussent devenues des «groupes locaux du mouvement de la Dreigliederung»[47], la force n’eût probablement pas suffi pour s’opposer aussi fortement à la puissante impulsion spirituelle agissant de par l’Église catholique pour qu’une articulation durable de l’organisme sociale fût devenue possible. Car en effet, il manquait encore un mouvement qui puisse s'adresser à des groupes de population plus larges aux sentiments religieux de leur âme de sensibilité. Autrement dit, un mouvement de renouveau religieux qui pût agir sur la base d’un culte christifié. Car le fait concret que de tels actes cultuels sont accomplis, mène à ce que dans l’environnement des êtres humains, des entités spirituelles-élémentaires sont actives, qui ont besoin de cette action, étant donné qu’elles en retirent leurs forces de croissance.[48] Lorsqu’un environnement spirituel est ainsi créé dans lequel les esprits sont présents qui servent l’impulsion christique, alors cela agit autrement sur la vie sociale que lorsque des entités ahrimaniennes ou lucifériennes sont attirées par des rituels erronés.

C’est parce que Rudolf Steiner connaissait exactement l’activité de ces forces, qu’il était si important pour lui que le mouvement du renouveau religieux devînt possible. Un tel mouvement est une partie constitutive essentielle à une libre vie de l’esprit comme vertu constructrice de l’organisme social. Mais il dut attendre jusqu’à ce que la question correspondante fût posée. Enfin, lorsque des étudiants en théologie l’approchèrent, il mit tout en œuvre de sorte que cette fondation fut la plus rapide possible — n’hésitant pas à caractériser ce moment comme « l’événement le plus important de l’histoire anthroposophique »[49].

En dehors de l’équilibre

La fondation de la Communauté des Chrétiens fut aussi difficile et épineuse que dans le même temps, la conduite à venir correcte du mouvement anthroposophique. Car les courageuses initiatives des prêtres pour leur cause eussent requis une initiative équivalente du côté des représentants de la cause anthroposophique. Mais l’initiative ne vint pas. Un déséquilibre s’instaura donc de fait dans la collaboration organique des deux mouvements. Et ce déséquilibre mena très rapidement une crise difficile, que rend palpable l’emploi de la comparaison suivante :

Il est absolument impossible pour l’organisme humain que le système sanguin devienne un système nerveux et que celui-ci devienne un système sanguin. Les systèmes indépendants doivent agir dans une séparation pure l’un de l’autre dans l’organisme humain. Alors ils collaborent de la manière juste.[50]

Cette comparaison est choisie avec réflexion. Car le mouvement anthroposophique part d’un renouveau du penser scientifique. La question cognitive de l’âme de conscience prend naissance du fait que l’âme se voit totalement plongée dans l’organisation neurosensorielle et qu’il en résulte une conscience purement réfléchie dans un miroir. Le mouvement anthroposophique a pour tâche de montrer les voies sur la manière et le processus au moyen desquels une telle conscience purement terrestre peut élargir de nouveau sa vertu propre jusqu’au Cosmos. Le mouvement pour un renouveau religieux, par contre, a pour tâche d’accomplir des actions cultuelles ; son point de départ n’est pas le connaître mais plutôt l’accomplissement volontaire de ce rituel. Et de la même façon que dans la vie terrestre le connaître a pour base le système nerveux, l’accomplissement volontaire a pour base le système sanguin. Le système nerveux ne pourrait plus accomplir sa fonction pour le connaître s’il tendît à adopter les propriétés du système sanguin. Or c’est une telle tendance que fit valoir la communauté des Chrétiens après sa fondation à l’intérieur de la Société anthroposophique. C’est pour cette raison que Rudolf Steiner tenta d’éveiller brusquement les représentants des deux mouvements en les secouant par des paroles vraiment drastiques, dans une discussion au sujet de l’incendie, le 30 décembre 1922,

C’est pourquoi il est indispensable que sans réserve, la Société anthroposophique restât avec ses contenus anthroposophiques, sans être affaiblie par le nouveau mouvement ; que celui qui comprenne ce qu’est le mouvement anthroposophique et tout ce qui importe — non pas à présent dans une sorte d’orgueil présomptueux, mais au contraire avec un sens authentique à notre époque de la tâche à accomplir — bref, récapitulé en quelques mot ; ceux qui, un jour, ont trouvé l’accès à la Société anthroposophique, n’ont  besoin d’aucun renouveau religieux.[51]

Cette déclaration a été souvent interprétée dans le sens normatif, à savoir que des anthroposophes ne devaient pas entrer dans la Communauté des Chrétiens. Or le caractère insensé d’une telle exigence résulte déjà rien que du fait constatable qu’aucun prêtre primordial n’eût jamais pu suivre sa mission, car ceux-ci étaient tous des représentants éminents de l’anthroposophie. Sans le travail de connaissance de l’anthroposophie, ils n’eussent jamais pu non plus être à la hauteur de leur mission ou sacerdoce.

