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 « Le problème le plus important de toute la pensée humaine : Saisir l'être humain en tant qu'individualité libre, fondée en elle-même »
Vérité et Science, Rudolf Steiner

   

Citation
  • « (…)il ne s’agit pas seulement de croire en l’immortalité, mais il importe de faire fructifier sur tous les terrains possibles ce qui constitue l’élément immortel. L’être humain a besoin de force pour repousser la couverture qui le sépare aujourd’hui de ce que le monde spirituel peut encore lui apporter (…). »

    Stuttgart, 26 avril 1918GA174b

    Rudolf Steiner
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Vladimir Soloviev à Cannes, Printemps 1899
Publié sur Soi-esprit.info avec l'aimable autorisation de l'auteur.

 


NDLR (Soi-esprit.info) : Christian Lazaridès a publié un ensemble de 9 documents portant sur ces individualités singulières que sont Guyau, Nietzsche, Soloviev et Steiner, lesquelles sont liées entre elles par des liens mystérieux, pour ne pas dire mystériques, qui pourront transparaître dans ces publications. Pour prendre connaissance de ces 9 PDF, les feuilletter ou les télécharger, cliquez ici.




Au crépuscule du matin de l’Âge Clair

Au printemps 1899, le monde vient tout juste de sortir du Kali-Youga, dans lequel il était entré 5000 ans auparavant, au moment (supposé ou légendaire) de la mort de Krishna (18 février de l’an 3102 avant J.-C. + 1899 - 1 [car il n’y a pas d’an zéro en chronologie] = 5000).

Vladimir Soloviev[1] (1853-1900) a 46 ans, il a déjà produit une œuvre considérable, mais depuis un an il est dans une crise profonde. Il est invité à Cannes,[2] Villa Marie-Mélanie, Chemin de Bénéfiat [littéralement : « que soit bien fait »], et là, quelque chose bouge enfin. Il va y commencer sa dernière œuvre, qu’il achèvera en Russie, Trois conversations (ou Trois entretiens)[3] se terminant par la Courte relation (ou Court récit) sur l’Antichrist.[4] La composition de cette œuvre finale épouse exactement le tout-début de l’Âge Clair puisque s’étendant sur la première année de ces 2500 ans qui nous mèneront jusqu’à l’an 4399 (un peu avant le milieu de la lointaine Ère du Verseau [3573- 5733]).

Il dira, dans sa préface aux Trois conversations, signée le dimanche de Pâques 1900, donc un an après le séjour à Cannes :

« Il y a deux ans environ, un changement particulier dans mes dispositions spirituelles, changement sur lequel il ne convient pas de s’étendre ici, éveilla en moi le désir puissant et persévérant d’éclairer, de façon perceptible et accessible à tous, ces aspects majeurs de la question du mal qui doivent toucher chacun de nous. Longtemps je n’ai pas trouvé de forme qui convînt pour réaliser mon dessein. Or, au printemps de 1899, me trouvant à l’étranger, j’ai composé d’un coup et j’ai écrit en quelques jours le premier entretien sur ce sujet, et ensuite, après mon retour en Russie, j’ai écrit les deux autres dialogues. Ainsi c’est d’elle-même que cette forme littéraire s’est présentée comme l’expression la plus simple pour dire ce que je voulais. » (Préface publiée dans le journal Rossia, sous le titre « La falsification du bien ») [Caractères gras c.l.]

D’autres traductions rendent encore plus nettement le caractère soudain de cette inspiration : « Le plan prit soudain forme. » À tel point que les Trois conversations débutent dans le lieu même (ou du moins à proximité) de cette soudaine inspiration :

« Dans le jardin d’une de ces villas qui, serrées au pied des Alpes, se reflètent dans les profondeurs azurées de la Méditerranée, cinq Russes étaient réunis par hasard ce printemps… »

Félix Valloton, 1925 : L’Estérel et la baie de Cannes

J’ai longtemps cherché tout près de la mer une telle villa dans la réalité cannoise, à l’est de la ville, du côté de la « Californie », ou bien dans le « Quartier russe » ; mais aussi à l’ouest, du côté de la « Croix des Gardes », des endroits où l’on trouve de telles grandes villas face à la mer.

Mais c’est récemment (été 2017) que j’ai enfin trouvé l’emplacement de son séjour cannois : au nord de la ville, assez loin de la mer.

L’actuelle villa « Val Bel », qui s’appelait « Marie-Mélanie » à l’époque de Soloviev

Lactuelle villa Val Bel qui sappelait Marie Mélanie (2)

Il pressent lui-même que le temps lui est compté : « Les diverses insuffisances qui subsistent même dans cet exposé corrigé ne me sont que trop sensibles, mais j’ai perçu l’image, désormais bien proche, de la pâle mort qui me conseille doucement [c.l. : qui me souffle] de ne pas remettre l’impression de ce petit livre à une échéance indéterminée et incertaine. Si le temps m’est donné pour de nouveaux travaux, ce sera aussi pour perfectionner les précédents. Sinon, j’aurai indiqué de façon suffisamment claire – quoique concise – l’issue historique imminente du combat moral, et je peux publier maintenant ce petit travail avec la satisfaction d’un devoir moral accompli. Dimanche de Pâques 1900. » (Trois entretiens, traduction B. Marchadier et F. Rouleau, Paris, 1984)

Il rédigera donc en Russie les deux dernières conversations et la Courte relation sur l’Antichrist au cours de l’année qui va de Pâques 1899 à Pâques 1900, un texte visionnaire, prophétique, mais d’une prophétie qu’il importe de considérer dans ses grandes lignes, dans son essence, sans vouloir à tout prix la prendre à la lettre dans le détail.

Qu’est donc venu chercher Soloviev à Cannes, aux premières lueurs du Cinquième Âge, du Cinquième Youga ? On remarquera que 4400 sera aussi le moment (au début du deuxième décan de la future authentique Ère du Verseau [3573-5733] [3573 + 720 = 4293]), de cette future et encore lointaine Époque de Philadelphia, où l’actuel bodhisattva sera censé parvenir à l’état de bouddha, 5000 ans après l’illumination du Bouddha Gautama.[5]

Il deviendra alors, mais seulement alors, le Bouddha Maitreya.

Les deux îles de Lérins, en face de Cannes

Îles de Lérins 2 vues

Vues depuis la Pointe de l’Aiguille à Théoule-sur-Mer, puis vues du ciel

Il y eut sur les îles de Lérins, à l’extrémité-est de la baie de Cannes, au Ve siècle de notre ère, une École monastique-philosophique, laquelle, entre Rome et l’Irlande, eut un rôle-clé à cette époque.[6] On la qualifie souvent de repaire du semi-pélagianisme, en référence à Pélage, adversaire de Saint Augustin sur la question de la grâce et du libre-arbitre. Dans la haute période de cette École, nous sommes environ un siècle après le Concile de Nicée (325) et après la date-clé de « 333 ».

Quel rapport avec Soloviev ?

Soloviev est-il allé sur les îles de Lérins (Saint-Honorat et Sainte-Marguerite) lors de son séjour à Cannes ? S’est-il renseigné sur les légendes et traditions concernant celles-ci ?

