Bernd Brackmann
Publié dans Die Drei 1/2024
Traduction : Daniel Kmiecik
Source : Les traductions de Daniel Kmiecik − www.triarticulation.fr/AtelierTrad
Les repères d'une aberration
Ce que nous sommes en train de vivre aux événements de guerre, est encore à peine concevable. Après toute notre connaissance sur l’horreur du colonialisme, des deux Guerres mondiales, de la guerre de Corée et celle du Vietnam, de la Yougoslavie et celle de la Tchétchénie, de la « guerre contre la terreur » etc., des horreurs se produisent à nouveau, qui ne sont pas inférieures aux précédentes. Mais si l’on n’engage pas encore les armes de destructions massives, comme on les désigne, ce sont cependant des masses humaines qui meurent pourtant par la violence militaire. Par son soutien apporté à la République du Donbass, la Russie a encore plus enfoncé l’Ukraine dans la misère, tandis que pour l’Ukraine elle-même ─ à l’instar d’Israël ─ ce concept d’autodéfense est conduit ab absurdum. L’Ukraine se défend à mort, pour l’exprimer ainsi,[1] une « défense sociale » du pays, (comme une résistance passive contre l’occupant) eût amené des états supportables ; et même si Israël, à Gaza, provoque des destructions dans une mesure irreprésentable, elle n’éteindra pas la haine de ses ennemis et donc ne mettra jamais fin à son état de menace constant. Les deux guerres sont la conséquence d'opportunités non saisies ou d'un manque de volonté de rechercher des solutions raisonnables au préalable ou d'accepter des propositions raisonnables existantes. Mais aussi la conquête de l’enclave arménienne du Haut-Karabakh par l’Azerbaïdjan et l’expulsion d’environ 100 000 Arméniens de leur patrie[2], l’occupation turque de la région du Kurdistan, au Nord de la Syrie et la destruction de l’approvisionnement en énergie et en eau, ainsi que le déplacement de populations[3] et toutes les autres guerres, dans diverses parties du monde, témoignent largement d’une utilisation sans entrave de la force pour des buts les plus contestables. Et dans tous ces conflits, on se résigne à la détresse et à la misère d’innombrables morts de militaires et de civils. Les responsables manquent de compassion pour les personnes torturées.
En outre une moralité double devient souvent visible : le président turc condamne la menée de guerre israélienne, mais la Turquie occupe de son côté les régions kurdes au Nord de la Syrie et mène depuis des années un guerre de drones contre la Syrie kurde. L’Azerbaïdjan fut aussi soutenu dans son avancée contre les Arméniens au Haut-Karabakh par la Turquie ; mais les Arméniens ont été abandonnés par la Russie, l'Union européenne et les États-Unis, et la République fédérale d'Allemagne s'est même abstenue d'intervenir pour que l'Azerbaïdjan demeure un « partenaire fiable » pour les livraisons de pétrole et de gaz.[4] Dans notre pays[i], nous avons dû nous habituer à une propagande absurde. Les bus des transports publics portent l'inscription « Ensemble pour la paix », tandis que des armes sont livrées en masse à l'Ukraine ; L'élévation de la sécurité d'Israël au rang de la « raison d'État » allemande conduit certes à une juste indignation face à l’antisémitisme croissant, mais elle repousse les questions sur les causes de cette immigration irrégulière, dont la problématique apparaît désormais au grand jour. Car les causes sont aussi à chercher dans les guerres en Syrie, en Afghanistan, en Libye et en Ukraine, en grande partie soutenues par l'Allemagne.
Il est tout aussi absurde de condamner l'antisémitisme et d'exiger la construction de mosquées et de centres islamiques, mais la persécution des chrétiens dans le monde entier et le christianisme lui-même sont mis en avant par rapport à la tendance empathique envers le judaïsme et l'islam[ii]. Ne faut-il pas se souvenir de la promesse : « Heureux les artisans de paix » (Mt 5,9) et la considérer comme une invitation pressante ?