La cause première de l’affaiblissement des deux mouvements ne reposait originellement donc pas dans le fait que de nombreux membres de la Société anthroposophique, quelques semaines après sa fondation, entrèrent dans la Communauté des Chrétiens ;[52] elle ne reposait pas non plus dans le fait que le comité central (zentral Vorstand) de la Société anthroposophique eût négligé d’orienter les membres, pour le moins d’une manière extérieure, sur l’importance de cette fondation ;[53] mais elle tenait à l’incapacité du comité central, dans son ensemble, à donner une orientation authentique aux membres. S’il [le comité central, ndt] avait réellement agi en orientant, il eût alors opéré en accompagnant la fondation d’une Communauté des Chrétiens par une initiative authentique pour la cause anthroposophique. Quelque peu dans le sens suivant :

Nous voyons avec une grande joie que l’initiative est née en vue d’un mouvement pour le renouveau religieux, ce par quoi il fut possible à Rudolf Steiner de renouveler le culte christique à partir de l’esprit de Michaël. Nous reconnaissons à présent qu’à l’intérieur de la Société anthroposophique, quelque chose en correspondance avec cela doit être cultivé. Avant la Guerre mondiale, il y avait une école ésotérique qui contribuait à ne pas seulement méditer simplement les idées de la science de l’esprit, mais encore à permettre d’en vivre le flot des sentiments afférents. Ces sentiments, qui peuvent être vécus comme autant de « présents des Dieux »[54], sont les fondements communs du travail de connaissance de nos branches. Nous avons sollicité Rudolf Steiner de nous conseiller sur la manière dont ce travail peut être repris.[55]

Une initiative de ce genre ne fut pas reprise. Rudolf Steiner avait aussitôt commencé de fonder une «libre université pour la science spirituelle» avec trois cycles de formation, comme cela lui fut possible seulement l’année suivante. L'absence d'une telle orientation a créé un vide qui a poussé de nombreux anthroposophes en nostalgie du Christ à rechercher l'épanouissement dans le Mouvement pour le renouveau religieux. Certains jeunes prêtres n'ont pas pu résister à la tentation d'accéder à ces sollicitations. Ils ont fait exactement ce que Rudolf Steiner leur avait conseillé de ne pas faire.[56] Mais le premier manquement doit être vu du côté de la direction de la Société anthroposophique. C'est là que la question aurait dû être posée et qu'une initiative aurait dû être prise. Jusqu'à la nuit de l'incendie, Rudolf Steiner a tenté d'éveiller une conscience de l'importance du culte[ii] au sein du mouvement anthroposophique. En vain. Le déséquilibre a provoqué un affaiblissement que les adversaires ont pu mettre à profit pour détruire la construction des mystères.

Dans le Parzival de Wolfram von Eschenbach deux cheminements sont décrits : celui de Parzival [correspondant à Perceval pour les cousins français, ndt] et celui de Gawan [correspondant de Gauvain, pour nos Cousins germains ndt].[57] Ce dernier développe sa vertu volontaire sur son chemin par laquelle il se trouve en situation d’investir la forteresse du magicien KlingsorParzival, par contre, doit apprendre à poser la question cognitive avec justesse. Celle-ci ne doit pas provenir abstraitement de la tête, mais c’est une question du cœur imprégnée d’une vie des sentiments. Or Parzival en est incapable lors de sa première introduction au château du Graal afin de contempler le Graal. Ce n’est qu’après un long cheminement douloureux, qu’elle mûrit en son cœur et qu’il peut revenir au château du Graal. Mais avant cela Gauvain, il est vrai, dut l’emporter sur le magicien Klingsor.

Ainsi à l’instar de ces deux voies vers ce château du Graal, celles des deux mouvements, anthroposophique et renouveau religieux, s’appartiennent quoique qu’elles requièrent des organisations séparées dans la vie terrestre. Les conditions pour créer une nouvelle essence mystérique, c’est la tâche des êtres humains qui sont reliés dans le mouvement anthroposophique. Ils sont alors comparables au cheminement de la voie douloureuse de Parzival. Peut-être que la question de Parzival du mouvement anthroposophique doit être ressaisie après un siècle ?

Die Drei 5/2022.

