Extrait de la conférence initulée «Influences du cosmos sur les constituants de l'être humain pendant le sommeil - Le fondement occulte de la fête de Noël - Le sens des morts sacrificielles» - Vienne, le 7 mai 1915. Cette conférence se trouve dans le livre "La mort, ce mystère - Essence et signification de l'Europe du centre - Les esprits des peuples européens" - Édition Novalis (2009) - GA159
Le présente traduction est issue de la revue l'Esprit du temps, n°44, pp 5-24 (hiver 2002), sous le titre Noël et son fondement dans le rapport de l'homme au cosmos
Traduction : Gudula Gombert
(…) si le chercheur en esprit examine réellement ces relations, il trouve que non seulement ce qui existe dans le monde élémentaire, mais certaines entités des hiérarchies supérieures agissent aussi dans nos corps physique et éthérique pendant que notre je et notre corps astral s'élèvent ainsi dans les régions des hiérarchies supérieures et sont pensés, en quelque sorte, par les entités supérieures[1]. Ce n'est pas seulement le monde élémentaire, qui consiste en forces, mais ce sont de véritables entités, des entités des hiérarchies supérieures, qui agissent dans nos corps physique et éthérique. Et alors se révèle la chose curieuse que nous pouvons nous apercevoir comment, au moment où nous nous endormons, nous entrons dans des conditions tout autres que celles dans lesquelles nous nous trouvons à l'état de veille. Comme il a été dit, tout ce qui peut être formulé ainsi repose sur le fait que la recherche en esprit nous permet d'observer ce qu'il en est de l'endormissement et de l'éveil.
Et pour elle, il s'avère alors que l'être des hiérarchies supérieures que nous devons ressentir comme l'esprit du peuple, l'âme du peuple auquel nous appartenons, agit, lui aussi, sur nos corps physique et éthérique du réveil jusqu'à l'endormissement. En se réveillant, l'être humain s'immerge non seulement dans ses corps physique et éthérique, mais aussi dans les processus qui, dans ses corps physique et éthérique, sont réalisés par ce que son esprit du peuple accomplit. Il s'avère la chose curieuse - je vous prie de bien noter cela, car il nous convient, à nous qui voulons pénétrer dans la science de l'esprit, de considérer les relations universelles plus en profondeur que la perception extérieure ne le peut - qu'en s'endormant, l'être humain s'immerge non seulement dans les entités des hiérarchies supérieures qui correspondent à son évolution individuelle, mais aussi dans des entités spirituelles que nous devons considérer comme les esprits du peuple. C'est-à-dire que l'être humain s'immerge de l'endormissement au réveil dans le contexte de tous les autres esprits du peuple, mais pas de celui qui est le sien.
Donc, retenons bien ceci: pendant la veille, nous vivons immergés dans les faits spirituels que notre propre esprit du peuple accomplit dans nos corps physique et éthérique. Nous cohabitons, en quelque sorte, avec notre propre esprit du peuple du réveil jusqu'à l'endormissement. Or, à côté de notre esprit du peuple, il existe dans le monde tous les autres esprits des autres peuples. À l'endormissement, nous nous immergeons dans l'ensemble des autres esprits des peuples, non pas dans un seul des autres esprits des peuples - retenez cela rigoureusement-, mais dans ce qu'ils accomplissent ensemble, ce qu'ils accomplissent, pour ainsi dire, en association, en société.Pendant la nuit, c'est seulement notre propre esprit du peuple qui est exclu de cet ensemble. Nous ne pouvons pas échapper au fait d'avoir aussi une relation avec tous les esprits qui appartiennent aux autres peuples, dans lesquels nous ne sommes justement pas incarnés dans une incarnation précise. Car, en appartenant pendant la veille à notre esprit du peuple, nous appartenons, à l'état de sommeil, aux autres esprits des peuples, mais seulement dans leur ensemble ; tandis qu'à l'état de veille, nous appartenons aux intentions de l'esprit du peuple dans le domaine duquel nous sommes justement nés dans une incarnation déterminée.
Mais il y a un moyen de s 'immerger aussi pendant l'état de sommeil, en quelque sorte, dans l'entité d'un autre esprit du peuple isolé. Alors qu'à l'état normal de veille, nous vivons dans notre propre esprit du peuple, ou dans son activité, et pendant le sommeil dans l'ensemble des autres esprits des peuples, nous pouvons pendant le sommeil nous immerger dans un esprit du peuple isolé si nous nous approprions dans la vie une haine assez virulente contre ce que cet autre esprit du peuple accomplit. Et aussi grotesque que cela semble, c'est quand même vrai - et nous, dans notre mouvement, devons pouvoir supporter calmement de telles vérités - : si l'être humain ressent réellement dans son for intérieur une haine virulente à l'égard de la région d'un peuple, il se condamne à dormir pendant la nuit avec l'esprit du peuple de cette région, d'être avec lui.