C’est grâce à Rudolf Steiner que va commencer à s’éclairer la présence du philosophe russe à Cannes. C’est tout au bout de ses Considérations ésotériques sur le kèrma[7] de l’année 1924 – de ces neuf mois où il renoue avec sa mission la plus personnelle[8] : la réincarnation et le kèrma –, qu’il va dévoiler deux incarnations antérieures de Soloviev. Il fait cela le 19 septembre 1924 (GA238),[9] c’est-à-dire dans l’antépénultième conférence de ce cycle (de 50 conférences faites à Dornach) qu’il clora le 23 septembre avec Platon en deux de ses incarnations ultérieures, voire pré-antépénultième si l’on compte la conférence écourtée du 28 septembre (la 50ième), qui devait peut-être initier un nouveau cycle de conférences sur le kèrma, et qui fut consacrée à Élie – Lazare/Jean – Raphaël – Novalis sous l’angle de la réincarnation. La conférence sur Soloviev (en trois de ses incarnations) eut donc lieu neuf jours avant sa cessation définitive de toute activité de conférencier.

Selon Steiner, Soloviev aurait eu une incarnation au tournant des IIIe et IVe siècles de notre ère, incarnation au cours de laquelle il avait été présent au très fameux Concile de Nicée (près de Constantinople, en 325). Nous sommes alors tout près d’une autre date, « 333 », qui est, dans la chronosophie steinérienne-rosecroix, le milieu de l’Ère du Bélier, de la Quatrième époque postatlantéenne (de 747 avant J.-C. à 1413 après J.-C.)
(747 + 333 + 333 [= 666] + 747 = 2160),
et donc en même temps le milieu exact de toute la grande Période dite postatlantéenne (d’environ 15.000 ans, entre 7227 avant J.-C. et 7893 après J.-C, composée elle-même des 7 Époques, de 2160 ans chacune, dites postatlantéennes (2160 X 7 = 15.120).

Il introduit cette considération sur Soloviev d’une manière étonnante :

« Je voudrais maintenant choisir un autre exemple, qui pourra vous être très, très précieux ; je recule presque en frémissant d’en parler légèrement, mais il conduit dans l’ensemble de la constitution spirituelle de l’époque présente d’une façon tellement profonde que je ne puis éviter de choisir justement cet exemple. » (19.9.1924)

Impressionnant préambule ! Et ensuite, pendant l’équivalent de quatre pages et demie (sur sept), il va évoquer deux incarnations antérieures de Soloviev, mais sans toutefois encore le nommer. Ce n’est donc qu’aux deux tiers de cette séquence qu’il le nommera, et pour passer d’ailleurs presqu’immédiatement à une sorte de méditation à haute voix sur la profanation ou la non-profanation…

« Or était justement présente à ce concile une personnalité qui prit part à ces discussions mais qui fut contrariée au plus haut point de l’issue du concile, elle qui s’était alors efforcée de trouver des arguments en faveur des deux parties [ndt : arianisme et athanasianisme]. » (19.9.1924)

Selon Steiner, au lieu d’un « compromis boiteux » entre arianisme et athanasianisme, ce personnage aurait pu amener une véritable « synthèse », quelque chose de grandiose qui aurait pu conduire à « lier de façon plus intime le divin intérieur en l’homme avec le divin dans l’univers » ; on croirait entendre la définition-même de l’anthroposophie (voir la toute première « ligne directrice » [Leitsatz] du 17 février 1924, GA 26),[10] à la nuance près que pour le IVe siècle il s’agit du divin en l’homme et en l’univers, tandis qu’au XXe siècle il s’agit du spirituel en l’homme et en l’univers, ce détail marquant bien le passage d’une théosophie (theos = dieu) à une anthroposophie (anthropos = être humain), et sachant que Soloviev parla de thé-andrie ou thé-anthropie ou divino-humanité.

On ne comprend pas parfaitement s’il alla à Nicée depuis la Thébaïde égyptienne, où il retourna après le concile, ou bien si sa vocation d’anachorète dans la Thébaïde naquit à Nicée après la déception qu’il ressentit lors de ce concile. Quoi qu’il en soit, ermite de la Thébaïde égyptienne, dans la lignée de ces anachorètes solitaires comme Antoine le Grand, des Pères du Désert, il est contemporain de Paphnuce de Thèbes (dit le Confesseur), qui lui aussi fut probablement présent au Concile de Nicée.[11]

Mais les temps n’étaient pas mûrs pour la synthèse qu’il avait pensée, ce n’était pas l’heure. Et l’anachorète va méditer cela, lui dont Steiner tient à nous signaler qu’il était « peut-être l’un des chrétiens les mieux informés de son temps, mais pas un combattant [pas un lutteur]. » (19.9.1924)

Après le concile, (re)venu dans la Thébaïde égyptienne donc, il continua à méditer cette troisième voie qui aurait pu résoudre la contradiction entre arianisme et athanasianisme. Et, d’une certaine manière, à Lérins, un siècle plus tard (début du Ve siècle), ce sont bien ces débats qui ont continué d’évoluer dans les âmes.

Mais surtout : « L’approfondissement mystique de cette personnalité allait dans le sens de découvrir d’où la pensée recevait son inspiration. C’était comme une unique, puissante aspiration : trouver dans le monde spirituel l’origine du penser. Et cette personnalité était à la fin toute remplie de cette aspiration. Elle mourut même avec cette aspiration, sans avoir trouvé, au cours de la vie terrestre en question, une conclusion concrète par le fait qu’une réponse eût été présente. Cette réponse n’était pas là. L’époque était en effet défavorable à cela. » (19.9.1924) [Caractères gras c.l.]

Le travail de pensée de cet ermite se poursuivit après sa mort :

« Et cette personnalité connut, en passant par la mort, quelque chose de particulier. Des décennies après la mort, elle pouvait tout à fait regarder en arrière vers la vie terrestre et voir sans cesse cette vie terrestre teintée par ce à quoi elle était finalement parvenue. Cette personnalité pouvait voir – dans ce qui précédait directement sa mort dans le regard rétrospectif – comment l’homme pense.

Cependant il n’y avait pas encore de résolution de cette question. C’est essentiel. Et sans qu’il y eût une pensée en tant que réponse à la question, cette personnalité voyait, tout de suite après la mort, jusque dans l’intelligence de l’univers d’une manière merveilleusement claire et imagée [en images]. Ce n’étaient pas les pensées de l’univers qu’elle voyait – elle les aurait vues si ce à quoi elle avait aspiré était arrivé à un résultat –, elle ne percevait donc pas les pensées de l’univers, mais bel et bien, en images, le penser de l’univers. » (19.9.1924) [Caractères gras c.l.]

De concile en concile…

À cette même époque, autour de 333, eut lieu (voir Steiner, le 31 août 1909 à Munich, GA113), parallèlement donc au Concile de Nicée – lequel s’étendit en ses prolongements pratiquement de 325 à 341, environ huit ans de part et d’autre de 333 – un autre genre de « concile » : une « assemblée », une « réunion » [Versammlung], en une sorte de collège [Kollegium] sur les niveaux suprasensibles, avec des participants alors incarnés et d’autres pas, où fut fondée la Rosecroix, cela donc environ 1080 ans (2160 : 2 = 1080) avant 1413 (début de l’Ère des Poissons et, par là-même, début d’une nouvelle Année précessionnelle de 25.920 ans) et l’inauguration proprement dite de la Rosecroix par Christian Rosenkreutz.