(Traduction Daniel Kmiecik)


Stephan Eisenhut
, est né en 1964 à Coblence, études en économie politique à Fribourg en Brisgau, thème de recherche sur Les fondements de science spirituelle en science sociale chez Rudolf Steiner, formation d’instituteur à Mannheim, 1997-2000, enseignant à l’école Rudolf Steiner Mittelrhein, de 2001 à 2018, gérant de la société de publications Mercurial (GmbH) et depuis 2015 rédacteur de cette revue — Dans le cadre de l’Institut D.N. Dunlop, il développe en ce moment une série de vidéos sur l’idée de la Dreigliederung de l’organisme social : www.dunlop-institut.de/dreigliederung/. Courriel : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

 


 

Corrigendum - Qui créa l’académie de Gondishapur ?

 

Au sujet de l’article de Stephan Eisenhut : La fondation de la Communauté des Chrétiens et l’incendie du Goetheanum  dans Die Drei 5/2022.

Madame Iris Stocker a signalé dans un courrier deux erreurs dans l'article susmentionné, qui doivent être corrigées ici. À la page 41, un mot supplémentaire s'est malheureusement glissé dans la note [voir  la note 33, ndt] de bas de page lors de la correction. Il faut y lire "Scotus Eriugena" et non "Duns Scoutus Eriugena"[L’erreur a été corrigée ci-dessus ndt].Mais ce qui est bien plus important, c'est l'indication de l'erreur à la page 40, où l'on rencontre la phrase suivante : « On ne l'a cependant pas totalement éliminée {l'érudition des écoles philosophiques grecques}, car les savants de ces écoles se sont rendus en Perse et y ont fondé l'académie de Gondi-Shapur ». Mme Stocker souligne à juste titre que l'académie de Gondi-Shapur a été fondée par les Sassanides zoroastriens dès 271 après JC. 

Il s'agit ici de la reproduction d'une déclaration de Rudolf Steiner, qui faisait référence à la fermeture des écoles de philosophie d'Édesse (489 après J.-C. par l'empereur Zénon) et d'Athènes (529 après J.-C. par l'empereur Justinien): « Et ces savants, qui avaient conservé l'ancienne science dans la mesure où elle n'avait pas encore été influencée par le christianisme — c'est-à-dire aux 5ème et 6ème siècles de notre ère chrétienne — durent émigrer. Ils émigrèrent en Perse et fondèrent l'académie de Gondi-Shapur »[58]. Il s'agit d'une question historique extrêmement importante pour la compréhension du présent, il convient d'expliquer brièvement ici cette déclaration de Steiner.

Un premier examen de cette affirmation soulève en effet de nombreuses questions. Car ni les érudits d'Édesse — qui ne se sont pas directement rendus à Gondi-Shapur — n'y ont émigré, pas plus que les néo-platoniciens de l'école d'Athènes qui s'y sont installés 40 ans plus tard — n'avaient fondé l'académie dénommée comme telle. Les savants d'Édesse étaient en outre des chrétiens nestoriens, qui représentaient un courant de pensée combattu par l'Église romaine. La solution de l'énigme se trouve dans les essais, publiés en 1925 dans notre revue par Sigismund von Gleich.[59] Celui-ci avait dressé un aperçu complet de la littérature de son époque, ce que son fils a mis en évidence dans la brochure dans laquelle les essais furent republiés en 1983 et documentés avec précision.[60]

Steiner ne s'est donc pas trompé, il s'est simplement exprimé de manière qui prête à confusion. Ce qui est vrai, c'est que les savants ont émigré en Perse. Les philosophes d'Édesse sont retournés dans la ville voisine de Nisibis (l'actuelle Nusaybin en Turquie qui se trouve directement à la frontière syrienne et est distante d'environ 240 km d'Urfa (anciennement : Édesse). C'est également là que cette école a été fondée, vers 350 après Jésus-Christ. Ces philosophes n'étaient pas des gnostiques, mais des chrétiens araméens qui traduisaient déjà à l'époque de nombreuses œuvres du grec en araméen-syrien. Ils ont dû s'installer à Édesse, la romaine, lorsque leur patrie a été cédée à Shapur II, lors de la paix de Nisibis en 363 après Jésus-Christ, à la suite d’un échec d'une campagne romaine. Plus tard, l'école devint un centre du nestorianisme. Or, les enseignements de Nestorius ont été condamnés en 431 après J.-C., lors du concile d'Éphèse. Les nestoriens qui enseignaient à Édesse furent peu à peu expulsés. En 484 ap. J.-C., au synode de Beth-Lapat, l'enseignement de Nestorius fut déclaré obligatoire pour les chrétiens de l'Empire perse. Cela a eu pour conséquence qu'en 489 ap. J.-C., L’empereur romain Zeno a chassé les nestoriens d'Édesse. Les érudits sont retournés dans leur ville d'origine, Nisibis. Entre-temps, le christianisme était à nouveau toléré dans l'empire perse. Beth-Lapat est cependant le nom syrien de Gondi-Shapur ! Cette ville était, tout comme Nisibis, un centre de l'Église d'Orient indépendante de Rome.