L'âme de conscience ? Non merci !
Osons un regard plus large : L'humanité ─ du moins une grande partie d'entre elle ─ ne devrait-elle pas avoir atteint le niveau de développement de l'âme consciente qui lui permît d'avoir une vue d'ensemble et d'agir de manière rationnelle, même dans des situations problématiques ? Au lieu de cela, nous constatons malheureusement que c'est l'irrationalisme démesuré qui domine les événements politiques. La pensée, le sentiment et l'action de la plupart des détenteurs du pouvoir semblent être si obscurcis par l'auto-justification, la sous-performance intellectuelle et la mégalomanie, qu'ils ne peuvent pas reconnaître la situation réelle et attendent de manière irréaliste des conséquences positives de leurs propres actions. Nous vivons non seulement à une époque d’individualisation croissante et d’expansion rationnelle et spirituelle de la conscience, mais aussi à une époque de construction monstrueuse d’images hostiles et d’activismes destructeurs qui nient une fois de plus l’humanité des opposants, comme la persécution des sorcières ou l’extermination des indigènes d'Amérique du Nord. Nous assistons à une rechute d’anciens modèles de comportement et à de grossières dégénérescences de l’humanité. Quand le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, se vante que « le feu de l’enfer » pleut sur la bande de Gaza, on ne peut le contredire.[5]
De quoi s’agit-il en principe ? Ce qui pourrait être spirituellement atteint, sur le plan de l’humanité et devrait mener à un arrangement en cas de conflits, s’inverse au contraire en une incapacité ─ ou bien en un refus ─ (in)conscient(e) de meilleures possibilités. La guerre comme le maximum de destruction ─ et même la « guerre » contre un virus ─ c’est l’illusion démonique, de créer un prétendu mal, un facteur perturbateur dans le monde et de pouvoir ainsi remporter une supériorité quelconque à son encontre, comme aussi à l’encontre des impulsions humanitaires et spirituelles rejetées du présent ─ comme si l’on dût envoyer promener, au front de l’humanité, de meilleures possibilités, en recourant à la brutalité du passé, au prix de souffrances inconcevables.
En outre les guerres font monstrueusement gagner de l’argent[6], Israël pourrait aussi gagner de gigantesques sommes d’argent en prenant possession des champs gazéifères sous la mer Méditerranée, au large des côtes de Gaza. Par ailleurs, des desseins géopolitiques jouent un rôle important ; auxquels une chose fait défaut : « notoirement la réflexion sur les fondements de la civilisation humaine. Car la géopolitique décrit la logique intérieure inhérente aux contextes de pouvoir. Une grande hypothèse de la géopolitique […], c’est que l’extension du pouvoir est souhaitable. […] Ce qui, sous le point de vue de la civilité, serait quelque peu plus positif, serait, pour le préciser, une relation entre les États et les cultures la plus possible dépourvue de pouvoir, or cela représente quelque chose de négatif pour la géopolitique. »[7] Nous nous trouvons aujourd’hui devant la situation suivante : « Le vainqueur auto-proclamé de la Guerre froide ─ avant tout les États Unis d’Amérique ─ n’ont pas réussi à créer une équilibre international durable qui remplace l’ordre bipolaire de l’après-guerre. »[8] Laissons ouverte la question de savoir si cela ne fût jamais voulu ─ mais avec l’extension de ses propres domaines d’influence, toutes les valeurs et règles de comportements, soi-disant profondément ancrées, sont laissées hors de considération.
Cela ne vaut naturellement pas seulement pour les USA, mais cela devrait à proprement parler valoir, en effet, pour toutes les nations. Nonobstant quelque temps déjà après la seconde Guerre mondiale, une « dé-civilisation du pouvoir »[9], déjà connue, s’est poursuivie et même renforcée [voir la politique de Staline, p.ex., ndt]. Ainsi les droits de l’homme, le droit des peuples et les conventions de Genève, ne jouent-ils plus aucun rôle dans les conflits actuels,[10] et la contre-image, autrefois positive des démocraties occidentales pour les formes despotiques de gouvernement [on dit aussi « démocratures », ndt] se lézarde à l’extrême. La déclaration de Rudolf Steiner que l’humanité, à l’époque de l’âme de conscience, aura à se confronter au mal de manière particulière, se voit confirmée un peu partout autour de nous.
