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 « Le problème le plus important de toute la pensée humaine : Saisir l'être humain en tant qu'individualité libre, fondée en elle-même »
Vérité et Science, Rudolf Steiner

   

Citation
  • «Le véritable poète, en effet, ne cherche pas à faire du neuf en introduisant dans le présent ses lubies plus ou moins naturalistes, mais en se saisissant de façon nouvelle du courant éternel de la beauté, et ceci de façon telle que l’art reste de l’art ! Or, l’art véritable ne peut exister sans la spiritualité.»
    Berlin, 13 février 1913 - GA167

    Rudolf Steiner
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(Temps de lecture: 24 - 48 minutes)

 


Roland Kipke

Publié dans Sozialimpulse 3/2024
Traduction : Daniel Kmiecik
Source : Les traductions de Daniel Kmiecik − www.triarticulation.fr/AtelierTrad

NDLR : À la date du 10/12/24, un paragraphe à été ajouté du fait d'une correction de la rédaction de Sozialimpulse sur l'article de Roland Kipke. Ce paragraphe est mentionné en couleur mauve, ci-dessous.

 

L’anthroposophie est -elle une science ? Les uns disent résolument non, les autres résolument oui. Les critiques affirment : Il va de soi que l'anthroposophie n'est pas une science car le monde spirituel n'existe pas ou bien, s'il y en a un, il ne nous est pas scientifiquement accessible. Les partisans de l'anthroposophie rétorquent qu'elle est naturellement une science, puisque Rudolf Steiner en a donné une méthodologie d'accès claire, que tout un chacun peut suivre, et de plus, ses résultats de recherches sont compréhensibles quand on dispose d'un entendement humain sain.

Hokus Pokus ou science au plus probe du terme — le débat évolue principalement dans cette dichotomie maladroite depuis l'époque de Steiner. À l'occasion de quoi, « débats » est un terme faux. Il me semble beaucoup plus qu'une opposition de front est ainsi gelée depuis plus d'un siècle. Les « poilus » ainsi retranchés ne cessent de se jeter ainsi les mêmes grenades argumentatives les uns sur les autres, en assurant sinon leurs positionnements propres, malgré l'effort idéel parfois énorme et la volonté parfois affichée de dialoguer (voir d'une part : Badewien 1986, pp.191-221 ; Hansson 1991, pp.37-49 ; Zander 2007, pp.870-875 ; Ulrich 2011, pp.180-191 ; Sebastiani 2023 ; et d'autre part : Schiller 1979, pp.102-147 ; Dietz 1981 ; Ravagli 1993 ; Majorek  2015, Chapitre 11 ; Heusser 2019 ; Hueck 2023. Voir pour une exception constructive : Schieren 2011 ; Traub 2023). Je voudrais quitter ces tranchées familières et proposer une nouvelle compréhension.

Déjà de simples réflexions suggèrent que les deux positions reposent sur des pieds d’argile. Du côté des critiques, soit l'existence de quelque chose est contestée, soit c'est son accessibilité expérimentale qui l'est. La première affirmation a un caractère idéologique. Car il n’existe aucune preuve de la non-existence des êtres spirituels, alors qu’il y a toujours eu des gens qui prétendent en faire l’expérience. Déclarer simplement ces gens fous et ne même pas prendre en compte que sa propre capacité normale de perception pourrait être limitée, ce n'est guère-là le signe d'une attitude scientifique et autocritique. C'est pourquoi les gens vont trop loin avec la deuxième déclaration. En tout cas, une attitude agnostique serait justifiée, se limitant à l'affirmation du « je ne sais pas ».

Mais d'un autre côté, les premières observations éveillent un doute. En fait partie le rôle écrasant et imprégnant tout de Rudolf Steiner lui-même. Il n'y a rien d'autre sinon nulle part ; un homme fonde une science, détermine sa méthodologie et fournit une quantité en contenus qu'on ne peut absolument pas maîtriser du regard. Rien de plus ne s'ensuit, après sa mort et pendant de longues décennies, quoiqu'il ait d'innombrables élèves. L'anthroposophie, l'œuvre de Steiner, n'est presque plus qu’exégèses, éclaircissements et répétitions. Si celle-ci était une science, elle serait donc la seule et unique science d'un-seul-homme.

 

Existe-t-elle, cette science-d'un-seul-homme ?

Les doutes en ce qui concerne la revendication scientifique de l'anthroposophie se renforcent, lorsqu'on fait l'expérience de la manière dont l'anthroposophie traite la critique de l'anthroposophie. Quand bien même il ne s'agisse pas d'une critique riche en connaissances concrètes ou jamais fondamentales, on se heurte alors souvent à une boisson particulièrement aigre. Pas seulement chez les « tantes » anthroposophiques, au sujet desquelles Steiner se plaignait déjà, mais encore foncièrement chez les anthroposophes ouverts au monde, académiquement formés (naturellement pas chez tous). Les appels répétés de Steiner pour vérifier ses dires sont certes souvent mentionnés (voir, par exemple, Steiner 1987c [GA 13], p.14). Pourtant cette soi-disant ouverture ne résiste qu'aussi longtemps que la vérification s'ensuit effectivement et parvient à un résultat négatif. Il est également extrêmement important de savoir si la critique vient de « l’extérieur » ou de « l’intérieur ». Qui fait partie du sérail et qui n’y appartient pas ? Comme si la seule chose qui comptait c'était de savoir si la critique fût plausible. Les anthroposophes ont cultivé depuis longtemps une politique identitaire, bien longtemps avant que ce terme existât. À maints égards ce qui règne n'est pas une attitude cognitive, mais une attitude plutôt confessionnelle.

Mais ce ne sont que des anthroposophes ! Il ne faut pas les confondre avec l’anthroposophie elle-même ! C’est la réponse souvent entendue à de telles observations. Mais cela peut-il être si clairement séparé ? Si les anthroposophes sont des adeptes d’une science, pourquoi tant de ces gens la fréquentent-ils de si loin, cette science ?

Pourtant, comme on l'a dit, ce ne sont que de premières observations et pas encore de raisons percutantes pour ou contre la scientificité de l'anthroposophie. Avant de me mettre en quête de telles raisons, que soit clarifiée brièvement ici précisément ce à quoi se réfère la question de la scientificité. Elle ne repose pas sur la recherche empirique des pratiques anthroposophiques, la recherche en science pédagogique de la pédagogie Waldorf ou bien la recherche clinique sur l'efficacité des remèdes anthroposophiques. Il ne s’agit pas ici de recherche anthroposophique originelle, mais plutôt d’une investigation des domaines d’application de l'anthroposophie avec les méthodes scientifiques qui sont en usage. Il ne s'agit pas non plus de ce qu'on appelle la Steinerforschung et donc la confrontation de science spirituelle académique avec l'œuvre et la vie de Rudolf Steiner (Voir avant tout : https://steiner-studies.org ). L'interrogation de cet article ne s'adresse pas non plus aux écrits philosophiques précoces de Steiner ou bien à la science naturelle goethéenne. Quand bien même aux écrits précoces qui sont en relation avec l'anthroposophie plus tardive, ils suivent manifestement une autre méthodologie, notoirement celle philosophique. Le goethéanisme est certes inspiré de l'anthroposophie, mais il se meut à l'instar d'une phénoménologie de nature empirique, dans le cadre d'une manière d'opérer plutôt scientifiquement reconnue. Il ne s'agit donc pas de tout cela.