On peut bien penser que le futur Soloviev fut, en tant que participant au Concile de Nicée, une sorte de trait d’union entre ce concile célèbre et cette réunion occulte (non connue de l’Histoire), et cela plus particulièrement peut-être en lien avec l’un des quatre instructeurs rosecroix originels (Manès, Zarathoustra, Scythianos, Bouddha) signalés le 31 août 1909, à savoir Bouddha (voir plus loin) ; mais, de quelque manière, vivait dans l’âme de l’ermite de la Thébaïde quelque chose de l’inspiration de ces quatre personnages dont les noms allaient d’ailleurs devenir, dans la suite de l’Ère du Bélier, le contenu même d’une formule d’abjuration imposée aux hérétiques (31.8.1909). L’entéléchie de Soloviev sera toujours, sur trois incarnations en tout cas, à sa façon un « hérétique », ou du moins à la marge de l’hérésie, mais en même temps tellement au cœur du débat chrétien que même ses nombreux ennemis ne pourront jamais l’exclure totalement de ce débat. Et nous verrons Soloviev lui-même glisser comme un poisson insaisissable chez les orthodoxes, les catholiques, les protestants, comme s’il était chez lui, alors même qu’il n’est pour ainsi dire installé nulle part.

Cette individualité se réincarna au Moyen-Âge, en tant que moniale (on ne connaît ni les dates ni le lieu), parfaitement intégrée dans la vie monastique médiévale, si ce n’est qu’elle avait une grande capacité visionnaire. Après une vie où le christianisme avait été vécu par l’intelligence, la pensée, c’est dans l’expérience clairvoyante, en tout cas visionnaire, l’union mystique, que se déroula cette vie.

« Visions dans lesquelles le Christ apparaissait comme le conducteur de troupes pacifiques, pas guerrières, de troupes qui voulaient propager le christianisme par leur douceur, d’une façon qui n’avait encore jamais existé sur terre ; et c’est cela qui était présent dans les visions de cette moniale : un christianisme très intense, qui n’était pas du tout à sa place dans ce qui se développa ensuite dans la nouvelle forme en tant que christianisme. » (19.9.1924)

Là encore, Steiner signale la douceur, la non-violence de cette personnalité.

Vue vers louest depuis lancien monastère fortifié de lîle Saint Honorat

Vue vers l’ouest depuis l’ancien monastère fortifié de l’île Saint-Honorat

Se trouvant à Cannes en 1899, Soloviev (qui fut donc moine anachorète en Égypte, puis moniale quelque part en Europe), est alors à nouveau dans l’aura immédiate d’une École monastique – l’École de Lérins – qui connut son apogée environ un siècle après le Concile de Nicée, une École de l’immédiat « après 333 », lui qui vécut pour ainsi dire l’immédiat « avant 333 » lors de cette incarnation d’ermite en Égypte. Il est alors dans une situation privilégiée dans l’espace et le temps, dans un angle de vue panoramique sur les Temps, sur la dynamique des Temps, des éons – ce qui est propice à la vision prophétique –, pour vivre ou revivre ce pivot chronologique essentiel qu’est « 333 » – milieu parfait des 7 ères zodiacales allant du Cancer au Capricorne (signes inclus) – et cela au moment exact d’une autre échéance chronosophique essentielle : février/mars 1899, la fin du (petit) Kali-Youga de 5000 ans (Âge Sombre, Âge Noir, Âge de Fer), et conséquemment le début d’un Âge Clair de 2500 ans (Un « Cinquième Âge », non évoqué comme tel, ni en Orient, ni en Grèce). Soloviev à Cannes en avril 1899, percevant soudainement le plan de sa dernière œuvre, avec le Court récit sur l’Antichrist, c’est ce prodigieux court-circuit entre deux phénomènes cycliques majeurs, deux cyclologies, deux « roues » de l’Histoire du monde (Rotae Mundi)[12] : le cycle zodiacal-précessionnel et le cycle des yougas.  C’est à Cannes, en ce haut-lieu de la spiritualité du milieu de toute la Période postatlantéenne de 15.000 ans – Lérins, Nice, Marseille, Narbonne, Nîmes, Arles, Lyon etc., le Sud-Est de la Gaule ayant été, autour de 333, la pointe de l’avancée culturelle-précessionnelle, le « point vernal civilisationnel » –, et c’est à ce moment-là, Pâques 1899/Pâques 1900, impulsion génératrice des 2500 ans du Cinquième Youga, que Soloviev – dont Steiner signalera en 1911-1912 l’inspiration par Bouddha (Locarno, 19 septembre 1911, GA130) et par Rosenkreutz (Vienne, 9 février 1912, GA130) – reçoit et plante en terre le germe d’une nouvelle forme de combat spirituel et/ou de guerre occulte.

Il aboute, il ente, il fait se rencontrer :

  • La quintessence des 5000 ans du Kali-Youga et les prémices du Cinquième Âge ;
  • La force du tournant de 333 ;
  • Les forces les plus pures et christifiées de la Troisième époque (Égypte-Mésopotamie-Israël) ou Ère du Taureau et du Scorpion (Isis, Osiris), telles qu’elles peuvent entrer dans la spiritualité la plus pure de la Cinquième époque (Europe médiane) ou Ère des Poissons et de la Vierge (Anthropos-Sophia), ces deux époques étant en miroir autour de l’axe de 333.

Lérins est réputée pour avoir été alors un haut-lieu du combat spirituel, ce qui contraste avec les tendances irénistes, pacifistes, de compassion, qui semblent avoir caractérisé les deux incarnations antérieures de Soloviev. Il y a quelque chose de bouddhiste (au sens le plus concret) dans cet être, ce que Steiner indiqua très évasivement à Locarno le 19 septembre 1911 (soit treize ans jour pour jour avant la conférence du 19 septembre 1924) ; parlant des philosophes Leibnitz, Schelling et Soloviev, il demande : « De quelle manière sont-ils inspirés ? – C’est par cet être qui était né dans le palais de Souddhodana [ndt : le père de Gautama], qui s’était élevé de bodhisattva à bouddha et qui ensuite a continué d’agir de manière impersonnelle. » (19.9.1911)

On ne comprendra mieux le sens de cette petite phrase qu’un peu plus tard, après que Steiner aura parlé de la mission de Christian Rosenkreutz (27 et 28 septembre 1911, puis 18 décembre 1912, à Neuchâtel, GA130). Entre les deux incarnations de l’Ère du Bélier et celle en tant que Soloviev (1853-1900) dans l’Ère des Poissons, il y a en effet la date de 1604, ce moment où la mission du Bouddha se transforme complètement, sous l’impulsion de Rosenkreutz (GA130), un lien qui avait déjà été évoqué implicitement le 31 août 1909 (GA113). Soloviev est par excellence en rapport avec ce courant (authentique) de Bouddha au sein de la Rosecroix (authentique).