Cela conduit à la question de savoir si l’humanité s’est principalement développée de manière positive. Toujours est-il qu’il y a une recherche de la paix et des initiatives de paix transnationales et nous connaissons aujourd’hui de nombreux moyens de résoudre toutes sortes de problèmes. Ils reposent sur un patient travail sur les causes conflictuelles et l’art de se mettre à la place des vis-à-vis, en se transposant dans la position de l’un et de l’autre ; ils ont souvent été testés et ont prouvé leur efficacité. Pourtant des négociations de paix ne sont jamais automatiquement couronnées de succès durables. C’est pourquoi il reste la stratégie d’empêcher des meurtres qui n’ont aucun sens, celle de la détection précoce et la prévention des conflits naissants. Ceux qui, aujourd'hui, ne misent que sur la militarisation, la vengeance et l'anéantissement, sans volonté de négocier, foulent aux pieds les possibilités élaborées qui sont inhérentes à l'âme de la conscience.
Saut quantique dans l’obscurité
Et comment l’Allemagne se trouve-t-elle dans et par rapport à ces conflits actuels ? Après avoir récemment voulu nous débarrasser de la soi-disant peur du « pic » des vaccins Corona, on veut maintenant rendre la Bundeswehr et, avec elle, les citoyens allemands, « aptes à la guerre ». De nouvelles directives de défense sont rédigées, le Chancelier fédéral a annoncé une augmentation permanente et drastique du budget de l'armement et une journée des anciens combattants doit même être instaurée ─ quel changement ! [11] Mais regardons bien les réalités : lorsqu’un pays dispose d’une armée (de défense), si l'on veut que l'armée soit efficace, il faut qu'elle soit bien équipée et prête à intervenir.
L'armée allemande ne l'est pas. Certes, nous enregistrons pour le budget de la défense une augmentation de 38,2 milliards à 55,8 milliards de dollars US, entre 2015 et 2022,[12] pourtant le résultat est misérable.[13] Le manque d'argent ne pouvant en être la cause, on peut douter que l'augmentation des dépenses y remédie et que le onzième ministre de la Défense depuis 1990, soit en mesure d'y apporter un changement.[14] Une économie de plus en plus faible ne peut pas justifier une capacité de défense plus forte ; une économie axée sur la guerre serait plutôt le contraire d'une politique de sécurité raisonnable et mettrait en danger la protection du climat de manière disproportionnée.[15] Il semble en outre absurde que la Bundeswehr doive remettre gratuitement à Israël, comme elle l'a déjà fait auparavant à l'Ukraine, des armes provenant de ses propres stocks, même « si cela entraîne une perturbation temporaire de la disponibilité opérationnelle et de l'exécution des tâches de la Bundeswehr ».[16] Si la capacité de défense peut être reléguée au second plan, quelle est l'intention réelle ?