La question de la scientificité vise l'anthroposophie au sens propre : la recherche scientifique sur les mondes suprasensibles, revendiquée par Rudolf Steiner. Cette « science spirituelle anthroposophique », Steiner la comprend comme un empirisme spirituel méthodologiquement sécurisé, la scientificité duquel ne cède guère aux sciences naturelles modernes. Cette revendication d'avoir développé une science cognitivement supérieure est à la fois le gond et le point d'angle de l'anthroposophie. Par ceux-ci, elle se distingue de toute religion établie, de toute mystique traditionnelle et de tout ésotérisme de champs, des bois et des prairies. [...humides, ndt] (Par exemple, Steiner 1990 [GA 9], p.22 ; Steiner 1987c [GA 13], pp.33-51)

Comment une telle revendication de science se laisse-t-elle juger ? Une suggestion bienveillante pourrait consister à dégager et amener à soi le propre concept scientifique de Steiner. La connaissance, surprenante nonobstant, c'est qu'il n'en a guère. Malgré d'innombrables déclarations sur la science en général, et la science spirituelle anthroposophique avancée, il ne se rencontre spécialement chez lui aucunes réflexions systématiques sur ce qui fait d'une science une science. Steiner n'eut aucune théorie scientifique. Eu égard à l'importance qu'avait pour lui la revendication de scientificité, c'est étonnant.

 

Une connaissance n'est pas encore une science

Pourtant, Steiner n'a-t-il pas développé une théorie cognitive propre ? Ne constitue-t-elle pas même une partie essentielle de ses écrits philosophiques précoces ? Pour sûr ! Mais une compréhension d'une connaissance n'est pas encore une compréhension d'une science (voir Steiner 1987a [GA 4]).[1] Or, cette distinction n'est pas vue presque d'un bout à l'autre du mouvement anthroposophique.[2] Cela va de soi qu'une science a quelque chose à faire avec la connaissance, mais elle ne lui coïncide pas. Nous avons des connaissances sans avoir eu recours à activer une science pour autant. Je goûte la confiture au petit-déjeuner et me rends compte : ah !, de la confiture de framboise ! Ou bien je reconnais que mon cactus dépérit, parce que je l'ai trop arrosé. Ce sont là des connaissances, mais elles ne sont pas la science. Chaque science s'efforce à accumuler des connaissances, mais chaque connaissance n'est pas forcément une connaissance de nature scientifique.

Bien entendu Steiner a foncièrement désigné quelques attributs qu'il considérait comme une justification de scientificité de l'anthroposophie. Une de ces justifications c'est l'intelligibilité. L'anthroposophie, est donc compréhensible, selon Steiner, pour tout être humain, doté d'une saine compréhension humaine (voir Steiner 1990 [GA 9], p.20 ; Steiner 1987c [GA 13], p.14, 26 et suiv.). C'est correct. Aussi insolites que puissent être ses déclarations pour beaucoup, elles sont compréhensibles en général. Steiner parle et écrit de manière cohérente, plus ou moins systématiquement, il introduit des concepts et éclaire ce qui n'est pas connu. Effectivement l'intelligibilité est une condition pour la scientificité. Celui qui donne des choses de lui-même, lesquelles, avec la meilleure volonté du monde, ne sont guère compréhensibles ou sans cohérences, celui-là ne réalise vraisemblablement aucune communication scientifique. Intelligibles sont aussi en vérité l'histoire de la vie de Harry Potter et la phrase : « Le matin, le Soleil se lève ». Pourtant ces deux choses ne sont manifestement pas de la science. L'intelligibilité ne suffit donc pas, à elle-seule. Elle est nécessaire, mais elle n'est pas un critère suffisant pour affirmer la scientificité.

Un autre attribut c'est le caractère méthodologique. Steiner le revendique pareillement pour l'anthroposophie. Il ne communique pas seulement les résultats de sa « science spirituelle », mais il décrit aussi les cheminements qui permettent de les obtenir. Peut-être qu'il ne décrit pas seulement les diverses sortes de connaissances suprasensibles, imagination, inspiration et intuition, mais encore aussi il décrit la manière dont des gens peuvent se développer pour acquérir les capacités nécessaires pour ce faire. (voir Steiner 1987b [GA 10] ; Steiner 1987c [GA 13], pp.299-396). Le critère du procédé méthodologique vaut généralement comme une condition pour réaliser un travail scientifique. Une science se caractérise aussi du fait qu'une recherche ne s'ensuit pas de manière arbitraire et que la façon de procédé est transparente. [Dans une science « dure » comme la biochimie, par exemple, tout cela est présenté clairement dans la rubrique d'une publication scientifique standard appelée : « Matériels et méthodes », ndt]

Aucune étude de psychologie, aucune analyse de texte informatique-linguistique ne peut renoncer à rendre compte de sa manière de procéder. Mais ici aussi, le procédé méthodologique est certes indispensable, mais il n'est pas encore suffisant pour une recherche scientifique. Je peux aussi utiliser une certaine méthode pour écrire un roman, jouer aux échecs ou compter méthodiquement les brins d'herbe dans mon jardin. Ensemble non plus, caractère méthodologique et intelligibilité ne sont donc guère suffisants pour une science. Un ouvrage sur les 21147 brins d'herbe, dûment et scientifiquement comptés, peut paraître clair et intelligible, mais il ne pourra néanmoins pas compter comme un ouvrage scientifique.

Dans le cas de Steiner, un autre problème vient d'adjoindre. Il donne certes les informations sur ces méthodes, mais il ne les rattache jamais concrètement avec les résultats qu'il communique. Que l'on se représente, pour comparer, que dans une science telle que la sociologie, on ne donne que quelques indications méthodologiques vagues sur la recherche entreprise, mais sans indiquer quelle méthode on a suivie dans des études particulières. C'est un peu comme cela que se comporte Steiner. Il y a une faille entre méthodes et contenus (voir Gut 1990, pp.103-106).