Il est prodigieusement intéressant d’observer la façon très nuancée, très élaborée, qu’a Soloviev de se situer par rapport au bouddhisme dans sa préface de 1900 aux Trois conversations ; il y revient trois fois, sous des angles différents ; d’abord, critiquant un faux christianisme :

« Si, pour cette prédication, ils remplaçaient le ‘rabbi galiléen’ par le solitaire de la tribu des Çâkyas, ces prétendus chrétiens ne perdraient rien en réalité, et ils gagneraient quelque chose de très important – du moins à mon avis – la possibilité d’être des penseurs égarés mais de bonne foi, et d’être en une certaine mesure conséquents avec eux-mêmes. Mais cela, ils ne le voudront pas… »

Puis, faisant allusion à sa propre notion de « panmongolisme » :

« Je suis loin d’avoir une animosité inconditionnelle à l’égard du bouddhisme et plus encore à l’égard de l’Islam, mais, pour détourner les yeux de la situation actuelle et de celle qui approche, il y a bien assez d’amateurs sans moi. »

Et il ajoute là une note bien intéressante :

« À propos, on continue à m’attribuer des ouvrages polémiques et accusateurs contre la fondatrice du néo-bouddhisme, la défunte H.P. Blavatsky. Eu égard à ce fait, j’estime nécessaire de déclarer que je ne l’ai jamais rencontrée, que je ne me suis jamais soucié d’aucune investigation ni accusation portant sur sa personne et sur ce qu’elle a fait paraître et que je n’ai jamais rien publié sur ce sujet (pour ce qui concerne la Société théosophique et sa doctrine, voir ma notice dans le dictionnaire Vengerov et ma recension du livre de Blavatsky Key to the Secret Doctrine [La clé de la Doctrine Secrète] dans Rouskoié Obozrénié). »[13] [Caractères gras c.l.]

Cela ne l’empêcha pas toutefois, dans la première édition du Court récit sur l’Antichrist – ce sera gommé ultérieurement – de faire de son mage antichristique Apollonius un « descendant à la troisième ou quatrième génération de Elena Petrovna Blavatskaja ». L’ésotériste au service de l’Antichrist en tant qu’arrière-petit-fils de H.P. Blavatsky ! Belle intuition !

Le combat spirituel et l’Ère des Poissons

On a l’impression que Soloviev découvre (depuis 1888, puis encore un cran plus loin depuis 1898) la nouvelle position de l’homme dans l’économie du bien et du mal, de la nouvelle dynamique morale telle qu’elle s’est peu à peu mise en place depuis 1413, puis 1604, 1841, 1879, et maintenant 1899. Il semble s’éveiller, et du coup il veut éveiller les autres, au désormais nécessaire combat de l’homme contre la falsification du bien.

Lui, le non-violent, le « non-combattant » [« aber nicht ein Kämpfer » (mais pas un combattant, pas un lutteur)] (19.9.1924), il en est lui-même bouleversé, et pendant un an, jusqu’à Pâques 1900, il va rédiger cette étrange petite apocalypse qu’il avait initiée à la Villa Marie-Mélanie, là où il avait déjà rédigé la première des Trois conversations, si déroutante pour les spiritualistes pacifistes, « Sur la guerre », et donc dans l’aura de cette École de combat spirituel que fut Lérins du Ve siècle de notre ère. Dès la conférence du 16 juin 1910 à Christiania [Oslo] (GA121), Steiner avait signalé qu’il n’y a guère de plus grande polarité ou opposition qu’entre la Cité de Dieu (Théopolis) de Saint Augustin et l’état christifié tel que le pense Soloviev. Oui, par un raccourci fulgurant (de 15 siècles !), il avait ce jour-là mis en relation, ou plutôt donc en opposition, Augustin d’Hippone et Soloviev ! Il devient dès lors logique que Soloviev vienne vers 1900 près de ce point d’appui (Lérins) de l’anti-augustinisme (du vivant même d’Augustin, 354-430, contemporain de Saint Honorat, le fondateur de Lérins vers l’an 400 ou 410).

C’est un peu comme si Soloviev, 16 et 15 siècles plus tard, « refaisait » le Concile de Nicée (325) où fut condamné l’arianisme, et aussi le Concile de Carthage (418) où fut condamné le pélagianisme. Et cela pour aboutir à cet étrange et fictif concile à Jérusalem qui clôt la Courte relation et toute l’œuvre de Soloviev. Ce qui avait commencé quelque part vers l’an 300 lors d’un concile connaît quelque part vers 2000-2100 (le concile fictif de Jérusalem de la Courte relation) une sorte de point d’orgue, dont Soloviev vient chercher l’impulsion (vers 1900) dans un ancien haut-lieu du pélagianisme (en l’occurrence semi-pélagianisme). On commence à comprendre que Steiner nous signale que ce destin sur trois incarnations est particulièrement apte à nous montrer les enchaînements kèrmiques quasiment à l’état pur :

« Mais je voudrais évoquer une autre personnalité – comme dit, je recule presque de le faire, mais elle est extrêmement significative de ce qui se trouve transmis [transféré, reversé] du passé dans le présent et de comment s’opère une telle transmission [transfert, réversion]. » (19.9.1924)

Sur la fin de sa troisième incarnation « chrétienne », Vladimir Soloviev, après avoir longtemps porté un christianisme irénique et œcuménique (aux sens nobles des termes) tout imprégné de compassion, s’éveille douloureusement à la réalité de la falsification du bien et du combat désormais nécessaire dans le monde et dans l’homme pour restituer le bien.

Un tel processus avait commencé dès 1888 chez Soloviev (âgé alors de 35 ans) – année-clé qui voit par ailleurs la parution de la Doctrine secrète de H.P. Blavatsky et la rédaction de L’Antichrist[14] de Nietzsche – comme on peut le comprendre dans cette lettre qu’il adresse (en français) à Eugène Tavernier le 21 juillet 1888 :

« Me voilà rentré dans la Ville-Lumière [ndt : Paris].  (…) Les 10 jours passés à la campagne m’ont fait du bien. Si j’ai des tristesses je n’ai plus de soucis et je regarde plus ou moins toute chose sub specie aeternitatis [ndt : sous l’angle, sous l’aspect, de l’éternité] ou au moins sub specie antechristi venturi [ndt : sous l’angle, sous l’aspect, de la venue de l’antéchrist]»

Au cours des douze années suivantes (1888-1900), dont dix et demie forment l’extrême fin de l’Âge Noir de 5000 ans, Soloviev entre dans le vif de la confrontation du mal et du bien (Le sens de l’amour, La justification du bien, Les trois rencontres, La vie tragique de Platon, Trois conversations, Courte relation sur l’Antichrist) propre à l’Ère des Poissons et de la Vierge (1413-3573). Il découvre la nature du mal tel qu’il va se déployer dans l’humanité et la nature du combat qu’il va falloir mener, un combat de conscience contre la « diversion » d’un côté, contre la « substitution » de l’autre,[15] combats plus difficiles que tous les précédents parce que l’ennemi est et sera de plus en plus camouflé, déguisé, falsificateur, ce qu’il résume à l’extrême fin de son œuvre :

« La Dame – Mais quel est donc le sens dernier de ce drame ? Car je ne comprends pas pourquoi votre Antéchrist hait tant Dieu, tout en étant lui-même essentiellement bon et non pas méchant.

Monsieur Z. [qui représente Soloviev] – C’est qu’il n’est pas essentiellement bon. Voilà tout le sens du drame. Je retire ce que j’ai dit tout à l’heure : ‘L’Antéchrist ne s’explique pas en proverbes.’ Il peut s’expliquer entièrement par un seul proverbe et même par un proverbe bien peu subtil : Tout ce qui brille n’est pas d’or. » (Trad. Jean-Baptiste Séverac, 1910).