Von Gleich montre également que Chosrau Ier — le grand roi de Perse et adversaire de l'empereur Justinien — avait été, avant son accession au trône, un élève du médecin Stephanos, qui enseignait à Nisibis. Ami enthousiaste des sciences, en particulier de la médecine, le jeune grand roi a eu une telle influence sur l'académie de Gondi-Shapur à partir de 531 après J.-C., que des savants de toutes les directions s'y sont rassemblés. Outre des médecins perses, des savants syriens enseignaient à l'école de Nisibis, mais aussi des néo-platoniciens de l'école d'Athènes. La plupart des néoplatoniciens retournèrent dans l'Empire romain dès 532 ap. J.-C., après que Chosrau eut défendu et négocié, lors des négociations de paix avec Justinien, la liberté d'enseignement. Des érudits indiens étaient aussi présents et enseignaient à Gondi-Shapur.

L'influence de Chosrau Ier, considéré à l’époque comme un  véritable roi-philosophe, était si puissante que, dans la littérature écrite par Gleich, celle disponible en 1925, il semble qu'on le retrouve toujours comme le fondateur de l'académie de Gondi-Shapur. On savait alors qu'il existait des formes préliminaires de cette école qui remontaient au 3ème siècle. Mais en raison de l’insuffisance des connaissances, elles ne furent guère prises en compte. D'après l’état des connaissances à ce moment-là, Steiner parla d'une école et n’eut donc pas tort de dire que l'Académie de Gondishapur avait été fondée par des savants des écoles de philosophie interdites. En effet, Chosrau était lui-même un érudit issu de l'une de ces écoles. Steiner donne cependant le tableau historique, qui retrace en images les événements d'une période plus large. Au total, quatre puissants courants spirituels convergèrent donc, qui, à l'époque de Chosrau, notamment dans le domaine médical, avaient réalisé ensemble des choses grandioses à Gondi-Shapur : la médecine syrienne (Edessa/Nisibis), la médecine grecque, la médecine perse et la médecine indienne. Le problème de ces courants préservant l'ancien savoir païen, c’est qu'ils restaient encore prisonniers d'une pensée naturelle et vivante, qui ne produisait pas les contenus de la pensée de manière auto-active, mais qui pouvait les percevoir spirituellement dans la sphère lunaire. Le christianisme romain avait en revanche pour mission de couper complètement l'homme de l'esprit. Cette expérience de mort dans le penser, qui conduit à ce que rien de spirituel ne puisse plus être vécu, fut la condition préalable à une renaissance de l'esprit dans l'âme humaine à partir de la vertu du penser individuel librement engendré.

Mais Von Gleich retrace également la ligne d’évolution des nestoriens syriens, dont sont issues des générations entières d'éminents médecins de l'académie de Gondi-Shapur et qui ont continué à développer leur savoir même sous la domination arabe. Il s'agissait en particulier des familles Bocht-Jeshu, Masaveih et Hunein, qui étaient toujours restées chrétiennes extérieurement en apparence, mais dont l'activité ésotérique ressemblait à celle d'Arabes ou de Perses spirituellement libres. Le christianisme n'aurait pas vraiment pénétré leurs enseignements, mais ils auraient plutôt poursuivi les anciennes sagesses gnostiques qui avaient été assimilées par l'âme de sensibilité dans les anciens Mystères. Ils furent également les maîtres spirituels des grands médecins arabes comme Ibn Sina et Ibn Roschd.

Stephan Eisenhut
Die Drei 6/2022.

(Traduction Daniel Kmiecik)

 

Notes

 

Note de la rédaction : Pour rappel, les numéros de page des ouvrages de Rudolf Steiner mentionnés dans les notes de bas de page, concernent l'édition allemande de son oeuvre, et non pas les éditions en langue française.

 

[1] Rudolf Steiner : Das Schicksalsjahr 1923 in der Geschichte der Anthroposophische Gesellschaft. Von Goetheanumbrand zur Weihnachtstagung [L’année de la destinée 1923 dans l’histoire de la Société anthroposophique. De l’incendie du Goethéanum au Congrès de Noël] (GA 259), Dornach 1991, p.323.