Cette faille s'approfondit, du fait que Steiner s'exprime presque toujours selon un ductus impersonnel : « La science spirituelle dit... », « La science de l'esprit fait... » et choses analogues. Ce n'est pas là seulement une lacune stylistique, mais c'est un problème sérieux. Car en se dissimulant comme acteur, il supprime, pour le lecteur et l'auditeur, la liaison entre cheminement cognitif et contenu cognitif. Étant donné que les méthodes décrites n'étaient et ne sont pas un bien universel auquel on pourrait se référer sans problème, Steiner eût dû parler sur lui-même. Il eût dû présenter sur quelles voies et quand il en était venu à tel ou tel discernement, comment il l'avait présenté, quand il avait dû percer à jour tel ou tel égarement et comment il avait vérifié tel ou tel résultat. Cela vaut d'autant plus que d'après les propres déclarations de Steiner, les connaissances supérieures ne reposent pas sur des données sensibles ou des processus instrumentaires existants indépendamment du chercheur, mais qu'elles sont perceptibles par « une activité propre à son âme » (Steiner 1987c [GA 13], p.40). L'âme étant l'instrument de « l'investigateur du spirituel », il eût donc dû parler de cette âme qui portait le nom de Rudolf Steiner ; Qu'il l'ait à peine fait cela peut avoir été compris comme relevant d'une impression de sérieux scientifique [du fait que dans la science matérialiste, reconnue classiquement comme telle, le chercheur doit adopter totalement un positionnement objectif, ndt]. Mais cela agit en provoquant le contraire.

De plus Steiner reconnaît rarement quand il s'exprime à partir du discernement revendiqué par lui comme supérieur et quand il laisse affluer vers lui un savoir « normal » [guillemets du traducteur : au « sens d'accessible » à n'importe qui d'autre... », ndt], par exemple, à partir d'ouvrages. Tout cela mène aussi à contribuer au voilage méthodologique. En bref, le critère du caractère méthodologique, l'anthroposophie ne le réalise donc qu'en partie.

Steiner désigne un troisième critère, notoirement l'attitude scientifique. Selon ses propres mots : « un certain comportement de l'âme humaine », une disposition de la vie de l'âme humaine, laquelle est la même dans la science spirituelle de l'anthroposophie que celle dans la recherche en science naturelle (Steiner 1987c [GA 13], pp.35 et suiv.). Une telle exigence est conciliable avec une « bonne pratique scientifique », qui englobe une certaine éthique professionnelle. Ce que l'on a en tête ici, ce sont des vertus telles que l'exactitude, l'authenticité, la probité et l'absence de préjugé. En font partie aussi le fait de vérifier ses perceptions personnelles et de désigner les limites de validité de ses propres déclarations. Également la disponibilité à remettre en question ses propres convictions et de les corriger si besoin [ce dernier point entraîne de connaître l'état des connaissances sur la question que l'on traite, et la citation des auteurs qui nous ont précédés dans cette recherche, car n'oublions jamais : « nous sommes assis sur les épaules de géants ! », sans pour devoir pour autant remonter à Galilée... ndt]. Par conséquent et brièvement seulement, maintes de ces attitudes Steiner ont été aussi décrites et revendiquées pour lui-même, comme l'exactitude et l'absence de préjugé. En tout cas il les décrit comme des conditions pour un développement des capacités suprasensibles (voir, par exemple, Steiner 1987b [GA 10], pp.51, 84). Je ne vois aucunes bonnes raisons de lui dénier ces attitudes. Il est vrai qu'elles se laissent difficilement contrôler. Quant à savoir si l'on a bien travaillé, par exemple, lors de la présentation de l'ancien-Saturne, cela ne se laisserait seulement vérifier si l'on eût d'abord exactement à disposition ses propres discernements sur cette évolution planétaire. Pour d'autres attitudes, par contre, comme la disposition à remettre en question et l'auto-correction, on n'en découvre pas trop de traces dans l'œuvre vaste de Rudolf Steiner. Pourtant ceci aussi est difficilement vérifiable a posteriori. Il est aussi décisif pour la question de la scientificité, c'est le fait qu'il ne résulte encore aucune science uniquement de ces attitudes. Une comptable financière peut également travailler avec soin, honnêteté et autocritique.

Ainsi en est-il des critères désignés par Rudolf Steiner lui-même pour répondre au critère de scientificité. L'anthroposophie en accomplit un (l'intelligibilité), un deuxième seulement partiellement (le caractère méthodologique), un troisième est difficilement vérifiable (attitude scientifique). Un résultat mitigé. Mais avant tout, les conditions sont certes nécessaires à la scientificité, mais pas suffisantes. Il manque encore quelque chose de décisif. Comment déterminer cet élément manquant ? Il tombe sous le sens de consulter la philosophie de la théorie cognitive. Laquelle se divise en de nombreuses amorces qui se concurrencent. Pour quelque amorce que l'on se décide, il est à craindre que précisément celle-ci soit considérée comme insuffisante, si elle ne produit pas le résultat souhaité. C'est pourquoi je voudrais rechercher quelque chose d'autre. Sans présupposer de théorie, je vais présenter quelques réflexions fondamentales et simples sur la question de ce qui constitue une science.

 

Qu'est-ce qui distingue des connaissances scientifiques ?

Chez les auteurs de romans, joueurs d'échecs, compteurs de brins d'herbe et comptable financière, il manque toujours quelque chose pour pouvoir parler de science. Et c'est bien naturellement la quête de connaissances. Dans la science, la question ce sont les connaissances. Mais nous avons déjà constaté plus haut qu'il ne pouvait s'agir de connaissances arbitraires, au contraire, elles doivent se distinguer d'une manière quelconque des autres connaissances. Qu'est-ce qui les distingue donc des autres ? Le critère distinctif n'est pas celui qu'elles soient irréfutables, car la recherche scientifique peut se tromper, sans cesser pour autant d'être une science [Bien entendu c'est l'humain qui se trompe ici ! Ndt] Peut-être pouvons-nous donc nous mettre d'accord sur le fait qu'il doit s'agir de connaissances assurées. « Assurées » ne veut pas dire irréfutables. Mais ce doit être une sécurité qui aille au-delà du niveau des connaissances quotidiennes.

Qu'est-ce que veut dire « assurées » ? Est-ce que cette assurance se présente lorsqu'un chercheur est sûr qu'il se comporte comme il pense ? C'est la certitude personnelle. Celle-là nous la connaissons tous. Tout comme l’expérience selon laquelle cette certitude n’est souvent pas loin. Nous sommes très, très sûrs, par exemple que la collègue qui a récemment eu des réserves à notre égard, or, on s'aperçoit ensuite qu'il s'avère qu'elle souffre de dépression. Certaines personnes sont également convaincues que la Terre est plate. La certitude personnelle ne peut donc pas être l'assurance ou la garantie recherchée, qui caractérise les connaissances scientifiques.

