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 « Le problème le plus important de toute la pensée humaine : Saisir l'être humain en tant qu'individualité libre, fondée en elle-même »
Vérité et Science, Rudolf Steiner

   

Citation
  • « (…)il ne s’agit pas seulement de croire en l’immortalité, mais il importe de faire fructifier sur tous les terrains possibles ce qui constitue l’élément immortel. L’être humain a besoin de force pour repousser la couverture qui le sépare aujourd’hui de ce que le monde spirituel peut encore lui apporter (…). »

    Stuttgart, 26 avril 1918GA174b

    Rudolf Steiner
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(Temps de lecture: 9 - 18 minutes)

 

Michael Debus
Publié dans Die Drei 5/2023
Traduction : Daniel Kmiecik
Source : Les traductions de Daniel Kmiecik − www.triarticulation.fr/AtelierTrad

 

Sous la forme de « maximes », Rudolf Steiner a exprimé, vers la fin de son activité, l'essence et la mission de l'anthroposophie. Ainsi peut-on lire, dans la première de celle-ci : « L'anthroposophie est un chemin de connaissance qui voudrait conduire le spirituel chez l'être humain au spirituel dans l'univers [1]». Mais ce que Rudolf Steiner a dit, en le formulant également de manière très condensée, c'est « qu'en 869, lors du huitième concile œcuménique de Constantinople, l'esprit a été aboli, par l'Église [2]». Depuis un millier d'années écoulées - à l'époque de Michaël[3] - l'Esprit doit maintenant de nouveau redevenir le guide de l'humanité. Une nouvelle Terre en naîtra, une « école culturelle » et l'humanité, en s'efforçant, tout en apprenant, accomplira sa propre évolution spirituelle en co-responsabilité. Au 18ème siècle déjà il y eut l'intuition de cette idée en premier dans la culture européenne chez Lessing et Goethe. Or, l'œuvre ultime de Lessing paraît avant son décès : L'éducation du genre humain (1780). La Terre y est décrite comme une école, où l'humanité, dans son ensemble, se trouve à l'école. Goethe a exprimé, à sa manière, l'idée de développement dans son drame du Faust, dans la figure de l'être humain qui aspire ardemment à connaître, représenté par Faust. Et finalement l'idée de développement apparaît alors pour notre époque à l'instar d'un « chemin cognitif », que « le spirituel dans l'être humain » parcourt en étant impulsé par l'anthroposophie.

Aujourd'hui donc, à l'époque de Michaël, le temps est échu où le spirituel chez les êtres humains était déterminé par les différentes cultures de la terre. Au lieu de cela, un nouveau concept d'humanité veut se former par les impulsions de l'anthroposophie, qui inclut le « spirituel dans l'univers ». Les êtres humains s'uniront dans cette aspiration, « sans distinction de nation, d'état, de religion, et de science ou d'arts »[4] pour former un seul concept « d'humanité »[i], comme l'expriment nettement les statuts du mouvement anthroposophique[ii]. Une direction d'action résulte de cela sur l'humanité dans son ensemble qui voudrait conduire « le spirituel dans l'essence humaine » au « spirituel dans l'univers ». Ce n'est qu'à partir de ce moment-là qu'entreront naturellement en ligne de compte, ces particularités individuelles « de la nation, de la religion, de la science, de la culture ou de l'art », pour être étudiées plus avant. La citation ci-dessus, tirée du quatrième {article des[iii]} statut{s} {de la société anthroposophique[iv]} {du mouvement anthroposophique}, s'achève encore avec une indication claire : « Il (le mouvement  [v],ndt) ne considère pas la politique comme relevant de sa mission. » Ainsi, une pédagogie issue de l'anthroposophie conduit à l'idéal d'une école dans laquelle l'humanité, telle qu'esquissée plus haut, apprend de plus en plus, dans son propre développement, en étant co-responsable de son évolution propre. Et ce qui vaut à grande échelle pour l'humanité, est ensuite appliqué, à petite échelle, en tenant compte des spécificités individuelles, géographiques et culturelles de chaque élève.

