Une vague d’effervescence fait le tour du monde ; d’une part, elle présente des effets destructeurs et pathogènes, mais, d’autre part, elle offre la possibilité d’apprendre beaucoup et de faire un pas dans l’évolution. Une approche scientifique systémique montre que les pandémies nécessitent certes une compréhension virologique, mais bien plus encore immunologique. La focalisation unidimensionnelle sur les virus, les chaînes d’infection et les scénarios du pire, cette focalisation empêche de voir les influences psychosociales et sociétales sur le système immunitaire des personnes – influences qui sont décisives.
D’un point de vue anthroposophique, nous vivons actuellement à l’ère de l’âme de conscience. C’est aussi l’époque des lumières scientifiques, qui a commencé au XVIe siècle et se poursuivra longtemps encore. Au terme de cette époque, l’homme aura développé un horizon de conscience beaucoup plus large que ce que nous pouvons imaginer aujourd’hui. Ce temps a été précédé par celui de la culture de l’âme d’entendement. La pensée logique, telle que les philosophes de la Grèce antique l’ont développée, fut l’une des facultés essentielles élaborée durant ce temps.
La crise du coronavirus est un exemple très significatif pour étudier le conflit entre la « vieille » culture de l’entendement et celle, moderne, de l’âme de conscience. En termes simples, nous pouvons dire : l’âme d’entendement généralise, l’âme de conscience intègre. L’entendement pense dans une direction, l’âme de conscience saisit toute l’étendue, la circonférence d’un phénomène. Lorsque cinq personnes se disputent parce que chacune a une opinion différente, cela tient rarement à l’incompatibilité des opinions, mais provient plutôt de l’incapacité de voir que chacune d’entre elles est justifiée d’un certain point de vue et qu’il ne s’agit pas d’un « ou bien… ou bien… », mais d’un « non seulement… mais aussi… ». L’âme d’entendement pense de façon linéaire, dans le sens d’une logique unidimensionnelle ; de A découle B et de B découle C. Et de la nature contraignante de cette logique, elle tire sa prétention d’avoir raison. Cette pensée n’est, par exemple, pas en mesure de saisir le principe du vivant, car elle ne réfléchit qu’à travers des chaînes causales mécanistes, et non à travers des mises en relations intégrales et des interactions complexes. Les sciences systémiques sont une expression du développement de l’âme de conscience.
Appliqué au problème du coronavirus, l’entendement développera l’analyse suivante : les virus rendent malade et se propagent par contamination. Ils peuvent muter et entraîner de graves épidémies, avec de nombreux morts. Nous devons donc, pour éviter cela, empêcher le plus grand nombre possible de contacts et, ainsi, de contagions ; nous devons fermer les écoles, les magasins, les restaurants, les hôtels, les théâtres, les salles de concert et interdire toutes sortes de rassemblements, pour résoudre le problème. Cette image des virus est unidimensionnelle, sa logique va dans une seule direction et s’éloigne ainsi de plus en plus de la réalité, ce qui, dans certains cas, peut causer plus de dégâts que le virus lui-même.
Nous allons donc tenter de mener une approche systémique du problème du virus et de la pandémie, afin de les éclairer à partir du plus de points de vue possibles.
Dans une émission de télévision (Anne Will) du 22 mars 2020, le président du Bund Deutscher Kriminalbeamter (association fédérale des agents de la police judiciaire allemande), Sebastian Fiedler, a fait une remarque judicieuse. Il a critiqué le manque de pensée systémique dans ce domaine. Nous aurions besoin d’une grande table ronde où non seulement les virologues et les politiciens, mais aussi les « têtes pensantes » de nombreux domaines s’assiéraient ensemble et, à partir de points de vue transdisciplinaires sur les phénomènes, élaboreraient une orientation interprofessionnelle ou une vision pondérée.
Le niveau général d’information sur cette question est bien trop bas, même chez les politiciens, pour que l’activisme actuel puisse vraiment reposer sur des bases objectives. Concernant l’immunologie de l’être humain et son lien étroit avec les facteurs psychosociaux en particulier, il règne une ignorance qui, au fond, est criminelle.[1]
L’interdisciplinarité fait partie de la culture de l’âme de conscience. La crise du coronavirus n’est pas seulement un problème virologique, c’est un problème pour la société dans son ensemble ; et les mesures prises actuellement auront des effets négatifs dont, visiblement, nous ne sommes pas capables de saisir la portée, pour le moment. Il est possible que les conséquences finales, dans leur globalité, dépassent de loin le seul problème du virus, en termes de gravité, y compris en ce qui concerne le taux de mortalité. Selon l’économiste Christian Kreiß, nous allons vivre, suite au problème du coronavirus, l’une des plus graves récessions économiques depuis le début du XXe siècle, avec des faillites d’États, des famines, un chômage de masse, ainsi qu’une escalade des conflits.[2]
Au travers de quelques points de vue, nous allons essayer d’esquisser ici ce à quoi peut ressembler une approche systémique telle qu’évoquée.