Qu'est-ce donc qu'une assurance pratique ? Une assurance que l'on gagne du fait que l'on n'est pas seulement convaincu de quelque chose, mais au contraire que l'on vit durablement avec une conviction ? De nombreux anthroposophes disent et témoignent de quelque chose comme cela sur leur vie avec l'anthroposophie. Un tel genre d'assurance pratique peut être une bonne cause, mais elle ne peut pas non plus constituer un terrain scientifique plus fiable pour autant. L'histoire de l'humanité est riche en convictions, qui se sont révélées pour beaucoup de gens, dans leurs perceptions confirmées comme fécondes dans leur pratique de vie — et qui sont pourtant des non-sens. Ainsi vécurent et vivent très bien encore de nombreuses gens avec l'acceptation que le Soleil tourne autour de la Terre, que les femmes qui ont leurs règles sont impures, que le peuple est en principe incapable de prendre des décisions politiques, que les enfants ont besoin d'être « élevés à la dure », que tous les « incroyants » pourriront en enfer et ainsi de suite. L'assurance pratique n'est qu'une autre forme de la certitude personnelle. Elle ne vaut pas comme critère pour la scientificité.

Est-ce que l'assurance recherchée peut consister dans le fait que les communications des connaissances sont intelligibles ou cohérentes ? Non, nous avons vu déjà que ceci ne suffit guère. Des histoires fictives peuvent être intelligibles et en soit structurellement cohérentes, sans renfermer une étincelle de réalité. La sécurité recherchée ne naît pas non plus de la déclaration des méthodes, aussi longtemps que le savoir là-dessus n'est pas partagé ainsi que la pratique méthodologique. Car nous ne pouvons pas juger de la méthode utilisée. En effet nous ne savons même pas s'il s'agit principalement d'une méthode idoine. D'autres devraient les vérifier, les comprendre en connaissance de cause, les vérifier et les confirmer. D'autres devraient partager la réalité avancée considérée et partager les connaissances. Ce n'est qu'ensuite qu'une sécurité naît qui dépasse la certitude personnelle. L'assurance recherchée n'est pas à rechercher rien que chez un individu isolé. Elle prend naissance entre une pluralité d'êtres humains connaissants.

Celui-ci est donc un facteur décisif : une science de compagnie est une institution sociale, une tentative hardie et coopérative, une affaire de savoir partagé, de vérification réciproque, de l'accès ensemble et d'échelles de mesures obligeantes. Croire qu'une science puisse être solitairement menée, c'est un malentendu individualiste. Non pas parce qu'étant à pratiquer rien que par un être humain tout seul, ni parce que tout seul on ne peut rien connaître, et pas seulement parce que les perspectives des autres enrichissent la recherche, mais parce que l'assurance de connaître est quelque chose qui ne prend naissance qu'entre les êtres humains[i]. Une recherche privée est donc un non-sens.

Mais peut-on mener une recherche tout seul dans le silence de sa chambrée ? Pourtant cela fonctionne. Peut-être même qu'on en retire quelque chose d'important. Mais là aussi, on se voit renvoyés aux échelles de mesures communes du vrai et du non-vrai[ii]. Pour des recherches sécurisées, il s'agit d'abord, si elles ont été alimentées au sein d'une communauté, qui peut s'accorder à son propos, s'il s'agit principalement de connaissances à acquérir[iii]. Autrement il n'y aurait aucune différence entre certitude personnelle et connaissance assurée. La langue, dans laquelle des connaissances doivent être revêtues, pour être rendues communicables, c'est déjà quelque chose de communautaire, dont les échelles de mesures d'usages correctes ne reposent pas seulement sur l'individu. Ce qui est un usage communautaire correct s'oriente en effet sur un usage commun du langage.

De nombreux critères, qui sont discutés dans la théorie scientifique, sont reliés avec ce moment social ou s'enracine en celui-ci : une réfutabilité (par d'autres) (voir Popper 1994), le discours critique, l'idéal de perfection du savoir (que personne ne peut atteindre seul[iv]), le rattachement avec d'autres domaines du savoir (voir Hoyningen-Huene 2013), le développement ultérieur des théories (par d'autres), l'intérêt porté à la clarification des circonstances en fonction des alternatives des amorces (voir Thagard 1998), la reproductibilité (par d'autres), l'échange des informations ainsi que l'existence d'une communauté de recherche (voir Mahner 2013).

 

Une science comme tentative coopérative et audacieuse

Qu'est-ce que cela signifie dans ces circonstances pour l'anthroposophie ? La réponse semble être claire : si elle est une tentative audacieuse d'un seul homme, ce n'est pas une science. Les autres critères, qui sont au moins partiellement remplis, n’y changent rien.

Est-ce que cela veut dire que ce qu'a dit Steiner n'est pas vrai ? Non. Il ne s'agissait ici principalement pas de la différence entre ce qui est vrai et ce qui ne l'est pas mais entre science et non-science. Ces deux différences ne sont pas identiques. L'ensemble de l'édition de l'œuvre de Rudolf Steiner (Gesamt Ausgabe) peut être ressentie, de la première page à la dernière, comme étant remplie de vérités, mais il ne s'agit pas de ce fait d'une science. Un connaisseur solitaire, les communications de laquelle ne pouvant pas être vérifiées là-dessus, quant à savoir s'il s'agit principalement de connaissances, n'active aucune science. Une investigation scientifique, par contre qui en vient à de faux résultats n'en devient pas non-scientifique rien que pour cela. Car d'autres pourraient en découvrir les erreurs[v].

Qui sont « ces autres » ? Qui constituent la communauté en relation avec les connaissances scientifiques ? Au sens étroit, ce sont tous ceux qui appartiennent au même cercle de ceux qui se meuvent sur le même domaine de recherches. Ils peuvent au mieux vérifier quelques affirmations, expliciter des connaissances en les comprenant, juger des méthodologies employées, découvrir les erreurs ; dans un second sens, plus largement, c'est ce qu'on appelle la Scientific Community [nettement dominée par la langue et l'impérialisme anglo-saxon, ndt], à savoir, l'ensemble de tous les chercheurs. Aussi sillonnée que soit cette communauté, aussi spécialisées que soient les sciences, elles revendiquent pourtant de connaître divers domaines du monde commun. C'est la raison pour laquelle elle peut compléter les sciences, les édifier les unes sur les autres, les corriger et inspirer mutuellement. Dans un troisième sens plus vaste, ce sont nous-tous-mêmes qui, dans le monde des expériences communes, faisons que la connaissance scientifique se mesure. Aussi éloignées, aussi abstraites, aussi exotiques qu'aient l'air d'avoir maintes connaissances, elles sont finalement orientées sur une « connaissabilité » cognitivement humaine commune. Ce par quoi, en définitive, la science est une affaire publique. Et c'est la raison pour laquelle une science doit pouvoir être justifiée devant cette opinion publique, c'est-à-dire, devant la communauté. À cette occasion, savoir quelles sagesses d'expérience sont généralement accessibles joue un rôle important.