Là, nous touchons justement des vérités à l'égard desquelles nous pouvons voir que la vie commence à avoir un profond sérieux derrière le voile qui couvre les mondes spirituels devant l'observation quotidienne, et qu'il est, à un certain égard, bien inconfortable d'être un adepte de la science de l'esprit. Car, à partir de certains points, la science de l'esprit commence à prendre au sérieux, au sens le plus profond, des conditions que l'on trouve inconfortables dans la vie et au-dessus desquelles nous sommes vraiment élevés par la grâce du fait que la vie, au sens ordinaire, ne nous dévoile pas la vérité. Quoique, dans la vie extérieure, bien évidemment, nous devions rester entièrement les pieds sur terre, comme cette vie extérieure nous le demande, nous devons prendre entièrement au sérieux un tel principe lorsque, dans le domaine de la science de l'esprit, nous nous élevons aux domaines où commencent d'autres particularités de la vie.
Dans l'ouvrage Comment parvient-on à des connaissances des mondes supérieurs ?[2], il est question qu'au moment où l'on s'élève dans le monde spirituel - et tout être humain est, nous le savons, dans le monde spirituel, il s'agit là seulement d'une reconnaissance de ce qui existe toujours-, cette unité confortable de l'être humain cesse, dans laquelle nous vivons dans le monde physique. L’être humain s'engage dans des scissions ; abstraction faite des scissions qui y sont mentionnées et qu'on peut observer après la rencontre du gardien du Seuil, certaines autres scissions se font, par exemple celle qui doit être d'une importance profonde pour toute la vie de notre intériorité. Nous devons reconnaître que le peuple dans lequel nous nous trouvons justement dans une incarnation déterminée et vis-à-vis duquel nous avons à faire notre devoir, à apporter pleinement notre amour, se trouve placé dans tout le processus d'évolution de la Terre. Nous devons nous rendre compte que, dans la mesure où nous sommes aussi des entités spirituelles dans notre je et notre corps astral, nous appartenons réellement à toute l'humanité et devons ressentir dans nos impulsions de l'empathie avec l'humanité entière. Et la supposition que la science de l'esprit admettrait que dans son cadre nous vivions dans une unilatéralité ne correspond pas à la réalité, mais nous devons pouvoir mettre en parfaite harmonie ces deux aspects de notre être.
Nous devons être au clair sur le fait que - quoique, en tant qu'êtres humains de l'incarnation présente, même si nous pratiquons la science de l'esprit, nous puissions aimer notre peuple comme quiconque est capable d'aimer son peuple - par le ressentir nous mettons en harmonie ce qui nous unit à l'humanité entière. Et la science de l'esprit est précisément l'élévation à cette union avec l'humanité entière, parce qu'elle nous apprend que nous sommes en relation avec l'humanité entière dans notre je et notre corps astral. Créer une harmonie entre des contrastes, c'est ce que la science de l'esprit exige de plus en plus de celui qui y entre avec sérieux et dignité.
Et il est néfaste de confondre la vraie science de l'esprit avec les agitations mystiques peu claires qui voudraient toujours combiner les besoins de la vie physique, extérieure, avec ce vers quoi nous devons nous élever en nous immergeant dans le monde spirituel. Car une mystique confuse, qui voudrait introduire partout dans la vie quotidienne ce que seule la science de l'esprit montre sous son vrai jour, cette mystique confuse ne pourra, par exemple jamais mettre l'amour de son propre peuple en accord avec l'amour de l'humanité entière, elle mènera à un cosmopolitisme mystique flou. De la manière dont je l'ai déjà fait, on peut le comparer avec ce que des théosophes fumeux ressassent sur l'égalité et l'équivalence de toutes les religions de la Terre. Certes, dans l'abstrait l'on peut dire : toutes les religions de la Terre contiennent la vérité. Mais c'est exactement la même chose que de dire : sur la table, il y a du poivre, du sel et du paprika et toutes sortes d'autres choses, et tout cela, ce sont des condiments. Le sucre, le poivre, le sel et le paprika c'est tout pareil; je mets donc tantôt du paprika dans le café et du sucre dans la soupe, puisque tout cela, ce sont des condiments. Ceux qui, dans leur mystique confuse, ne font que divaguer sur le noyau unitaire de toutes les religions au lieu de s'ouvrir à l'entité réelle de tout ce qui apparaît dans notre évolution terrestre en sont exactement au même point de la logique. Ce qui compte n'est pas de souligner seulement sans cesse : tous les peuples ne sont, en quelque sorte, que l'expression de l'humain général, mais ce qui compte est que nous reconnaissions précisément les tâches spécifiques qui sont données aux différents peuples par leur âme du peuple. Et un repère se trouve dans le cycle de conférences qui a été imprimé depuis longtemps, fait un certain nombre d'années avant la guerre, qui ne résulte pas de l'influence de la guerre, auquel on ne peut donc pas reprocher d'être né sous l'impression de la guerre : La mission des âmes de quelques peuples dans ses rapports avec la mythologie germano-nordique[3].