Jetons un coup d'œil en arrière. Le terme « apte à la guerre » n'est pas une erreur verbale, il apparaît même dans le titre des nouvelles lignes directrices du ministère de la Défense[17] et confirme une direction prise depuis déjà longtemps. Depuis le début des années 90, l'ancienne priorité de la défense nationale s'est déplacée vers la participation aux interventions militaires. Ce chemin a mené des premières missions à l'étranger au Cambodge et en Somalie à la participation à la guerre ─ contraire au droit international, au Kosovo, celle-là ─ et aux vols de reconnaissance en Syrie, jusqu'à la fuite peu glorieuse d'Afghanistan en août 2021. « On a toujours argué de la responsabilité internationale croissante ─ parfois plus, parfois moins ouvertement ─ dans un sens militaire. »[18] Dans les médias aussi « la tendance existe de se construire un ennemi objectif, qui fut le virus auparavant, et aujourd’hui, Poutine ou le Hamas, et de combattre cet ennemi en lui imposant une logique de guerre qui exclut toute sorte d’investigation. Chacun qui émet un doute ou bien réclame une recherche plus précise sur les tenants et aboutissants, se voit tout de suite taxé de complice de l’ennemi. »[19]
Un papier stratégique de la Deutsche Gesellschaft für Auswärtige Politik [Société allemande pour la politique étrangère] requiert à présent une dure conséquence : « L’Allemagne doit oser un saut quantique dans l’obscurité : le gouvernement fédéral doit personnellement renforcer de toute urgence l’armée fédérale, élargir le réarmement et améliorer la résilience. Une condition préalable à cela, c’est le changement de mentalité dans la société. »[20] (passage en italique souligné par mes soins.. B.B.) Il est clair ici qu'il est important d'inculquer à la population une nouvelle attitude de confrontation ─ éventuellement aussi avec l'intention d'abuser de la capacité de défense si nécessaire en raison de la situation déplorable dans son propre pays ─ et ce comme prétexte pour une rééducation psychique et spirituelle de la société.
Cette tendance et un réarmement militaire effectif de la RFA cadre précisément avec le concept de politique extérieure de l’UE, car celle-ci « souhaiterait devenir une player [joueuse, ndt] géo-politique, […] Dans son discours d’entrée en fonction de présidente de l’UE, Ursula von der Leyen promit, en 2019, une commission d’action « géopolitique » et le représentant, désigné pour les affaires étrangères, Joseph Borrell, a déclaré que l'UE devait « apprendre à parler le langage du pouvoir. ». Après l'invasion de l'Ukraine par la Russie, Borell en a rajouté une couche. [...] « Le rejet de la politique de puissance qui a donné naissance à l'UE doit prendre fin. Nous devons réfléchir à des instruments de coercition, de représailles et de contre-attaque. « Le ministre des Affaires étrangères de l'Europe » a ouvertement déclaré que l'UE devait se battre contre « l'impérialisme russe ».[21] À cette occasion l’Allemagne doit même prendre un « rôle dirigeant [...] dans le monde »[22] en dépit de son passé grevé. Est-ce que l'on pourra faire comprendre cela aux citoyens ?
C’est manifestement ce que l’on recherche. Ainsi la culture mémorielle allemande est-elle presque exclusivement focalisée sur l’Holocauste et de ce fait toute la responsabilité allemande, après 1945, est conduite sur l’état d’Israël et les Juifs. La seconde guerre mondiale, par contre, avec ses 60 millions de mort, dont 27 millions de citoyens soviétiques devient accessoire et donc une nouvelle conviction en faveur de la guerre semble devenir ainsi acceptable.
Nonobstant cela, regardons de nouveau la réalité : une guerre émanant de la Russie contre l’Europe centrale, et en particulier contre l’Allemagne, est plus qu’invraisemblable. La guerre en Ukraine est déjà trop longue aussi pour la Russie et pourquoi celle-ci devrait-elle attaquer un pays dont les forces vitales peuvent lui être utile ? Si cela arrive nonobstant, une défense extensive de l’Allemagne mènerait probablement à sa destruction totale. L’empêcher par une politique de détente serait en tout cas la meilleure voie à emprunter. Par-dessus le marché, il n'est pas certain qu'une défense soit possible. La Bundeswehr souffre d'un manque de personnel, ce qui est peut-être le signe qu'il y a de moins en moins de véritables idéaux pour lesquels les soldats sont prêts à donner leur vie.