Ce point passe volontiers inaperçu du côté anthroposophique. Ainsi des critiques de la revendication anthroposophique de science se voient parfois remontrés par le fait qu'ils dénient ainsi la scientificité à l'anthroposophie pour la seule et unique raison qu'ils ne reconnaissent aucuns faits spirituels et ne les reconnaissent pas pour cette raison comme objet d'une recherche spirituelle. Or, ceci est arbitraire, d'après eux[vi]. L'observation est juste, le reproche d'arbitraire est pourtant faux. L'exclusion hors du cercle des sciences suit tout simplement le principe d'une participation conforme à la connaissance. Plus les affirmations sont éloignées des expériences ordinaires, plus grande est la pression de justification pour rendre concevable la liaison avec la sphère des expériences communes. Un exemple : si quelqu'un explore des lichens dans les Alpes de l'Allgäu, les non-experts n'en comprennent que peu de choses. Or, la plupart des gens savent ce que sont les lichens. Chaque profane peut observer des lichens, il n'a pas besoin d'une formation pour cela. Et celui qui n'a encore jamais entendu parler des lichens, se souvient de ces tâches colorées sur les dalles du trottoir. La recherche sur les lichens peut nous être étrangère, mais elle est pourtant attachée à notre monde d'expérience. Dans d'autres thèmes de recherche, l'attachement est encore plus lâche, pourtant il existe. Mais si quelqu'un pense avoir des connaissances qui se rattachent aucunement aux assignations d'expérience, la frontière vers la non-science est alors franchie. Cela peut être regrettable, mais ce n'est là ni arbitraire, ni borné[vii].

Parce que toute science est une affaire sociale, la distinction, fréquemment faite entre anthroposophie et anthroposophes, est tout aussi interlope. Une science ne consiste pas seulement dans ce qui est écrit dans les livres, au contraire, c'est une pratique sociale. La manière dont les gens s 'y comportent fait partie de la science. C'est la raison pour laquelle on ne peut guère simplement abroger l'absence de souveraineté en de nombreux lieux dans la fréquentation avec l'anthroposophie et la critique à son égard, à l'instar d'un phénomène d'accompagnement simplement désagréable : l'adhésion dépendante à de longues citations de Steiner, la faible tolérance à l'ambiguïté, la modestie du savoir répandu, la réception unilatérale des découvertes scientifiques (notoirement et seulement lorsqu'elles conviennent), les insultes fréquentes, l'attitude défensive stupide, le schéma ami-ennemi, l'évitement des arguments, du silence gênant, ainsi que des polémiques empoisonnées (un exemple particulièrement pénible : Swassjan 2007). Certes, ce n’est pas toujours le cas, mais cela l'est encore trop souvent. Je parle ici par expérience.

Je ne veux pas dépeindre un tableau rose de la manière en usage d'accélérer la science. Là-dedans aussi il y a des fragilités, sensibilités et autres vilaines choses humaines. Mais elles y sont encloses par des mesures cognitives communément partagées. Qui se ferme à la critique est tout simplement dépassé par d'autres participants à la recherche. En effet, du fait qu'il devient reconnaissable aux autres participants à la recherche que les arguments critiques résistent à l'examen, que la façon de voir critique entre en collision avec ce qui saute aux yeux et que d'autres amorces de recherche explorent mieux le monde commun. La science dispose, pour le dire ainsi, grâce à ses mesures cognitives communes, d'une procédure de correction édifiée dynamiquement en commun [et remise à jour constamment, ndt]. Que la faculté d'auto-correction dans les contextes anthroposophiques est toujours encore insuffisante, ce n'est pas un hasard étrange, mais au contraire, le résultat d'un manque de scientificité. Il va de soi aussi que des anthroposophes peuvent être ouverts aux critiques, contester des acceptations chéries par ailleurs et les corriger, ce que beaucoup font aussi. Mais ces vertus scientifiques, ils ne les possèdent guère à cause de, mais malgré l'anthroposophie.

Le bilan intermédiaire a donc la teneur suivante : l'anthroposophie n'est pas une science. Et est-ce en cela que doit reposer la nouvelle intelligibilité annoncée par le titre de cet essai ? Non, ce n'en est qu'une moitié de l'affaire. Car la constatation que l'anthroposophie n'est pas une science reposait sur une condition :  le fait qu'elle ne soit pas une aventure cognitive audacieuse commune. Or, cette condition n'est plus entre temps aussi nettement fournie. Entre temps, il y a une série d'anthroposophes qui communiquent leurs propres expériences suprasensibles. Je ne veux pas dire ici les générations de journalistes interprètes de Steiner ni non plus la pratiques des lectures de « branches anthroposophiques vespérales ». Il s'agit plutôt de personnes qui sont certes inspirées de manière déterminante par Steiner, mais qui ont développé des facultés de perception propres dans le domaine du supra-sensible. Ainsi en est-il pour le moins de leurs propres dires et je ne vois pas de raisons fondamentales pour en douter. De telles capacités cognitives ont pu déjà être données et rester dissimulées, mais cependant ce n'est pas déterminant ni décisif que de tels efforts cognitifs soient publiquement partagés et publiés aujourd'hui.[3] Une partie de cette évolution c'est une pratique d'école méditative en commun qui se répand depuis un certain temps.

Ainsi quelque chose est en train de naître qui se rapproche d'une communauté de recherche spirituelle. Une connaissance suprasensible n'est plus l'œuvre d'un individu inatteignable, mais quelque chose auquel peuvent se rattacher un certain nombre apparemment croissant de personnes. Il en résulte une communauté de certitude ou d'assurance qui constitue une connaissance scientifique partagée.

Tout cela n'est qu'une petite plante délicate et fragile. Cela vaut en particulier pour leur nombre tout comme pour l'ampleur et la profondeur de leurs connaissances, lorsqu'on les compare à l'œuvre de Steiner. Et l'étrangeté demeure bien entendu par rapport à une telle sorte de connaissance pour une grande part de la société. C'est pourquoi cette certitude cognitive partagée est encore limitée.

 

Une science en devenir

Néanmoins : le verdict, que l'anthroposophie ne serait principalement pas une science est caduc avec cela. Est-elle pourtant une science ? Je crois que la réponse correcte ne relève ni du oui ni du non. Je propose de comprendre l'anthroposophie comme une science en devenir. D'autres sciences ne sont pas non plus soudainement tombées du ciel, mais sont nées peu à peu en passant par des degrés pré- et à demi-scientifiques et au-delà. La particularité dans l'anthroposophie, c'est qu'avec l'œuvre de Steiner, se présente une puissante prestation anticipée d'un homme, laquelle ne peut être seulement une stimulation mais aussi une charge. Mais sans que cela parle en sa défaveur étant donné que cet œuvre est aussi la cellule germinale d'une science authentique.