Justement à notre époque, il est important de réfléchir à de telles choses sérieuses, afin que l'être humain puisse trouver l'harmonie entre ce qu'est l'amour entre les humains en général, d'une part, et l'amour du peuple, d'autre part. On n'a pas besoin d'avoir peur de caractériser les particularités de chaque peuple individuel, dans la mesure où il est un peuple - l'individu s'élève, comme on sait, toujours au-dessus de son peuple -. Il faut seulement, comme cela ressort déjà des remarques que j'ai faites, que cela se fasse évidemment sans haine. Aussi peu qu'on reconnaît la véritable entité de la plante individuelle si l'on hait la plante et qu'on décrit ce qu'on ressent comme haine, aussi peu l'on peut reconnaître les particularités d'un peuple si l'on décrit ce qu'on hait dans ce peuple ou si l'on inclut dans la description ce qui provient de sentiments de haine.
Et ainsi, il faut que celui qui est capable de s'élever jusqu'aux points de vue de la science de l'esprit s'efforce toujours de voir l'essence du monde non pas dans l'unité uniforme, mais justement dans l'harmonie de la multiplicité. Et l'homme doit trouver la possibilité de ressentir pour son peuple toute la chaleur possible, avec laquelle il n'a pas besoin d'être en reste par rapport à quelqu'un qui n'aspire pas à la science de l'esprit, et unir cette chaleur, par ailleurs, à ce qui nous rallie, dans la mesure où nous appartenons à l'humanité entière, à toute l'humanité en tant que grande entité globale.
Comme je l'ai dit, après-demain nous reprendrons sur de telles choses. Mais maintenant, je voudrais remarquer qu'en même temps, lorsque nous passons de notre état de veille à l'état du sommeil et que nous sommes accueillis dans les entités des hiérarchies supérieures, nous nous dépouillons de ce qui, par nos corps physique et éthérique, nous lie à l'incarnation individuelle.
Pendant le sommeil, nous nous dépouillons donc aussi de notre nature nationale: grâce au sommeil, nous devenons uniquement des êtres humains, des êtres humains avec toutes les particularités que nous devons avoir de par ce que nous avons conquis en tant qu'être humain.
Rudolf Steiner
[Caractères gras et italique S.L.]
Notes
[1] C’est-à-dire dans le contexte de cet extrait de conférence, entre notre endormissement et notre réveil
[2] GA10, Éditions Novalis, Montesson, 1993
[3] GA121, Éditions Triades, Paris, 1990 - NDLR : Il s'agit d'un ouvrage incontourable pour commencer à connaître ce qui est entendu par âme du ou des peuples.
Article à lire notamment en relation avec cette thématique :
Ce qui dans l'être humain est éternel dépasse les nations. Quelle est une des causes profondes (ésotérique) de la haine à l’égard d’une autre nation?
Note de la rédaction À NOTER: bien des conférences de Rudolf Steiner qui ont été retranscrites par des auditeurs (certes bienveillants), comportent des erreurs de transcription et des approximations, surtout au début de la première décennie du XXème siècle. Dans quasi tous les cas, les conférences n'ont pas été relues par Rudolf Steiner. Il s'agit dès lors de redoubler de prudence et d'efforts pour saisir avec sagacité les concepts mentionnés dans celles-ci. Les écrits de Rudolf Steiner sont dès lors des documents plus fiables que les retranscriptions de ses conférences. Toutefois, dans les écrits, des problèmes de traduction peuvent aussi se poser allant dans quelques cas, jusqu'à des inversions de sens ! |
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