Non pas la grandeur allemande
Et même si une grande partie de la population devait rester passive et ignorante des souffrances de la guerre actuelle et de la tendance risquée de l'Allemagne à la militarisation, ce sont tout de même près de 900.000 personnes allemande qui ont signé l'appel à des négociations de paix entre l'Ukraine et la Russie ; en 2023, des manifestations pour la paix ont à nouveau été organisées et diverses pétitions pour la paix et campagnes de signatures ont été lancées, etc. Elles peuvent être considérées comme des impulsions de départ pour le retour à une culture de la paix, dont la direction intellectuelle peut être inversée de la manière suivante : La mémoire devrait se focaliser sur ceux qui, après les guerres mondiales, ont compris que la guerre était exclusivement destructrice et l'ont exprimé dans des romans, des poèmes, des chansons, des conférences, des appels, etc. Leurs convictions n'ont pas été exprimées uniquement en raison d'un bouleversement momentané, mais à partir d'une connaissance orientée au-delà du temps, résumée de manière concise dans l'invitation de Wolfgang Borchert : « Sag nein ! »[23] Des appels antérieurs tirés de l’histoire spirituelle allemande sont dignes d’être rappelés, ainsi, par exemple, Friedrich Schiller dans son fragment poétique : Deutscher Gröϐe [Grandeur allemande, ndt] pour la caractérisation profonde de l’essence et de la détermination des Allemands :
Das ist nicht des Deutschen Gröϐe,
obzusiegen mit dem Schwert !
In das Geisterreich zu dringen,
männlich mit dem Wahn zu ringen,
Das ist seines Eifers wert. […]
Allemande n’est pas la majesté,
de vouloir triompher par l’épée !
Pénétrer au royaume de l’esprit,
virilement lutter contre la folie,
telle est la valeur de son ardeur. […]
Höhen Sieg hat der Errungen,
der der Wahrheit Blitz geschwungen,
der die Geister selbt befreit.
Freiheit der Vernunft erfechten
heiϐt für alle Völker rechten,
gilt für alle ewge Zeit.[24]
Haute victoire à qui s’est élancé,
pour conquérir l’éclair de vérité,
et affranchir même les esprits.
Pour la liberté de raison lutter
et pour tous les peuples plaider,
cela vaut pour toute l’éternité.
Pour venir en aide à la « liberté d’entendement » et triompher de la « folie », il nous faut répandre des connaissances fondamentales sur les bases politiques et économiques de la guerre, tout comme une connaissance des chausse-trappes en vue d’un penser et d’une action orientés sur la paix (sentiments non-vécus, traumatismes non travaillés, fantaisies de pouvoir irréalistes, psychopathies, négation de faits acquis, etc.[25]). Il serait indispensable de développer une culture de la perception et de la promotion des initiatives de paix, qui sont déjà nombreuses dans le monde. Il faudrait également penser à une matière scolaire « Promotion et construction de la paix » dans les classes supérieures.
L'Allemagne, largement ignorée, a encore joué en 2021 le rôle de « médiatrice silencieuse de la paix »[26] sur la situation en Libye. De même, le Conseil des citoyens de 2021 sur le rôle de l'Allemagne dans le monde souhaitait clairement une fonction de médiateur dans les conflits internationaux : « L'Allemagne doit agir plus tôt de manière préventive. L'objectif doit être non seulement la prévention, mais aussi l'aide au règlement des conflits [...] ».[27] Il semble que les citoyens aient à cœur le principe de paix de la loi fondamentale.[28] Étant donné que le gouvernement fédéral n’a porté jusqu’à présent aucune impulsion sérieuse de médiation dans le conflit en Ukraine, il faudrait exiger qu’un tel conseil de citoyens ne doit pas rester un instantané. Ce serait dans l’esprit de Willy Brandt qui, dans sa déclaration gouvernementale du 28 octobre 1969, exprima non seulement sa bonne intention : oser plus de démocratie ! Mais encore aussi : « Nous voulons être et devenir un peuple de bons voisins. » [29]
De telles réflexions sont encore une fois à placer dans un contexte plus grand. Au plan mondial, à l’ombre des guerres actuelles, nous observons les tendances suivantes : une suppression en partie imperceptible des droits fondamentaux[30], l'obligation de l'identité numérique[31], l'éviction de l'argent liquide[32], une surveillance de plus en plus efficace avec le projet d'une reconnaissance faciale installée dans toute l'Europe[33], la perte de la souveraineté sur ses propres donnée[34], le transhumanisme comme idéal, une conception réductionniste de la science, un discours public basé sur la Cancel Culture, etc. La militarisation nationale et internationale décrite ci-dessus se rattache à tout cela en en assurant absolument la continuité. Si nous voulons faire face à la tendance au totalitarisme[35], que nous pouvons difficilement ignorer, nous avons besoin d'une reconnaissance claire et volontaire des forces lumineuses à l'œuvre dans le monde pour nous orienter et consolider notre substance intérieure.