La nouvelle compréhension de cela, c'est qu'une science de l'esprit anthroposophique est seulement en train de naître. Des esprits sceptiques peuvent éventuellement ajouter : « peut-être », en étant remplis d'espoir « vraisemblablement ». Mais ce qui est décisif, c'est que faisions nos adieux au penser statique qui domine la controverse depuis une centaine d'années. Il n’est pas vrai que l’anthroposophie ne soit pas une science ni qu’elle en soit une. Au mieux, elle est en route pour le devenir. Cette compréhension nouvelle est une demande impudente pour les deux côtés. Les deux doivent abandonner leurs positions qu'ils ont bétonnées et les briser en s'ouvrant au discernement que la science de l'esprit n'est pas plus une chimère qu'une donnée acquise.

Devenir au lieu d'être un état. Cette dynamisation de la revendication scientifique devrait être naturelle à proprement parler pour les âmes anthroposophiques. L'anthroposophie est-elle pas pourtant de fond en comble imprégnée d'une idée évolutive ? Tout évolue, le monde, l'être humain, les composantes spirituelles essentielles, les êtres élémentaires, les Archanges. Seulement le projet de revendication d'une science du suprasensible doit-il cependant être réalisé complètement d'un coup ? C'est peu plausible !

Un effet secondaire favorable de la proposition nouvelle devrait être que la communication avec la société et les (autres) sciences s'avérât plus aisée. Dire que nous espérons et travaillons sur une science de l’esprit est plus susceptible d’être compris que l’affirmation erronée selon laquelle nous disposions déjà d’une telle science.

Que l'anthroposophie devienne une science, cela n'exige pas seulement que les capacités du connaître fussent approfondies. Non seulement que le plus grand nombre possible d'êtres humains la développent. Ce qui est décisif, c'est qu'ait lieu un échange systématique. Car c'est d'abord cela qui conduit les discernements des individus dans l'espace communautaire des connaissances assurées. La collaboration entre les clairvoyants n'est donc pas une joliveté, une garniture sociale, mais plutôt une partie essentielle d’une anthroposophie en tant que science.

Malheureusement, Steiner a mis quelques obstacles à une telle culture de l’échange. Non seulement il ne lui accordait aucune fonction dans sa compréhension individualiste de la science. Il a également discrédité un tel échange[viii]. Il exprime à plusieurs reprises son mépris pour la « pensée discursive », en reprenant la notion de « querelle », pour caractériser l’échange d’arguments. Le théosophe « (...) raconte des faits du monde supérieur et on ne discute pas sur les faits ». (Steiner 1989 [GA 96], p.85). Ce mépris du discours et de l'argumentation continue de vivre dans le mouvement anthroposophique d'aujourd'hui[ix]. Des arguments ne sont pourtant rien d'autres que des raisons, des choses à considérer ou à faire de telle ou telle manière. Des perceptions et des expériences peuvent s'avérer des arguments et peuvent faire partie du discours dans l'échange. Si l'on ne peut guère s'attendre à l'éveil des connaissances supérieures dans un discours, celles-ci doivent pourtant traverser la formation du discours, [subir une élaboration au travers du discours, ndt]. Non pas pour « lister » des connaissances mais pour pouvoir les faire mûrir en connaissances scientifiques de cause.

Sur la voie d'une science, l'anthroposophie a quelque chose d'autre à offrir, par laquelle on doit, avec Steiner, aller au-delà de Steiner. Par sa compréhension de la science, nous pouvons déjà exercer cela à présent.

Sozialimpulse 3/2024.

(Traduction Daniel Kmiecik)

 

Littérature

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Dietz, Karl-Martin (1981) : Anthroposophie und Wissenschaft - [Anthroposophie & Science] dans : Kurt E. Becker, Hans-Peter Schreiner (éditeurs) : Anthroposophie heute [Aujourd'hui] Kinder Taschen Buch, pp.36-55.

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Hansson, Sven Ove (1991) : Is Anthroposophy Science ? [L'anthroposophie est-elle une science ?] dans Conceptus. Zeitschrift für Philosophie 25, 64, De Gruyter pp.37-49. [Une traduction française de cet article est disponible chez « Atelier de traduction tripartition sociale de François Germani, ndt »

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Hoyningen-Huene, Paul (2013) : Systematicy. The Nature of Science Oxford University Press.

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Mahner , Martin (2013) : Science and pseudoscience. How to demarcate after the (alleged) demise of the demarcation problem [Science et pseudoscience. Comment établir une démarcation après la disparition (présumée) du problème de la démarcation], dans : Massimo Pigliucci, Maarten Boudty (éditeur) : Philosophy of Pseudoscience. Reconsidering the Demarcation Problem [Philosophie de la pseudoscience. Reconsidérer le problème de la démarcation], University of Chicago Press, pp.2944.

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Swassjan, Karen (2007) : Aufgearbeitete Anthroposophie. Bilanz einer Geistesfahrt [Une anthroposophie remise à neuf. Bilan d'un parcours de l'esprit], Verlag am Goetheanum.

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Zander, Helmut (2007) : Antroposophie in Deutschland. Theosophische Weltanschauung und gesellschaftliche Praxis [Anthroposophie en Allemagne. Conception théosophique du monde et pratique sociale]

                                                                                                                            

 

Notes

[1] De même, une compréhension des diverses sortes de connaissances dans diverses sciences n'est pas une clarification pour savoir ce qui constitue une science, voir Steiner 1988, [GA 2].

[2] Cela vaut même pour la « théorie cognitive » d'orientation anthroposophique élaborée par Helmut Kiene, voir Helmut Kiene 1984.

[3] Un exemple seulement, pour un groupe qui frappe particulièrement par ses efforts en ce qui concerne sa manière de procéder scientifiquement:, voir : www.bildekraefte.de

 

Notes de la rédaction (Stéphane Lejoly)

[i] « (…) l'assurance de connaître est quelque chose qui ne prend naissance qu'entre les êtres humains (…) ». Cette affirmation est en effet un critère « ultra-classique », habituel et essentiel qui est avancé en science pour pouvoir qualifier un ensemble de connaissances comme appartenant à un corpus scientifique. Pourtant, ce n’est pas parce qu’une communauté, fusse-t-elle particulièrement rigoureuse dans sa démarche de recherche disons « à tout niveau » et active dans des échanges tout aussi rigoureux entre ses membres, qu’une assurance de connaître est de fait atteinte. Cette assurance peut certes souvent apparaître, mais n’est pas garantie. Il est vrai que l’auteur n’affirme pas que cette assurance apparaît nécessairement lorsque plusieurs êtres humains collaborent dans leur démarche de recherche. Il semble affirmer par contre qu’elle ne peut exister qu’à la condition que plusieurs êtres humains collaborent dans l’esprit communautaire qu’il mentionne dans son article.