La question peut maintenant se poser de savoir si la pédagogie issue de l'anthroposophie a réellement une dimension humanitaire [vi]  ou si elle est nonobstant marquée par les spécificités de sa genèse locale et temporelle. Si l'on part des principes et d'éventuelles imperfections des comportements humains, on peut clairement affirmer qu'à partir des impulsions de l'anthroposophie se rapportant à la vie culturelle, on se réfère tout à fait clairement à l'être humain en tant qu'entité spirituelle. Il va de soi que des particularités conditionnées par la géographie peuvent avoir leur place dans la pédagogie inspirée par l'école. Qu'est-ce que cela signifie concrètement ? Nous allons examiner cela à l'aide de trois exemples.

Les étapes de l'humanité apprenante

La pédagogie Waldorf est née en Allemagne. Pour les contes de fées qui sont racontés aujourd'hui dans les petites classes, en général dès le début - et de manière bien justifiée - les contes de Grimm ont joué un rôle important. Si l'on veut que les écoles créées ultérieurement en d'autres parties du monde, par exemple, en Afrique du Sud {développent leurs propres particularités[vii]}, les contes de Grimm doivent-ils donc aussi être racontés ? Une expérience dans ce domaine peut nous aider : L'enseignante sud-africaine raconte un conte de fées sud-africain, très captivant et dramatique - Mais on voit alors la différence : dans le conte sud-africain, après le passage par le développement dramatique, l'ordre initial est rétabli - c'est en cela que consiste la fin positive. Ce déroulement de l'action se retrouve également dans d'autres contes. Dans les contes de Grimm, par contre, à la fin de l'histoire, la situation initiale est toujours modifiée, très souvent sous la forme d'un mariage, qui est alors célébré. Les personnages dans le conte ont donc subi quelque chose de ce que nous pouvons désigner comme une évolution. C'est, comme nous l'avons vu, un élément central, un motif de la pédagogie anthroposophique. Cela ne devrait pas manquer non plus en Afrique du Sud. La solution ne doit pas être « les contes de Grimm en Afrique du Sud ». Mais l'idée de développement en tant que telle ne doit pas être rejetée comme « étrangère à la culture » du lieu, car elle fait aujourd'hui partie de la culture de l'humanité. Une forme proche de la culture pour cette pensée serait alors une tâche productive de la pédagogie anthroposophique.

Une toute autre question est celle de l'évaluation et de la classification des événements historiques, par exemple la découverte de l'Amérique par Christophe Colomb. Certains estiment qu'il est faux de parler d'une « découverte de l'Amérique », d'un point de vue uniquement européen et que cela nécessite une « dé-colonisation » : « L'Amérique n'a pas été découverte. Elle n'avait pas besoin de l'être. Des gens y vivaient déjà et ils n'étaient pas moins bien lotis qu'en Europe »[5]. Mais tout aussi peu que les contes de Grimm sont de la « littérature allemande », la découverte de l'Amérique ne fut tout aussi peu uniquement un acte politique de la part de l'Europe. Ce fut un acte globalement humain de l'évolution de la conscience terrestre. Il s'agissait d'un acte de l'humanité visant à développer une nouvelle conscience de la terre : la terre était-elle pensée plate jusqu'alors ou bien effectivement ronde ? Or, si elle était ronde, l'Inde n'était pas seulement accessible vers l'Est. Alors on pouvait atteindre les Indes en partant vers l'Ouest, depuis l'Europe.

La Terre est-elle plate, comme on le pensait jusqu'alors, ou vraiment ronde ? Si elle était ronde, alors l'Inde ne serait pas seulement accessible de l'Est, on pouvait alors aller de l'Europe vers l'Inde par voie maritime vers l'ouest, alors sur cette route, il devrait y avoir, à un moment donné, des terres quelque part. Mais il n'y avait encore aucune connaissance empirique de cela. Avec la découverte de Christophe Colomb, ce fut clair. L'Inde se trouve bien à l'est et à l'ouest, car la terre est ronde. Pourquoi cet aspect de la « découverte de l'Amérique » dans l'enseignement de l'histoire ne trouve-t-il pas sa place ? L'autre aspect lié à cela, à savoir, la souffrance infinie des peuples premiers et de l'esclavage, ne doit pas être occulté pour cette raison.