Et, parce que c’est tellement essentiel, en voici une autre traduction :

« La Dame – Mais, en somme, quel est le sens de ce drame ? Je ne parviens pas à comprendre pourquoi votre Antéchrist a tant de haine pour la divinité, puisque, au fond, il est bon et non mauvais ?

M.Z. – C’est que, précisément, il n’est pas bon au fond. Et tout le sens du drame est là. Aussi, je retire ma déclaration de tout à l’heure, quand je disais : ‘On n’explique pas l’Antéchrist rien qu’avec des proverbes.’ Pour l’expliquer entièrement, il suffit d’un seul proverbe, qui est d’ailleurs d’une extrême simplicité : ‘Tout ce qui brille n’est pas or’. Le bien frelaté qui a perdu son éclat n’a plus aucune valeur essentielle. » (Trad. Eugène Tavernier, 1916) [Caractères gras dans le texte de la traduction]

Et une troisième :

« La Dame – Mais enfin quel est exactement le sens de ce drame ? Je n’arrive pas à comprendre pourquoi votre Antéchrist déteste Dieu à ce point puisqu’il n’est pas méchant au fond, il est bon.

M.Z. – Précisément, ce n’est pas au fond qu’il est bon. C’est là toute l’affaire. J’ai eu tort de dire tout à l’heure que ‘L’antéchrist ne peut s’expliquer seulement par proverbes.’ Il s’explique par un seul proverbe, et l’un des plus simples : Tout ce qui brille n’est pas or. Si à ce bien falsifié on enlève son éclat, il n’a plus aucune force essentielle. » (Trad. Jean Gauvain, 1950) [Caractères gras dans le texte de la traduction]

Et une quatrième :

« La Dame – Mais quel est, finalement, le sens de ce drame ? Et puis, tout de même, je ne comprends pas pourquoi votre Antéchrist déteste Dieu à ce point, tout en étant essentiellement bon, et non pas méchant.

M.Z. – Justement : il ne l’est pas essentiellement. Tout est là. Et je retire ce que j’avais dit en annonçant ‘qu’on n’explique pas seulement l’Antéchrist à coups de proverbes’. Il s’explique tout entier par un seul proverbe, bien simple d’ailleurs : ‘Tout ce qui brille n’est pas or.’ Cette contrefaçon du bien a autant de brillant que l’on veut, mais de force essentielle, elle n’en a pas du tout. » (Trad. Bernard Marchadier et François Rouleau, 1984)

[c.l. : J’ai gardé « Antéchrist », qui se trouve dans le texte original des citations.]

Une mesure d’hygiène spirituellement appréciable…

Dans sa préface de Pâques 1900, Soloviev décrit bien la source de sa sainte colère :

« En outre, je suis profondément convaincu que parler pour dénoncer l’erreur – en allant jusqu’au bout – même si cela ne produit sur personne aucun effet bienfaisant dans l’immédiat, c’est tout de même, outre l’accomplissement subjectif d’un devoir moral pour celui qui parle, une mesure d’hygiène spirituellement appréciable, dans la vie de la société tout entière, une mesure essentiellement utile à cette société, et pour le présent et pour l’avenir. » (…) « L’antichrist jettera le voile étincelant d’une fausse lumière et de la justice sur le mystère d’iniquité. » (…) « Montrer par avance le visage trompeur derrière lequel se cache l’abîme du mal, tel fut mon suprême dessein en écrivant ce petit livre. » (…) « … le désir puissant et persévérant d’éclairer, de façon perceptible et accessible à tous, ces aspects majeurs de la question du mal qui doivent toucher chacun de nous. »

Il n’y aura pas d’Âge Lumineux (ou Âge Clair)[16] sans que l’homme n’exerce le discernement de la lumière, le discernement des différentes sortes de lumière, auquel Paul de Tarse invitait déjà.

Pour élargir maintenant cette tonalité, cette nécessité d’assumer désormais le combat spirituel et la guerre occulte, je ne vois pas de meilleure citation que ces phrases que Steiner prononcera quelque 17 ans après la mort de Soloviev ; la confrontation avec le mal prend ici une dimension macrocosmique :

 « (…) Un grand combat surviendra à l’avenir. La science humaine abordera le domaine du cosmique ; mais c’est de plusieurs manières différentes que la science humaine cherchera à aborder le cosmique. Ce sera la tâche de la bonne science, de la science salutaire, que de trouver certaines forces cosmiques qui peuvent naître sur la Terre de l’action conjuguée de deux courants cosmiques opérant dans une certaine direction. Ces deux courants seront : Poissons-Vierge. Avant toute chose il faudra découvrir le secret de comment ce qui agit depuis le cosmos en tant que force solaire selon la direction des Poissons se lie avec ce qui agit selon la direction à partir de la Vierge. Ce sera le Bien, que de découvrir comment, à partir de deux côtés du cosmos, des forces du matin et des forces du soir peuvent être mises au service de l’humanité : d’un côté à partir des Poissons, de l’autre côté à partir de la Vierge. (…) Conquérir le cosmique pour l’humanité, ou bien de façon incorrecte et ce de deux manières [ndt : Gémeaux et Sagittaire], ou bien de façon correcte d’une seule manière [ndt : Poissons-Vierge], voilà ce qui se présente à l’humanité. Cela donnera une véritable rénovation du domaine astrologique, lequel, dans sa forme ancienne, était une chose atavique, qui ne saurait perdurer sous cette forme ancienne. Ceux qui ont une connaissance du cosmos se feront la guerre, les uns mettant en application les processus du matin et du soir de la façon que j’ai indiquée [ndt : Poissons-Vierge reliés] ; pour les autres : à l’Ouest on mettra en application de façon privilégiée les processus de midi [ndt : Gémeaux] en excluant ceux du matin et du soir ; et, en Orient, les processus de minuit [ndt : Sagittaire]. » (Dornach, 25 novembre 1917, GA178) [Caractères gras, soulignement et entre crochets c.l.]

Alors Soloviev, comme concentrant à l’extrême la quintessence de ses trois dernières incarnations, celle de l’anachorète témoin du pivot, de l’axe de « 333 », celle de la moniale visionnaire au Moyen-Âge, avec entretemps cette capacité à voir en images – non pas des pensées, ni les pensées, mais le Penser-même de l’Univers –, celle enfin de ce philosophe qui, parallèlement à Guyau, Nietzsche, Schröer, Brentano, Steiner, épouse la fin de la philosophie et voit sourdre la théo-anthropie, la divino-humanité, Soloviev alors inaugure le nouveau combat de la lumière au sein des ténèbres.