Or, une totale et parfaite assurance de connaître ne peut-elle pas aussi prendre naissance chez un être humain isolé, laquelle n’est pas à confondre avec une simple conviction personnelle ? L’affirmation de l’auteur semble dès lors plutôt péremptoire. Si on la prend au pied de la lettre, elle signifierait qu’aucun être humain ne serait en capacité d’atteindre un quelconque connaître réellement « assuré » s’il est isolé. Or, pour pouvoir nous assurer de tout contenu de connaissance, quel qu’il soit (y compris celui qui fait partie du corpus scientifique partagé entre spécialistes de domaines de recherche particuliers et qui est appelé « science » dans le présent article), pouvons-nous faire autrement, que d’en penser très activement le contenu, et donc déployer une activité la plus individuelle qui soit, c’est-à-dire celle d’un être humain qui doit forcément être en quelques sortes totalement isolé au moment où il pense un tel contenu ? Bref, toute véritable assurance de connaître qui prend naissance du fait d’un partage entre les êtres humains, ne s’appuie-t-elle pas nécessairement sur l’assurance de connaître qui ne peut trouver son ultime source que dans l’acte de connaître individuel ? Il faudrait peut-être clarifier ce que l’auteur entend par « assurance de connaître » dans son article. Peut-être entend-il une « assurance partagée ou commune de connaître », auquel cas ses propos sont cohérents, mais parfaitement tautologiques.

Pour ma part, notamment à la suite de mes études en psychologie sociale, je conçois comme nullement fondé d’affirmer que « l'assurance de connaître est quelque chose qui ne prend naissance qu'entre les êtres humains ». J’ai observé tellement de situations problématiques dans des groupes, y compris entre chercheurs à l’université, que je pourrais tout aussi bien affirmer du point de vue de mon expérience personnelle, que « l’assurance de ne pas connaître {l’assurance que l’on est sur une fausse voie}, est quelque chose qui prend aussi souvent naissance entre les êtres humains qu’en étant seul, livré à soi-même, et qu’une partie du développement individuel sur le chemin de connaissance consiste à acquérir pleinement l’assurance de connaître dans la plus grande solitude ».

Toute la façon de penser de l’auteur du présent article, semble mener à penser que l’essence de la science relève bien davantage dans le fond d'un consensus, d’une convention sociale, certes toujours en évolution, et que toute recherche menée en dehors de ce contexte « social », tel que convenu, ne peut avoir de caractère scientifique. Si telle était sa pensée, elle serait particulièrement absurde, dès lors qu’il s’agit par exemple de recherches menées par des personnalités dont le bien-fondé ne sera reconnu par les scientifiques que plusieurs décennies ou siècles plus tard : dans un premier temps, il ne s’agirait pas de science… et ce n’est que dans un second temps que l’on pourrait les qualifier de scientifiques. Un tel raisonnement, s’il était avéré chez l’auteur, ne tiendrait pas debout à notre sens.
Nous reconnaissons toutefois que si la recherche de certaines personnalités n’est reconnue que plusieurs décennies plus tard, c’est qu’elles ont laissé des traces, et donc qu’elles avaient la volonté de rendre public le fruit de leur recherche et donc qu’elles avaient la volonté de partager avec une communauté d’êtres humains, fusse-t-elle une communauté à venir. Du fait de cette volonté de partage avec une communauté, on pourrait dès lors considérer que cette recherche, quoique menée de manière tout à fait isolée dans un premier temps, pourrait rencontrer le critère de scientificité mis en exergue par l’auteur de l’article (même après le décès de ces personnalités), lequel implique de développer l’assurance de connaître entre êtres humains. Ne serait-ce précisément pas le cas des recherches menées par Rudolf Steiner, lesquelles ont été menées certes de manière isolées dans un premier temps, mais aussi rendue publiques notamment pour faire l’objet d’une élaboration par d’autres êtres humains à l’avenir ?

[ii] J’ignorais jusqu’à ce jour qu’il exista des « échelles communes de mesure du vrai et du non-vrai » ! Je n’en ai jamais entendu parler pendant les 7 ans que j’ai passé dans le domaine de la recherche universitaire…

[iii] Apparemment, il y a un ou l’autre mot manquant dans cette phrase, qu’il n’est dès lors pas possible d’interpréter correctement.

[iv] « l'idéal de perfection du savoir (que personne ne peut atteindre seul) » : que signifie l’idéal de perfection du savoir ? À quoi l’auteur fait-il référence ? Ne peut-on pas aussi dire l’inverse, à savoir : toute personne, tout être humain doué du penser, peut atteindre (à certains moments) la perfection du savoir en rapport avec une question donnée précise ? Pourquoi l’auteur affirme-t-il qu’aucun être humain ne pourrait jamais atteindre à une telle perfection, et laisse-t-il entendre que seule une communauté pourrait l’atteindre ? N’avons-nous pas à faire ici à un propos arbitraire de sa part ?

[v] On s’approche à nouveau ici du concept de « réfutabilité » de Popper. Remarquons à ce sujet, que le contenu de la « Philosophie de la Liberté » de Rudolf Steiner, est entièrement « réfutable » dans le sens de Popper et entre dès lors dans ses critères de scientificité.

[vi] Il n’est pas très clair ici à qui renvoie le « d’après eux ». Nous présumons qu’il s’agit de « d’après les anthroposophes ».