Le troisième exemple se réfère aux « époques culturelles », dans la cinquième desquelles nous vivons aujourd'hui. Là aussi, des voix critiques remettent en question cette vision de l'histoire de l'humanité : « L'idée souvent véhiculée en cinquième année, que la civilisation humaine s'est développée de l'Inde vers l'ouest, est trop linéaire pour être, même ne serait-ce qu'approximativement, vraie. En lien avec cela, on voit le « mythe euro-centrique de la civilisation occidentale », [...] selon lequel les anciens Grecs furent le couronnement de la civilisation et nous, les Européens centraux, étions leurs successeurs. »[6]

L'essentiel remis en question

Avec cette classification des époques culturelles comme « mythe euro-centrique », qui nécessite une « dé-colonisation », c'est le noyau d'une compréhension anthroposophique de l'histoire qui est remis en question : l'évolution de l'humanité. Exactement comme pour la « découverte de l'Amérique », les époques culturelles ont également deux facettes : Elles sont, au sens propre, le véritable sens de l'évolution de la conscience de l'humanité - l'humanité apprenante à l'école de la Terre. Le seul regard extérieur sur les cultures correspondantes, jusqu'aux aspects économiques, ne touche pas à l'essentiel. Cela vaut également pour la critique du fait que certaines cultures ne sont pas mentionnées. Il y a des cultures qui ne sont même pas mentionnées, « sans parler de l'urbanisme et de l'agriculture chinoise. [ ... ] Entre l'Inde et la Grèce, il semble n'y avoir aucune place pour la culture. »[7]

L'impulsion qui a conduit à ces questions soulevées par les trois exemples, a également reçu un nom : L'impulsion de la dé-colonisation[8] se préoccupe de ce que serait la pédagogie Waldorf authentique.

Pour conclure, j'aimerais examiner la question ainsi soulevée dans le contexte d'une école Waldorf coréenne que je connais personnellement. Le collège de l'école a organisé une conférence spéciale pour aborder le thème de la « dé-colonisation » à partir de l'article cité ici. Il était clair que l'enseignant Waldorf devait effectuer un travail de « traduction » pour les contenus de la pédagogie Waldorf dans une autre culture, dans la mesure où celle-ci se présente sous un « habillage européen ». Mais personne n'avait de véritable problème qui indiquât une « dé-colonisation » nécessaire. On peut sans problème s'associer à la pédagogie Waldorf « européenne ». Le véritable problème consiste à trouver dans sa propre culture, les éléments susceptibles de transmettre l'impulsion de la pédagogie Waldorf. Les enseignants de cette école y travaillent non sans succès et se soutiennent mutuellement. Mais cela n'exclut pas que l'on continue à étudier le drame de Faust de Goethe et le Parzival de Wolfgang von Eschenbach, par exemple, dans les classes supérieures. Il n'y a pas d'équivalent dans la culture coréenne et les élèves ne considèrent pas cette matière comme étrangère, mais plutôt comme enthousiasmante ; il n'en va pas autrement en Allemagne lorsqu'une classe de 12ème année présente l'Oreste d'Eschyle comme pièce de théâtre. Pour d'autres contenus d'enseignement, il existe en revanche des équivalents qui sont alors utilisés. Le fait que l'enseignement de la culture coréenne par une pédagogie Waldorf venant d'Allemagne pâtit, n'y est pas éprouvé.

Le véritable travail à effectuer reste donc la « traduction », la recherche d'éléments culturels susceptibles de transmettre l'impulsion Waldorf. La question de savoir ce qui est « authentiquement Waldorf » est déjà la raison d'être de ce travail : construire des ponts entre les cultures ; une construction de ponts qui permettent de créer un chemin qui va « du spirituel dans l'être humain » au « spirituel dans le monde ».