[2] Voir la conférence du 31 décembre 1922 dans, du même auteur : Das Verhältnis der Sternenwelt zum Menschen und des Menschen zur Sternenwelt / Die geistige Kommunion der Menschheit [La relation du monde stellaire avec l’être humain et celle de celui-ci avec le monde stellaire / La communion spirituelle de l’humanité] (GA219), Dornach 1994.

[3] Voir Wolfgang Gädeke : Anthroposophie und die Fortbildung der Religion [L’anthroposophie et la continuation de la religion] Flensburg 1990, p.275.

[4] Voir Stephan Eisenhut : Le Congrès Occident-Orient de 1922 et la reféodalisation de la société  dans Die Drei 4/2022, pp.47 et suiv. [Traduit en français : DDSE422.pdf, ndt]

[5] Le pape Léon XIII avait déclaré le thomisme comme la philosophie officielle de l’Église catholique dans son encyclique, Aeterni Patris du 4 août 1879. Sur cette base du néothomisme la première encyclique sociale, Rerum Novarum, fut édictée en 1891 par lui, laquelle passe pour la doctrine sociale catholique. La première ébauche de cette encyclique fut délivrée par le jésuite Matteo Liberatore (1810-1892), co-fondateur et rédacteur en chef de Civiltà Cattolica et elle fut ensuite travaillée par plusieurs cardinaux de la curie romaine. — Voir Markus Ries : Die Sozial-Encyclika Rerum Novarum Leos XIII. (1891) und ihre Sweizer Wurzeln [L’encyclique sociale Rerum Novarum de Léon XIII. (1891) et ses racines suisses], dans : Münchener Theologische Zeitschrift vol. 68, n°1 (2017), p.280.

[6] Rudolf Steiner : Vorträge und Kurse über christlich-religiöses Wirken — Anthroposophische Grundlagen für eine erneuertes christlich-religiöses Wirken [Conférences et cours sur l’action christique religieuse — Fondements anthroposophiques d’une action christique-religieuse renouvelée], (GA342), Dornach 1993, p.62.

[7] Der Leuchtturm édité par Karl Rohm, 15ème année, n°4, octobre 1920.

[8] Rudolf Steiner : Die anthroposophie und ihre Gegner [L’anthroposophie et ses opposants] (GA 255b), Dornach 1993, p.65.

[9] Voir GA342, p.63 et les remarques de la page 598.

[10] Voir à l’endroit cité précédemment, les notes de la p.598.

[11] Otto Zimmermann : Stimmen aus Maria Laacch » (plus tard, « Stimmen der Zeit »), 42ème année, n°6 de mars 1912. Vol. LXXXIII/I, cité d’après GA 255b, note 17 à la p.30.

[12] [« mit stumpf und stiel zu vernichten trachteten », à savoir « éradiquer » au sens d’enlever la racine elle-même ! », ndt] — En 1924, Rudolf Steiner s’exprima à ce sujet d’une manière particulièrement claire dans : Esoterische Unterweisungen für die erste Klasse der Freien Hochscule für Geisteswissenschaft am Goetheanum [Instructions ésotériques pour la première Klasse de la libre université de science spirituelle au Goethéanum], (GA 270a), p.130 : «Ceux qui défendent le principe de l'Église romaine feront tout pour rendre indépendants les différents États de l'ancien Empire allemand dans un avenir proche, afin de rétablir le Saint Empire romain de la Nation allemande, qui, s'il est érigé par une partie proéminente, s'étendra de manière indépendante et puissante sur les régions voisines. Car - disent les gens concernés - nous avons besoin d'éradiquer ainsi les mouvements les plus dangereux et les plus graves qui existent aujourd'hui. Et - ajoutent ces personnes - si nous n'y parvenons pas, nous trouverons d'autres moyens d'éradiquer les mouvements les plus réticents, les plus dangereux de notre époque, à savoir le mouvement anthroposophique et le mouvement de renouveau religieux.»

[13] Rudolf Steiner : Gegensätze in der Menschheitsentwicklung (Oppositions dans l’évolution de l’humanité] (GA197), Dornach 1996, p.129.

[14] La durée d’une telle époque d’évolution est déterminée par la précession du point équinoxial printanier du Soleil. Celui-ci requiert 2130 ans pour traverser un signe zodiacal [estimé ici d’une ampleur de 30° d’angle, ndt]. L’âme d’entendement ou de cœur commença son développement en 747 avant J.-C., avec l’entrée du Soleil dans le signe du bélier et s’achève avec le passage au signe des poissons en 1413. Le centre repose donc autour de l’an 333 après J.-C.