Pour cela, il faudrait aussi se rappeler, surtout dans les positions de responsabilité, qu'il y a eu autrefois un changement d'époque plus important que celui proclamé par le chancelier Olaf Scholz. Il s'agit d'une impulsion élémentaire de l'humanité véritable, qui peut aussi être un correctif pour les tendances destructrices du présent ─ si on les reconnaît en tant que forces qui font obstacles à un développement positif de l'humanité, et on doit apprendre à déceler leurs attaques subversives de mensonges et de peurs. Dans ce sens, l'appel de Wolfgang Borchert « Dites non ! » est complété par la réflexion de l'ancien président fédéral Gustav Heineman : « La guerre n'est pas le cas sérieux dans lequel l'homme doit faire ses preuves, comme ma génération l'a appris sur les bancs de l'école à l'époque impériale, mais la paix c’est le cas sérieux dans lequel nous avons tous à faire nos preuves. »[36] En d’autres termes : nous devons devenir épris de paix. Die Drei 1/2024.
(Traduction Daniel Kmiecik)
Notes
[1] Www.nachdenkseiten.de/?p=108590
[2] Voir : www.bpb.de/kurz-knapp/hintergrund-aktuell/541909/das-ende-der-republik-brg-karabach/
[3] Www.german-foreign-policy.com/news/detail/9409
[4] https://taz.de/Deutschland-und-Bergkarabach/!5955723/
[5] Www.antikrieg.com/aktuell/2023_11_11wosind.htm
[6] Www.telepolis.de/features/Warum-der-militaerische-industrielle-complexe-in-Feierlaune-ist-9521995.html ─ [Pourquoi le complexe militaire est d'humeur à la fête, ndt]
[7] https://www.blaetter.de/ausgabe/2013/maerz/die-rueckkehr-der-geopolitik
[8] https://globalbridge.ch/die-kriege-unserer-zeit-und-so-haetten-sie- vermieden-werden-koennen/
[9] Voir : Rainer Mausfeld : Hybris und Nemesis. Wie uns die Entzivilierung von Macht in den Abgrund führt ─ Einsichten aus 5000 Jahren [Hubris et ennemi juré. Comment la décivilisation du pouvoir nous mène à l’abîme – aperçus de 5 000 ans] Francfort-sur-le-Main.