Notons que quatre jours après cette conférence où il nous dévoile le kèrma de Soloviev à travers deux de ses incarnations antérieures, le 23 septembre 1924 donc, Rudolf Steiner indiquera deux incarnations postérieures de Platon. Rudolf Steiner indique que Platon s’est incarné au Xe siècle dans une personnalité féminine, une moniale,[17] comme Soloviev. Puis, en 1825, en Karl Julius Schröer (1825-1900). Or, en 1898, Soloviev vient de rédiger un essai sur Le drame de la vie de Platon.[18] Et c’est à Cannes même, en 1899, que Soloviev rédige un avant-propos aux œuvres de Platon dont il a commencé la traduction.[19] A. Nevsky[20] signale bien l’importance de cet intérêt :

« Toutefois, un intérêt plus profond pour la pensée de Platon se réveille chez Soloviev à la fin de sa vie comme un besoin de retourner aux origines de la philosophie occidentale au moment où sa propre pensée subit un tournant décisif. Il entreprend alors une nouvelle traduction en russe de l’œuvre intégrale de Platon, qu’il ne réalisera que partiellement, et écrit l’essai Le Drame de la vie de Platon (1898) où il propose une analyse philosophique de l’œuvre platonicienne. »

On peut esquisser sub specie reincarnationis un vaste geste s’étendant sur 2300 ans (voire 2500 si l’on élargit aux présocratiques), vaste geste qui d’une certaine manière résume toute l’histoire de la « Philosophie », depuis Platon (vers 400 avant J.-C.) ou Thalès de Milet (vers 600 avant J.-C.), jusqu’à l’année 1900 où meurent :

  • Soloviev le 13 août 1900 ;
  • Nietzsche le 25 août 1900 ;
  • J. Schröer (donc Platon) le 16 décembre 1900.

Au beau milieu de cet étrange moment de quatre mois – de la mort de Soloviev à la mort de Schröer – de « fin de la philosophie », au sens propre osé-je dire, un certain Steiner, depuis 7 ans exactement (automne 1893) auteur de La philosophie de la liberté, entame, le 29 septembre 1900, une œuvre essentiellement orale qui va durer 24½ ans et où vont être posées les bases de la démarche qui est issue de – et qui métamorphose, qui la fait se retourner elle-même, comme on retournerait sur lui-même un gant (Umstülpung) – « La philosophie », 2500 ans de philosophie, toute la philosophie, toute la Pensée de la seconde moitié de l’Âge des ténèbres. Il est fascinant, d’un point de vue kèrmique, d’observer Soloviev consacrant une grande part de ses trois dernières années de vie à Platon, quand on a dans l’idée que l’entéléchie de Platon est alors en train de terminer sa vie à Vienne. Schröer avait consacré sa vie à Goethe. Voilà que Soloviev éprouve le besoin d’embrasser 25 siècles de philosophie. Et là d’un seul coup, en l’espace de quatre mois, comme dans un entonnoir, dans cette année en équilibre instable entre XIXe et XXe siècles, entre Âge Noir et Âge Lumineux, 2500 ans de pensée se concentrent à l’extrême, comme en un fruit, en une graine.

Karl Julius Schröer 1825-1900

Karl Julius Schröer (1825-1900)

Quelque chose m’a frappé dans cette dernière œuvre (Trois conversations) du grand philosophe russe : sa ressemblance structurelle avec une autre œuvre, à savoir les Conversations d’émigrés allemands de Goethe (1785). Dans les deux cas il s’agit de conversations entre émigrés, qui s’étendent sur trois soirées, qui concernent des sujets subtilement liés aux enjeux profonds de l’époque (fin du XVIIIe siècle, puis fin du XIXe siècle), et à la suite desquelles soirées surgit, les deux fois, un élément d’un style littéraire tout autre, une fois le Conte du Serpent vert, et l’autre fois la Courte relation sur l’Antichrist. Mieux : dans les deux cas, les auteurs ont 46 ans. Ce rythme de 46 ans apparait une autre fois encore dans l’histoire littéraire : 46 ans après le début de l’Ère des Poissons (1413), en même temps inauguration de la Rosecroix, auraient eu lieu, en 1459 donc, les Noces Chymiques de Christian Rosenkreutz (Anno 1459).[21] Dans les trois cas, il s’agit d’un « avertissement rosecroix », lancé comme une bouteille à la mer.

Qu’y a-t-il de si particulier dans la Courte relation sur l’Antichrist qui clôt les Trois conversations ?

La préface de Soloviev s’intitulait « La falsification du bien ». Par ces mots, il nous donne une formule-clé de l’aspect négatif de l’Ère des Poissons, de la 5e Époque, de l’Âge de l’âme de conscience, de « Sardes » (Apocalypse 3,1 : « Tu as renom de vivre mais tu es mort ! »). En face de cette falsification du bien, il faut désormais s’engager dans le combat spirituel, et ce sur deux (voire trois) fronts – ahrimanien et luciférien (et asourique), comme on ne pourra le comprendre que dix ans plus tard, quand Steiner aura dévoilé ce mystère du double (voire triple) mal –, une thématique du combat qui est omniprésente dans les Trois conversations et dans le Récit sur l’Antichrist. Le doux, le non-lutteur, est devenu un homme de combat. Il y a quelque chose d’éminemment paulinien – et Steiner le soulignera explicitement le 1er juillet 1909 (GA112) – dans le christianisme de résurrection de Soloviev, de ce Paul de la Seconde lettre aux Corinthiens (Chap.11, versets 13-14) : « Ces gens-là sont de faux apôtres, des faussaires camouflés en apôtres du Christ ; rien d’étonnant à cela : Satan lui-même se camoufle en ange de lumière. »

On croirait lire la préface de 1900 :

« (…) Lorsqu’il y a des gens pour penser et pour dire tout bas que le Christ a vieilli, qu’il est dépassé, voire qu’il n’a pas existé du tout, qu’il s’agit d’un mythe imaginé par l’apôtre Paul, et que ces gens-là continuent obstinément à se désigner comme ‘véritables chrétiens’ et recouvrent la prédication de leur vide par des paroles évangéliques détournées de leur sens, alors l’indifférence et la condescendance dédaigneuse ne sont plus de saison. Considérant que l’atmosphère morale est infectée par un mensonge systématique, la conscience publique exige à grands cris que la mauvaise action soit appelée par son vrai nom. La tâche véritable de la polémique ici n’est point de réfuter une pseudo-religion mais de dévoiler une vraie tromperie. [Mise en relief de V.S.] »

Dix ans avant la caractérisation par Steiner des deux (voire trois) forces du mal en polarité (22 mars 1909, GA107), de la dynamique du mal à notre époque, Soloviev – dans la lignée de ce qu’avait fait un siècle auparavant Louis-Claude de Saint-Martin, en 1799 (dans Le Crocodile) – perçoit le principe de substitution, de falsification, et le principe de détournement, de distraction, de diversion.[22] L’Empereur-Antichrist et le Mage Apollonius illustrent ces deux pôles, avec leurs synergies et complicités protéiformes.

Retours d’Égypte

Par deux fois, c’est après un voyage en Égypte que Soloviev vient sur la Riviera (la Côte d’Azur), une fois à Nice, une fois à Cannes, comme pour transférer son expérience égyptienne du IVe siècle dans notre époque, et la seconde fois il le fait donc au sortir exact de l’Âge Sombre ; on peut penser que Soloviev est venu raviver ou dynamiser à Cannes la mémoire kèrmique de son incarnation dans la Thébaïde : il fait cela plusieurs mois après le séjour en Égypte qu’il a accompli en 1898 et qui fut crucial pour sa prise de conscience du problème du mal.

Il avait effectué un premier voyage en Égypte en 1876, et, de retour, il s’était arrêté à Nice (à 30 kilomètres de Cannes). On garde de ce premier « retour d’Égypte » le poème suivant – très rosecroix ou évoquant « Flor et Blancheflor » –, écrit à Nice au début du mois de mai 1876 :

Le chant des ophites

Le lis blanc avec la rose,
La rose écarlate, nous les marions.
L’éternelle vérité, nous la trouverons
Dans les mystères de la rêverie prophétique.