[15] Voir Rudolf Gädeke : Der Weg zur Gründung der Christengemeinschaft [Le chemin vers la fondation de la Communauté des Chrétiens], dans Wolfgang Gädeke : Anthroposophie und die Fortbildung der Religion [Anthroposophie et la continuation de la religion] Flensburg 1990, pp.226 et suiv. [Le terme français de « christification » n’est pas très élégant, mais je ne pouvais quand même pas reprendre « christianisation », car celle-ci a bien été réalisée totalement, peut-être même trop maintenant « à la mode romaine justement ». Il s’agit ici, pour le moins d’après ce que j’en comprends, de « corriger » cela en christifiant le rite... ndt]

[16] Voir Rudolf Steiner : Die polarität von Dauer und Entwicklung im Menschen leben. Die kosmische Vorgeschichte der Menschheit [La polarité de la durée et de l’évolution dans la vie humaine. La préhistoire cosmique de l’humanité] (GA184), Dornach 2002, p.308.

[17] Ebd.

[18] Emil Bock décrit ce processus de manière pertinente en parlant d’une « égyptisation de Rome ». Voir Emil Bock : Cäsaren und Apostel der Menschheit. Beiträgen zur Geistesgeschichte der Menschheit [Césars et Apôtres. Contributions à l’histoire spirituelle de l’humanité] Vol. 4, Stuttgart 1999, p.98.

[19] À l’endroit cité précédemment, p.309.

[20] Voir Rudolf Steiner : Uber römische Geschichte [Sur l’histoire romaine] : Conférence devant l’école de formation des ouvriers à Berlin, le 19 juillet 1904, dans Über Philosophie, Geschichte und Literatur ;  Darstellungen an der Arbeiterbildungsschule und der freie Hochschule in Berlin [Sur la philosophie, l’histoire et la littérature ; Présentations à l’école de formation des ouvriers et de l’université libre à Berlin] (GA 51), Dornach 1983, pp.73 et suiv.

[21] GA184, p.304.

[22] À l’endroit cité précédemment, p.306.

[23] À l’endroit cité précédemment, p.307.

[24] À l’endroit cité précédemment, p.308.

[25] Voir Rudolf Steiner : Vorträge und Kurse über christlich-religiöses Wirken III —  [Conférences et cours sur l’action religieuse chrétienne], III — Vorträge bei der Begründung der Christengemeinschaft [Conférences sur la fondation de la Communauté des Chrétiens] (GA344), Dornach 1994, p.103.

[26] À l’endroit cité précédemment, p.104.

[27] Ebd.

[28] GA184, pp.282 et suiv.

[29] À l’endroit cité précédemment, p.280.

[30] À l’endroit cité précédemment, p.282.

[31] Dans le cycle de conférences de Dornach (GA184) cette relation n’est qu’indirectement évidente. Quelque temps plus tard, dans une conférence du 16 octobre 1918, Steiner devient plus clair : «L’esprit a été abrogé par l’Église catholique. Le dogme qui en a été déterminé, signifie que l’on n’a plus à croire en l’esprit, mais seulement au corps vivant et en l’âme, et selon ce dogme, l’âme n’a plus en soi que quelque chose de spirituel. Mais le fait que l’être humain possède réellement constitutivement un corps, une âme et un esprit, cela fut bel et bien abrogé par l’Église catholique. Or cette abrogation, elle s’est produite dans l’Église catholique qui se trouvait sous l’influence de l’impulsion de Gondishapur.» — Du même auteur : La mort en tant que métamorphose de la vie. (GA182), p.178.

[32] Une étude très précise de cette décision conciliaire, quant à la façon dont elle a été interprétée par les théologiens jusqu’à l’époque actuelle, se trouve chez Markus Osterrieder : Verschweigen des Geistes — Einige Anmerkungen zur geisgeschichtlichen Bedeutung des Konzils von 869/70 [Disparition de l’esprit — Quelques remarques au sujet de la signification au plan de la science spirituelle du concile de 869/70 dans l’histoire], dans Anthroposophie und Pedägogik. Beiträge zur Allgemeinen Menschenkunde Rudolf Steiners  [Anthroposophie et pédagogie. Contributions au sujet de l’anthropologie générale de Rudolf Steiner] édité par Tomás Zdrazil. Stuttgart 2017, pp.167-182.