[10] Www.freitag.de/autoren/der-freitag/von-wegen-voelkerrecht-ueber- die-monstranz-des-westens
[11] Www.nachdenkseiten.de/?p=106619 [C’est assez étonnant, mais lors de la disparition de notre « dernier poilu » de 1914-18, je demandais à Jens Heisterkamp, rédacteur en chef de Info3, où en était le dernier « poilu allemand » ─ qu’il traduisait par le terme Landsmann, ─ il me répondit qu’on ne le savait pas, en effet les anciens combattants n’étaient apparemment pas recensés… Ndt]
[12] https://de.statista.com/statistik/daten/studie/183064/umfrage/ militaerausgaben-von-deutschland/
[13] Www.nd-aktuell.de/artikel/1169187.aufruestung-der-bundeswehrdas-maerchen-von-der-kaputtgesparten-truppe.html
[14] https://de.wikipedia.org/wiki/Liste_der_deutschen_Verteidigungsminister
[15] http://www.nachdenkseiten.de/?p=107730
[16] https://de.nachrichten.yahoo.com/bundeswehr-eigene-waffen- einfacher-israel-0923050622.html?guccounter=2 https://www.deutschlandfunk.de/bundeswehr-soll-eigene-waffen-einfacher-an-israel-abgeben-koennen-100.html
[17] Www.bmvg.de/de/aktuelles/verteildigungspolitische-richtlinien- -veroeffentlicht-5701338
[18] http://www.nachdenkseiten.de/?p=107072
[19] https://www.telepolis.de/features/Medien-Es-besteht-die-Tendenz-einen-objektiven-Feind-auszumachen-9353597.html?seite=all
[20] DGAP Policy Breaf du 8 novembre 2023 ─ https://archive.is/sOhk3#selection-1395.o-1395.257
[21] https://www.freitag.de/autoren/wolfgang-michal/ukraine-krieg-europa-die-usa-und-die-backchannel-diplomatie-fuer-einen-frieden
[22] http://www.nachdenkseiten.de/?p=108059
[23] Wolfgang Borchert : Dann gibt es nur eins ! [Alors il n'y a qu'une chose à faire !] dans, du même auteur : Das Gesamtwerk [l’œuvre complète], Reinbeck b. Hambourg 1986, pp.318 et suiv.
[24] Friederich Schiller : Sämtliche Werke vol. I édité par Peter-André Alt, Albert Mayer & Wolfgang Riedel, Munich & Vienne 2004, p.476.
[25] Le psychiatre Joachim Maaz étudie les fondements psychiques de l'envie de guerre dans son livre Friedensfähigkeit und Kreigslust [faculté de pais et plaisir de guerre], Berlin 2024.
[26] Www.dw.com/de/deutschland-stiller-vermittler-des-Frieden/a-
[27] Points 4.3 et 4.3.1., dans https://deutschlands-rolle.buergerrat.de/fileadmin/user_upload/Korrigiert_Ergebnis-UEbersicht_Buergerrat_Deutschlands_Rolle_gelayoutet_N.pdf
[28] La première phrase du préambule de la Loi fondamentale est la suivante : « Conscient de sa responsabilité devant Dieu et les hommes, animé par la volonté de servir la liberté du monde en tant que membre légitime d'une Europe unie, le peuple allemand s'est donné cette Loi fondamentale en vertu de son pouvoir constituant. »
[Soulignement du traducteur, ndt]
[29] https://www.willy-brandt-biografie.de/quellen/bedeutende-reden/regierungserklaerung-vor-dem-bundestag-in-bonn-28-oktober-1969/
[30] https://www.rnd.de/politik/datenschutz-ampel-schafft-glaesernen-versicherten-bundesbeauftragter-sieht-grundrechtsverstoesse-U5SXXSCUWZCYFLW4UU7VCIA2XM.html
[31] https://uncutnews.ch/die-universelle-biometrisch-digitale- markierung-aller-erdenbuerger-wird-wahr-gemacht/
[32] https://netzpolitik.org/2023/grosse-koalition-hessen-auf-hardliner-kurs/
[33] https://uncutnews.ch/ki-regulierung-der-gesichtsausweis-kommt/
[34] https://unser-mitteleuropa.com/eu-beschliesst-elektronische- patientenakte-fuer-alle-widerspruch-ausgeschlossen/ https://unser-mitteleuropa.com/126731
[35] Voir : https://www.freitag.de/autoren/michael-andrick/was-ist-totalitarismus & : https://www.freitag.de/autoren/michael-andrick/corona-totalitaere-tendenzen-in-deutschland
[36] https://beruhmte-zitate.de/autoren/gustav-heinemann/
Notes de la rédaction
[i] Il s’agit bien sûr dans ce contexte de l’Allemagne.
[ii] Nous ne comprenons pas le sens de cette phrase…
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