Michael Debus
Die Drei
5
/2023.

(Traduction Daniel Kmiecik)

Notes

[1] Rudolf Steiner : Maximes anthroposophiques, (GA26), Dornach 1998, p.14.

[2] Du même auteur : L'Europe centrale entre l'Est et l'Ouest (GA 174a), Dornach, 1982 p.247.

[3] Voir les maximes n° 79 et suiv. Dans GA 26.

[4] La constitution de la Société anthroposophique universelle et la libre université pour les sciences spirituelles (GA 260a), Dornach 1967, p.802.

[5] Sven Saar : Weltweit Waldorf - Wo ist da Zentrum ? [Waldorf dans le monde - Où est le centre ?] dans Das Goetheanum, 18/2023, p.12.

[6] Ibid

[7] Ibid

[8] À l'endroit cité précédemment, p.11.

 

Notes de la rédaction

[i] L’expression « un seul concept d’humanité » est ici quelque peu étonnante, car il n’existe pas dans l’absolu plusieurs concepts d’humanité, ni plusieurs concepts de triangle, par exemple. Au niveau purement conceptuel, il n’existe à chaque fois et « de toute éternité » (les concepts sont en dehors du temps et de l’espace), qu’un seul concept de triangle ainsi qu’un seul concept d’humanité. Par contre, les êtres humains peuvent différer par les représentations qu’ils se font de l’humanité, des triangles, des arbres ou de toute autre chose, etc. Leurs représentations évoluent d’ailleurs au cours de leur vie, ainsi qu’au cours de l’évolution des civilisations. Il s’agit donc de bien différencier entre concept, d’une part, et représentation, d’autre part.
Ne disposant pas de la version en langue allemande de ce texte, nous ne sommes pas en mesure de déterminer avec une suffisante précision l’intention de l’auteur. Faudrait-il éventuellement comprendre l’expression « à l'époque de Michaël, le temps est échu où le spirituel chez les êtres humains était déterminé par les différentes cultures de la terre. Au lieu de cela, un nouveau concept d'humanité veut se former par les impulsions de l'anthroposophie, qui inclut le « spirituel dans l'univers » » comme signifiant ceci :
« à l'époque de Michaël, le temps est échu où le spirituel chez les êtres humains trouvait sa (seule) source parmi les différentes cultures de la terre. Au lieu de cela, une nouvelle spiritualité (dépassant et englobant les différentes cultures de la terre) veut se former par les impulsions de l'anthroposophie, qui inclut le « spirituel dans l'univers » » ?

[ii] Il s’agit des statuts de la Société anthroposophique, et non pas du mouvement anthroposophique

[iii] Les ajouts ou suppression entre accolades { } dans ce texte, l’ont été par la rédaction, lorsqu’il nous semblait que certains mots étaient manquants, absents ou « erronés », compte tenu du contexte. Nous avons procédé ainsi n’ayant pas accès au texte original en allemand.

[iv] NDLR : Pour le texte complet des statuts en question, voir ici : https://goetheanum.ch/fr/societe/statuts-fondateurs. À remarquer ceci : il n’est pas exprimé dans ces statuts que les êtres humains s’uniront pour former un seul « concept » d’humanité. La formulation choisie par l’auteur semble pour le moins bizarre.

[v] Au risque de nous répéter : il ne s’agit donc pas du « mouvement », mais bien de la « société anthroposophique ».

[vi] Nous présumons qu’il faut comprendre ici « humanitaire » dans le sens « qui souhaite améliorer la condition des êtres humains », et non pas dans le sens plus restreint du terme de « qui concerne les secours d'urgence aux populations en danger ». 

[vii] Il manque une partie de phrase dans la traduction en langue française. Ne disposant pas du texte en allemand, c’est nous qui avons ajouté ce bout de phrase, présumant qu’il fait sens avec les paragraphes précédents et suivants.

 

 

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