Statistiques, taux de mortalité, tests
Environ 10 millions de personnes contractent la tuberculose chaque année, ce qui est fatal pour 1,5 million d’entre elles. Une grande partie de ces décès pourrait être évitée par des mesures relativement simples pour l’amélioration des conditions de vie (nutrition, hygiène, logement). 80.000 enfants meurent chaque année en Afrique de la terrible maladie du noma, qui ronge littéralement les visages, ce qui entraîne de terribles défigurations. Cette maladie est due, simplement, à une carence en vitamines et en protéines, qui pourrait être évitée au prix de peu d’efforts. Quel serait le niveau général d’indignation, si les médias en parlaient plusieurs fois par jour, pendant des semaines ? Mais la plupart des gens ne connaissent pas même l’existence de cette maladie.
8 millions de personnes meurent chaque année dans le monde à cause de la pollution atmosphérique – dont environ 80.000 en Allemagne, soit 220 par jour. Le nombre de décès dus aux effets secondaires des médicaments est presque aussi élevé. Bien que les personnes touchées par ces causes de décès n’en soient pas responsables, et bien qu’une volonté politique appropriée pourrait réduire considérablement les causes en question, cela ne fait pas l’objet d’un débat public, tandis que le coronavirus est sur toutes les lèvres.
Chaque année, 650.000 personnes environ meurent de la grippe, au niveau mondial[3] ; en Allemagne, les années où les vagues de grippe sont plus virulentes, on compte entre 10.000 et 25.000 décès, ce qui correspond à 60 personnes par jour. Nous ne savons pas encore si, cette année, dans l’ensemble, nous aurons plus de décès suite à la grippe + le coronavirus, mais tout indique que le bilan final du Covid-19 ne se différenciera pas sensiblement de ceux d’autres vagues de grippes annuelles.[4]
Selon l’Institut Robert Koch, en Allemagne, 25.100 personnes[5] sont mortes de la grippe au cours de l’hiver 2018, en 8 semaines seulement, ce qui, de facto, n’a pas été rapporté dans les médias ; ces taux de mortalité se situaient dans la fourchette normale de fluctuation. Par rapport à la situation actuelle, le
Suite dans le 1er numéro d’Esprit et Nature. Plus d'explications en cliquant ici.
[1] Voir également, à ce sujet, l'interview très instructive du professeur Shiva Ayyadurai, actif dans la recherche en biologie systémique. https://www.youtube.com/watch?v=w0DMuH44h1Y. Consulté en avril 2020.
[2] https://www.youtube.com/watch?v=HpkbwQbkEWo&feature=youtu.be. Consulté en avril 2020.
[3] https://www.aerzteblatt.de/nachrich-ten/87049/Influenza-Mortalitaet-weltweit-hoeher-als-bislang-angenommen. Consulté en avril 2020.
[4] En 1995/96 et 2011/12, le taux de surmortalité lié à la grippe, en Allemagne, était de 29.000 ; en 2017/18, il était de 25.000 ; l'année de la grippe porcine – 2009/10 –, ce taux était de zéro, même si, cette année-là aussi, une vague de panique avait précédé, dans les médias. Source : https://www.aerzteblatt.de/nachrich-ten/61516/Grippewelle-Starke-Schwankun-gen-der-Exzess-Mortalitaet. Concernant le Covid-19, le taux de surmortalité était, au 31 mars 2020, de 4615. (Au 5 octobre 2020, ce chiffre est, selon un article du Spiegel, de 9538 personnes – https://www.spiegel.de/wissenschaft/medizin/coronavirus-infizierte-genesene-tote-alle-live-daten-a-242d71d5-554b-47b6-969a-cd920e8821f1 –, donc toujours environ trois fois inférieur aux chiffres liés aux grippes évoquées. Le Spiegel se base ici sur des données du Johns Hopkins CSSE. Ndlr).
[5] https://influenza.rki.de/Saisonberichte/2018.pdf, p. 47 – consulté en avril 2020. Concernant ce nombre, seuls 1674 cas ont été confirmés en laboratoire ; le nombre en question suscite donc la controverse. Étant donné que très peu de patients atteints de la grippe sont soumis à des tests virologiques en laboratoire, il faut supposer que le nombre réel équivaut, au minimum, à celui des décès dus au coronavirus durant la même période.
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