Prononcez la parole prophétique,
Jetez plus vite vos perles dans la coupe !
Par les nouveaux anneaux de l’ancien serpent,
Liez notre colombe.

Le cœur libre ignore la souffrance.
Comment redouterait-elle le feu de Prométhée ?
La pure colombe se sent libre
Dans les anneaux de flamme du puissant serpent.

Chantez les orages fervents.
C’est dans l’orage fervent que nous trouvons le calme.
Marions le lis blanc
Avec la rose ! la rose écarlate.

Vladimir SOLOVIEV.

Recueilli dans Anthologie de la poésie russe du XVIIIe siècle à nos jours,
par Jacques Robert et Emmanuel Rais, Bordas, 1947.


À la fin de la conférence du 19 septembre 1924, Steiner, de façon subtile, comme en passant, évoque le lien entre la double expérience de Soloviev au IVe siècle, puis au Moyen-Âge, avec les mystères d’Isis et de la Sophia, faisant de Soloviev un véritable passeur des impulsions de l’Ère Taureau-Scorpion dans l’Ère Poissons-Vierge, mais de façon christifiée :

« Quiconque lit les écrits de Soloviev et voit en arrière-plan la moniale pieuse avec ses merveilleuses visions, avec sa dévotion infinie à l’être du Christ, quiconque voit ce personnage partir avec les sentiments les plus amers du Concile [ndt : de Nicée] où il avait proposé du si grand, du si important, quiconque voit pour ainsi dire deux fois le christianisme dans l’âme et dans le cœur de cette individualité comme arrière-plan – sous sa forme rationnelle, mais une forme rationnelle inspirée, et ensuite sous une forme visionnaire – peut dire : Pour celui-ci, rien ne se trouve profané (désacralisé) par le fait de lever le voile du mystère. » (19.9.1924)

En l’espace d’une page, à la fin de cette conférence, Steiner prononcera six fois le mot « profanation ». Alors, il évoque, sans le nommer, un autre écrivain qui avait osé métamorphoser l’antique interdiction isiaque de lever le voile :

« Un romantique allemand a un jour eu le courage de penser, au sujet de la fameuse parole isiaque, autrement que tous les autres. Cette célèbre sentence d’Isis est : Je suis ce qui était, ce qui est, ce qui sera ; aucun mortel encore n’a soulevé mon voile – Et ce romantique allemand a répondu à cela : Alors, c’est que nous devons devenir immortels, afin de le soulever ! Les autres n’avaient fait qu’accepter la sentence. » (19.9.1924)

Le romantique que Steiner, ce jour-là, ne nomme pas n’est autre que Novalis, en son texte Les disciples à Saïs,[23] Novalis à qui sera consacrée la Dernière Adresse (ou Dernière Allocution), neuf jours plus tard, le 28 septembre 1924.

Les disciples à Saïs est considéré comme sa première œuvre (vers 1798) proprement dite. C’est en conclusion du petit premier chapitre (d’environ quatre pages) intitulé « Le disciple » que survient cette subtile inversion de la sentence isiaque, qui pourrait presque apparaître comme une profanation mais qui en est le contraire :

« Les admirables collections et les Figures, dans les salles, me réjouissent ; seulement, pour moi, c’est comme si elles n’étaient que les tableaux, les étoffes, les ornements rassemblés autour d’une merveilleuse image divine, et c’est à celle-ci que je pense toujours. Elle, je ne la cherche pas ; je cherche souvent dans les autres. C’est comme si elles devaient me montrer le chemin où, profondément endormie, est la vierge vers laquelle mon esprit se tend. De cela le Maître ne m’a jamais parlé et je ne peux moi-même lui faire confidence de rien ; cela me semble un secret inviolable. (…) L’étrangeté, justement, me devient étrangère, et c’est la raison pour laquelle cette collection m’a toujours à la fois repoussé et attiré. Quant au Maître, je n’ai ni le pouvoir, ni la volonté de le comprendre. Il m’est justement cher ainsi, incompréhensiblement. Lui, je le sais, me comprend ; jamais il n’a parlé contre mon sentiment ou mes désirs. Bien au contraire : il veut que nous suivions chacun notre propre voie, car toute voie nouvelle traverse de nouvelles contrées et reconduit chacun, à la fin, à ce domicile, à cette patrie sacrée.

Je veux, moi aussi, décrire de la sorte ma Figure ; et si, d’après l’inscription, aucun mortel ne soulève le voile, alors nous devons tâcher à nous faire immortels :

Celui qui ne veut pas, celui qui n’a plus la volonté de soulever le voile, celui-là n’est pas un disciple véritable, digne d’être à Saïs. » [Fin du chapitre] (Traduction : Armel Guerne)

Subtilement, Steiner établit donc une assonance entre Soloviev et Novalis. Rappelons que Soloviev est mort le 13 août 1900, douze jours avant Nietzsche, et que c’est un mois après ces deux décès que Steiner va entamer un chemin « de verbe anthroposophique », un chemin qui va durer 24 ans moins un jour, entre le 29 septembre 1900 (où il parle du Conte du Serpent vert) et le 28 septembre 1924 (sa dernière conférence)[24] où il parle de l’entéléchie de Novalis.

Après quoi, en conclusion de cette conférence kèrmique du 19 septembre 1924, il propose la non-désacralisation, la non-profanation, comme tonalité de base d’une anthroposophie qui doit certes désormais oser soulever le voile, mais qui doit le faire dans une véritable attitude, un véritable esprit, une véritable disposition d’esprit [Gesinnung], de non-profanation :

« Si nous découvrons le véritable élément immortel en nous, le spirituel-divin, alors nous pouvons nous approcher de maint secret, sans le profaner, de mainte chose qu’avec une confiance moindre en la propre divinité de notre être nous n’aurions pas le droit d’approcher. Est ainsi esquissée la disposition d’esprit qui devrait se déployer de plus en plus sous l’effet de telles considérations, comme la précédente et celle-ci, lesquelles devraient ensuite agir sur l’action et la vie de ceux qui apportent de la manière indiquée leur kèrma à la Société anthroposophique. » [Fin de la conférence]

La « confiance en la propre divinité de notre être » est vraiment la marque de l’attitude de Soloviev.

Soloviev en 1900 dernière photographie

Soloviev en 1900 (dernière photographie)

L’anthroposophie existe pour « lever le voile », mais à condition de le faire dans cette attitude de respect et de non-profanation dont Novalis et Soloviev nous ont montré le chemin. Les deux sont par excellence des êtres profondément liés au Mystère de la Sophia, et Steiner semble nous mettre en garde prémonitoirement et préventivement sur les dangers qui sont, et seront de plus en plus, liés à des « sophianismes » profanatoires, qui sont aujourd’hui légion, et en particulier dans les milieux se réclamant abusivement de l’anthroposophie.

1899, au milieu entre 1888 et 1910

Si l’on considère l’année 1899, elle est pour ainsi dire la première, « l’Initiale » d’une période bien spécifique de 2500 ans, la durée du Cinquième Youga qui fait suite aux 5000 ans du Kali-Youga.