[33] Steiner décrit comment leur penser fut fortement influencé par Jean Scot Érigène (v.810-v ;877) qui, au 12ème siècle, fut déclaré hérétique en 1225. Voir : Rudolf Steiner : La philosophie de Thomas d’Aquin (GA74), Dornach 1993, p.51.

[34] À l’endroit cité précédemment, p.71.

[35] Rudolf Steiner : Gegensätze in der menschheitsentwickelung — West und Ost Materialismus und Mystik, Wissen und Glauben [Oppositions dans l’évolution de l’humanité Matérialisme Ouest-Est et mystique, savoir et foi] (GA 197), Dornach 1996, p.137.

[36] Rudolf Steiner : Die Krisis der Gegenwart und der Weg zu gesunden Denken [La crise du temps présent et le chemin vers un penser sain], (GA 335), Dornach 2005, p.49.

[37] À l’endroit cité précédemment, p.146 voir aussi : GA74, p.95.

[38] Rudolf Steiner : Wie kann die Menschheit den Christus wiederfinden ? Das dreifache Schattendasein unsere Zeit und das neue Christus-Licht  [Comment l’humanité peut-elle retrouver le Christ ? La triple zone d’ombre existentielle de notre époque et la nouvelle lumière-Christ (GA187), Dornach 1995, p.36.

[39] À l’endroit cité précédemment, p.37.

[40] Ainsi est-il dit chez Thomas : « La fonction de cette royauté, pour que le royaume de l'esprit soit séparé du royaume terrestre, a été confiée, non pas aux rois de la terre, mais aux prêtres, et avant tout au prêtre suprême, le successeur de Pierre, le vicaire terrestre du Christ, le pape de Rome, auquel tous les rois du peuple chrétien doivent être soumis comme Jésus-Christ l'est au Seigneur. En effet, tous ceux qui ont le soin des fins dernières doivent être soumis à celui qui a la charge des fins premières et ils doivent se laisser guider par son commandement. » — Thomas d’Aquin : Über die Herrschaft der Fürsten [Au sujet de la domination des princes], traduit en allemand par Friedrich Schreyvogel, Stuttgart 1971, p.77.

[41] Il est dans la nature des choses que cela ne se fasse pas sans luttes de courant, même au sein de l'Église catholique. La doctrine sociale catholique s'est développée progressivement et a été influencée par différents courants. Le "solidarisme" prôné par Heinrich Pesch SJ (1854-1926) devint de plus en plus déterminant et fut notamment ancré dans cette doctrine par ses élèves Gustav Gundlach et Oswald von Nell-Breuning SJ. [S.J. = Société de Jésus, ndt]

[42] Voir Rudolf Steiner : Gegenwärtiges und Vergangenes im Menschngeiste [Chose actuelles et passées dans l’esprit humain] (GA167), Dornach pp.167 et suiv. Steiner y décrit l’état jésuite qui exista au Paraguay entre 1610 et 1768. Celui-ci fut possible parce que l’indigène y était aisément dirigeable par les méthodes jésuitiques. En Europe ce n’eût guère été possible. Le moyen vers les habitudes de penser dût y être mis au point et influencé de manière telle que les êtres humains ne le remarquassent pas, de sorte que leurs jugements ont été purement et simplement repris à partir des autorités scientifiques.

[43] La caractérisation de "fasciste clérical" désigne le phénomène qui s'est manifesté en particulier vers 1930, à savoir l'apparition de régimes fascistes dans la mise en place, l'organisation et le maintien desquels, le clergé catholique a joué un rôle central. Un rapprochement a eu lieu entre le régime fasciste de Benito Musolini et les représentants de l'Église catholique, bien que Mussolini ait été anticlérical. La collaboration avec l'Église s'est avérée avantageuse pour lui. Les régimes corporatifs d'António de Oliveira Salazar au Portugal et d'Engelbert Dollfuss en Autriche (tous deux à partir de 1933) peuvent être considérés comme des régimes d'État à caractère fasciste, chez lesquels les idées de la doctrine sociale catholique formaient l’arrière-plan spirituel. La rubrique de Wikipedia de l’expression « fascisme clérical » renferme une liste importante d’états européens, qui tombèrent sous cette influence. En Allemagne ce furent les milieux monarchistes qui s’efforcèrent de restaurer l’état corporatif (Ständestaat). Ceci échoua du fait qu’Hitler ne se laissa pas instrumentaliser pour les intérêts de ces milieux, mais développa plutôt sa propre dynamique surprenante. Ce n’est qu’après l’effondrement de la dictature d’Hitler que les idées de la doctrine sociale catholique purent entrer dans la constitution de la République fédérale.