[vii] Un des problèmes de fond auxquelles renvoient ces considérations est le suivant : l’expérience de diverses catégories de faits supra-sensibles, tels que décrits par Rudolf Steiner, ne sont aujourd’hui accessible qu’à lui seul (du moins, selon ce que semblait affirmer, dans un premier temps, l’auteur). Comme ces faits ne font pas partie de l’expérience commune des êtres humains, la « pression à la justification » devient alors maximale, comme il le mentionne à juste titre. Et cela mène dès lors le commun des êtres humains, à considérer tout naturellement que de tels contenus de connaissance ne peuvent dès lors relever de la science, entendue aussi comme un processus, une activité qui a nécessairement aussi une dimension sociale.
Qu’en serait-il toutefois, si au-delà de Rudolf Steiner, il existait d’autres êtres humains, même en très petit nombre, qui pourraient faire l’expérience de certains faits et phénomènes supra-sensibles, tout comme Rudolf Steiner ? (je ne parle pas ici de l’expérience du penser lui-même, qui est déjà une activité suprasensible en soi, et qui peut être faite par un très grand nombre d’êtres humains, mais bien d’autres types de phénomènes supra-sensibles ; par exemple ce qui se présente à l’observation suprasensible au moment de la mort, ou encore… sur l’ancien Saturne, etc.). Imaginons que des êtres humains existent, même extrêmement peu nombreux, dont les expériences du suprasensible sont actuellement certes encore fort limitées par rapport à celles rapportées par Rudolf Steiner… mais néanmoins réelles de leur point de vue. Ne faudrait-il pas considérer que dans le champ de ces expériences réelles (mais encore limitées), ces êtres humains soient parfaitement en capacité, entre eux, le cas échéant, par exemple de réfuter, de valider ou de parfaire les résultats d’investigation de Rudolf Steiner ? Dans de tels cas, non pas à l’échelle de l’humanité entière, laquelle n’est pas déjà en mesure de faire ces expériences suprasensibles, mais à l’échelle de ces quelques êtres humains, ne peut-on pas considérer qu’ils commenceraient à former une forme très spécialisée de « Scientific community » ? Bref, l’affirmation selon laquelle l’anthroposophie est non scientifique, car elle ne peut pas faire l’objet disons d’un processus « communautaire » dans le sens entendu par l’auteur, est fondée sur le présupposé que les connaissances partagées par Rudolf Steiner sont issues d’investigation qu’il serait le seul à pouvoir mener ou d’expérience qu’il serait seul à pouvoir faire.
Or, il n’en n’est rien pour le webmaster du site web soi-esprit.info, lequel a côtoyé à de nombreuses reprises et de manière parfois prolongées, plusieurs personnalités « ayant franchi le seuil » (c’est-à-dire qui perçoivent dans les mondes suprasensibles (parfois même de manière assez étendue)), et qui parfois sans même connaître tel ou tel aspect de la littérature anthroposophique, faisaient des descriptions de réalités suprasensibles qui entraient en concordance avec celles de Rudolf Steiner. Certes, tout cela est encore très balbutiant actuellement et ne prend pas nécessairement déjà la forme d’un partage structuré et régulier de résultats d’investigations entre ces différentes personnes. Nous relevons toutefois ces faits simplement pour souligner que la possibilité existe déjà dès aujourd’hui, dans des cas très particuliers et encore rares, de former en quelques sortes « Scientific community » en rapport avec des investigations dans la sphère suprasensible. Du point de vue du commun des mortels, cela est tout naturellement un non-sens. Du point de vue de ces personnalités, cela fait au contraire pleinement sens ! Bien sûr, nous ne souhaitons être cru sur parole par personne. Quand bien même des milliards d’êtres humains considéreraient que tout cela est faux, voire de l’invention de notre part, cela ne change rien pour le webmaster de ce site web. Il tire son assurance de toutes autres sources que ce qui est communément admis.
REMARQUE : nous avons rédigé cette note AVANT de prendre connaissance de la suite de l’article… dans laquelle l’auteur rejoint dans un certain sens le point de vue exposé ici !

[viii] Comme souvent avec Rudolf Steiner, rien n’est simple, et encore moins simpliste. Il aborde toujours diverses réalités à partir d’une multitude de points de vue.

Ainsi serait-il opportun de compléter les propos de l’auteur qui affirme que Steiner n’accorderait aucune fonction à la culture de l’échange dans sa compréhension individualiste de la science et qu’il discréditerait même un tel échange, par exemple, par ce que Steiner écrit le 6 avril 1924 dans une de ses lettres aux membres de la Société anthroposophique (dans : « Le Congrès de Noël – Lettres aux membres » - Éditions Anthroposophiques Romandes – 1985 – GA037 et 260a) :

« Il importe de dire d'autre part que la vie de la Société subirait un grave dommage si un nombre aussi grand que possible de membres actifs n'exposait pas à l'intérieur de la Société ce qu'ils ont à dire de leur propre fonds. (…). On devrait se dire que l'anthroposophie ne pourra devenir ce qu'elle doit être que si un nombre croissant de personnes participent à son développement. Et l'on devrait se réjouir et non adopter une attitude de refus lorsque des membres actifs portent dans les réunions de branche {il s’agit de groupes réunissant des anthroposophes} les fruits de leur travail personnel à la connaissance des autres membres.

Maintenant, lorsque l'on dit, et c'est fréquent : « Ce que plus d'un expose ainsi ce n'est pas de l'anthroposophie », c'est là un propos qui, dans certains cas, est sûrement justifié. Mais où irions-nous si nous péchions contre cette vérité que dans la société anthroposophique, devrait vivre tout ce qui fait partie du patrimoine spirituel de l’humanité ? Telle conférence aura pour objet de fournir la base d'un exposé anthroposophique ultérieur, telle autre d'exposer une question qu’il y aura lieu d'éclairer ensuite à la lumière de l'anthroposophie. Pourvu que le caractère anthroposophique fondamental soit sauvegardé dans l'activité de la société, on ne devrait pas limiter dans un esprit mesquin la contribution des membres actifs.

(…)

C'est par la diversité, non par l'uniformité de notre action que nous atteindrons les buts poursuivis par la Société anthroposophique. Nous avons dans la Société tant de membres qui ont à donner quelque chose de leur propre fonds que nous pouvons nous en réjouir profondément. Nous devrions ici nous habituer à apprécier l'apport de ces membres. Il n'y aura de vie véritable dans la Société qui, si le travail fait en son sein est estimé à son juste prix. L'attitude de refus qui procède de l'étroitesse de cœur devrait être, de toutes les imperfections de la Société, la plus rare. Il faudrait au contraire chercher avec enthousiasme à connaître le plus possible des contributions que tel ou tel membre de la communauté des anthroposophes peut apporter ».

Nous laissons maintenant le soin aux lecteurs de juger par eux-mêmes si en effet Rudolf Steiner n’accorde aucune fonction à la culture de l’échange dans sa compréhension individualiste de la science et s’il discrédite même un tel échange. En est-il bien ainsi ? Se pourrait-il que l’auteur de cet article, Roland Kipke, ait sur ce point un regard, disons, assez unilatéral ?

[ix] Oui, trois fois hélas, il existe un certain mépris pour le discours et l’argumentation dans (une partie) du mouvement anthroposophique. Selon mon expérience, ce mépris va toutefois progressivement en diminuant, ne serait-ce que parce que les générations chez qui vivait le plus ce type d’attitude sont disparues ou « en voie de disparaître » (du fait de l’âge ou de décès).
Dans le passage cité par l’auteur, à savoir « Le théosophe « (...) raconte des faits du monde supérieur et on ne discute pas sur les faits », il me semble que ce qui est entendu dans le contexte spécifique de ce passage (il faudrait que je lise toute la conférence pour m’en assurer, ce que je n’ai pas fait…), est que nous avons à faire ici essentiellement à une science descriptive, pour laquelle il n’y a pas d’induction ou de déduction à faire, ni d’hypothèse à formuler, mais une « simple » description de faits.
L’argumentation n’a guère de sens lorsqu’on s’en tient à des descriptions de faits (par exemple : « chaque année à l’automne, on observe la migration des oies cendrées en plusieurs vagues »…). Il y a-t-il lieu de beaucoup discuter sur un tel fait ? Il en irait tout autrement s’il était question de discuter sur des hypothèses explicatives relatives à la migration des oies cendrées. On entrerait alors en effet dans la sphère dans laquelle s’échangent des arguments en faveur ou en défaveur de telle ou telle hypothèse.

 

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