[44] Comme « spectre du romanisme », Rudolf Steiner caractérisait en 1918, tout bonnement un engagement reposant simplement sur une rhétorique pour traiter des questions sociales ou politiques, tel qu’il a particulièrement grandi sous le pape Léon XIII [« 13 », même en « latin », n’est pas un bon chiffre de pape ! Ndt] Un tel engagement rhétorique sévissait également dans l’agitation d’un Woodrow Wilson, qui se vautrerait dans la simple rhétorique, ou dans la simple juxtaposition de mots, que ce soit dans la Société des Nations ou bien autrement.

[45] GA 259, p.218.

[46] Rudolf Steiner : Anthroposophische Gemeinschaftsbildung [Formation de communauté anthroposophique], (GA 257), Dornach 1989, p.28.

[47] GA 259, p.217.

[48] Voir la conférence du 29 septembre 1922 : Die bedeutung des Kultus für die Zukunft der Erde [L’importance du culte pour l’avenir de la Terre, dans du même auteur : Die Grundimpulse des weltgeschichtlichen Werdens der Menschheit [Les impulsions fondamentales dans le devenir historique mondial de l’humanité] (GA 216), Dornach 1988, pp.86 et suiv.

[49] Voir la note 1.

[50] GA 219, pp.171 et suiv.

[51] À l’endroit cité précédemment, p.172.

[52] Voir Wolfgang Gädeke : op. Cit, pp.292 et suiv.

[53] Voir à l’endroit cité précédemment, pp.295 et suiv.

[54] Rudolf Steiner : Aus den Inhalten der esoterische Studen — Gedächtnisaufzeichnungen von Teilnehmern [Extraits des contenus des cours ésotériques — Notes mémorielles des participants (Vol. II) 1910-1912 (GA266b), Dornach 1989, pp.231 et suiv.

[55] Rudolf Steiner reçu une demande dans ce sens, à l’été 1923, de la part de la doctoresse Ita Wegman. D’après une entrée dans son carnet de notes, elle demanda à Rudolf Steiner, pendant le Congrès organisé par Daniel N. Dunlop de l’école d’été de Penmaenmawr : « Pourquoi les contenus mystériques en médecine ne sont plus mis en avant et diffusés sous une forme ? Pourquoi les cours de médecine sont-ils donnés d’une manière aussi intellectuelle ? Est-il possible de fonder une école de médecine mystérique ? — J. Emanuel Zeylmans van Emmichoven : Wer war Ita Wegman [Qui fut Ita Wegman], vol. 2, Heidelberg 1992, p.216.

[56] Voir Wolfgang Gädeke : op. Cit, pp.292.

[57] Voir Corina Gleide : Die Geburt der geistigen Sonne [La naissance du Soleil spirituel] Stuttgart 2018, pp.23 et suiv.

[58] Rudolf Steiner : Die polarität von Dauer und Entwiclelung im Menschenleben [La polarité de la durée et du développement dans la vie humaine](GA184), Dornach 2002, P.280.

[59] https://diedrei.org/files/media/hefte/1925/Frei-v.Gleich-Gondischapur-I-DD1925-10-Jan.pdfhttps://diedrei.org/files/media/hefte/1925/Frei-v.Gleich-Gondischapur-II-DD1925-11-3.pdf ; https://diedrei.org/files/media/hefte/1925/Frei-v.Gleich-Gondischapur-III-DD1925-12.pdf

[60]  Sigismund von Gleich: Geisteswissenschaftliche Entwicklungslinien im Hinblick auf den Impuls von Gondi-Schapur‹[Lignes d’évolutions de la science spirituelle eu égard à l’impulsion de Gondi-Shapur.], Stuttgart 1983, S. 46 et suiv..

 

Notes de la rédaction de soi-esprit.info

[i] NDLR : « La philosophie de la Liberté - Traits fondamentaux d'une vision moderne du monde - Résultats de l'observation de l'âme selon la méthode scientifique » : GA4

[ii] NDLR : Nous présumons que l’auteur, Stephan Eisenhut, fait référence ici à la notion du «culte inversé» qui n’est PAS à confondre avec la notion de culte, tel que pratiqué dans les confessions religieuses. Pour comprendre la signification de ce concept si particulier, voir GA257 (ce cycle traite notamment des graves crises qui secouèrent la société anthroposophique après l’incendie du premier Goetheanum, ainsi que des impulsions portées par Rudolf Steiner dans ce contexte spécifique). Voir aussi sur ce site, l’article suivant : Dialoguer c'est sacré ? Une tentative pour explorer et pour vivre consciemment et concrètement cet idéal dans une communauté d'esprits libres - Version 2


 

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