Si on la prend comme axe, comme pivot, on peut, comme en miroir de part et d’autre de 1899, percevoir comme « se répondant » l’année 1888, encore dans le Kali-Youga, et l’année 1910, déjà depuis onze ans dans l’Âge Clair. Or, 1888 fut et demeure attachée à deux manifestations majeures de la « fausse lumière » contre laquelle Soloviev cherche à prévenir, deux œuvres parmi les plus brillantes de la littérature mondiale mais l’une comme l’autre – et de deux façons très différentes – habitées, au sens propre, par des forces antichristiques (pas seulement antichrétiennes). Pour l’une, L’Antichrist de F. Nietzsche, c’est on ne peut plus explicite, c’est le titre et c’est le propos : l’auteur, ou plutôt son inspirateur, voulait briser en deux l’évolution même de l’humanité, et ce à la date fatidique du 30 septembre 1888, le lendemain de la Saint-Michel. L’âme de Nietzsche se traînera encore pendant trois mois à Turin sous le poids de cet acte terrible, et Steiner nous apprendra en 1924 que cela fut lié à un évènement terrible du passé récent : la première fois dans l’Histoire du monde qu’Ahrimane a écrit un livre par le truchement d’un être humain.[25]

Der Antichrist Nietzche

Et c’est aussi en 1888 que Héléna Petrovna Blavatsky, rentrée en Europe depuis 1885 (après son séjour en Inde de 1879 à 1885), publie les deux volumes (octobre et décembre) de The Secret Doctrine [La Doctrine Secrète].

 

The Secret Doctrine 1888 1  The Secret Doctrine 1888 2

The Secret Doctrine, Édition originale, 1888.

Cette œuvre dense et touffue, si elle renferme des connaissances occultes indéniables, est, elle aussi, le fruit d’une inspiration médiumnique très complexe et surtout très diverse. Ici, nous sommes totalement dans le domaine de l’ésotérisme, de l’occultisme. La part orientale, du moins nominalement, y est prépondérante mais elle ne doit pas oblitérer la composante anglo-américaine (le livre est publié à Londres, New York et Adyar, dans cet ordre). Le christianisme et le Christ y sont sans cesse minimisés, la plupart du temps sous l’angle de la diversion, plus que de la substitution.[26]

Dans le sens de la polarité des forces du mal – qui ne sera présentée qu’en 1909 (pour la première fois dans l’Histoire du monde de façon explicite) par Rudolf Steiner –, on peut estimer que le livre de Nietzsche est plutôt ahrimano-luciférien, tandis que celui de Blavatsky est plutôt luciféro-ahrimanien. Et tout cela, pour ainsi dire, dans la sphère de cette année 1888, marquée par ce triple Huit, par le 8e signe, celui du Scorpion, lequel certes peut devenir l’Aigle, mais seulement à condition de franchir de façon juste le seuil du monde spirituel. Soloviev, onze ans plus tard, est, comme on pourrait le voir à travers des exemples précis, sensible à ce qui se passe alors. C’est bien de cette année 1888 que date chez lui un tournant à partir duquel il verra tout « sub specie antechristi venturi ». Et c’est bien cela que, sentant sa mort prochaine, il veut consigner d’urgence ; il y arrive de justesse avant de mourir le 13 août 1900,[27] douze jours avant Nietzsche, lequel depuis onze ans et demi était dans un état de prostration catatonique. Au cours de ces onze ans, Soloviev voyage d’une certaine manière « avec » ces deux médiums antichristiques, auxquels il reconnaît sans doute, comme Rudolf Steiner le fait aussi, une belle combativité, et une possible future capacité de rédemption, même si, dans le contexte de 1888, en cette heure fatidique de l’Histoire,[28] ils ont lourdement chuté, entraînant dans des zones troubles un gigantesque pan de la recherche ésotérique, spirituelle et philosophique.

De l’autre côté du miroir, onze ans après cette année-charnière de 1899, en 1910 donc, va surgir, vraiment comme un éclair de lumière dans les ténèbres, le merveilleux voyage de Rudolf Steiner à travers l’Europe.[29] Sans pouvoir décrire ici ces cinq mois où Steiner devient le prophète annonciateur de la parousie[30] éthérique du Christ à partir de 1933, signalons simplement qu’il s’agit d’une Annonce unique dans l’Histoire du monde. Personne avant, personne en même temps, et personne depuis, n’a présenté ainsi – du point de vue occulte – ce qu’on appelle couramment le « Retour du Christ » ou la « Seconde Venue » mais que je préfère appeler la « Parousie éthérique » parce que spécifiant le niveau de cette manifestation : au-delà du physique, en forme éthérique sur le plan astral. D’autres manifestations ou parousies suivront, sur des niveaux toujours plus hauts, vers lesquels c’est désormais à l’humanité de travailler à s’élever.

Rudolf Steiner est le seul – je dis bien le seul – ésotériste à qualifier, à caractériser ainsi cet évènement, cet avènement éthérique, en aucun cas physique ; c’est ce qui distingue son enseignement de tous les autres ésotérismes.

On peut dire que chez Soloviev, la notion de la seconde venue est omniprésente ; plus que comme un thème parmi d’autres, c’est la « tonique » de son œuvre, sub specie Christi venturi. Ses trois vies consacrées au Christ l’ont conduit au seuil de cet Âge Clair qui devra être celui de la parousie éthérique, et à peine neuf ans et quelques mois après sa mort, il va voir – depuis les mondes spirituels – se lever cet Annonciateur qui, comme lui-même, mais sans doute plus précisément, plus décisivement que lui-même, va lier la pensée et la vision pour célébrer la nouvelle modalité de présence du Christ. On se rappellera ici que dans la toute-première allocution concernant l’Annonce, le 12 janvier 1910 à Stockholm, c’est vraiment dans une tonalité solovièvienne, dans la dualité Christ/Antichrist, que cela est fait par Rudolf Steiner, avec la mention explicite (trois fois en quelques lignes) de l’année 1933 :

« Vers 3000 ans av. J.-C. commença le Kali-Youga ; dura jusqu’en 1899. Époque de transition 1899-1933. En 1933 les hommes auront à nouveau des facultés de clairvoyance qui se développeront de façon naturelle. À ce moment, dont nous nous approchons, les facultés de clairvoyance à leurs débuts devront être (satisfaites), il faudra faire l’expérience de ce à quoi elles pourront servir. ‘Je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde’ [Mt. 28,20]. C’est dans une forme éthérique que le Christ apparaîtra. Le Christ physique[31] est devenu l’Esprit de notre Terre. Ce fut le point central [milieu], l’hypomochlion de l’évolution de la Terre. 5e lettre de l’auteur de l’Apocalypse [à l’Église de Sardes] : ‘Je viendrai, mais prenez garde que vous me reconnaissiez’ [Apocalypse 3,3]. L’humanité a 2500 ans pour développer à nouveau les dons de clairvoyance. Vers 1933 les évangiles devront être connus dans leur signification spirituelle, de façon à avoir agi de façon préparatoire[32] pour le Christ. Sans quoi, une infinie confusion de l’âme s’ensuivrait. Vers 1933 il y aura de nombreux envoyés d’écoles de magie noire, qui annonceront de façon (fausse) fallacieuse un Christ physique. Le Christ, lorsqu’il deviendra perceptible, le sera chaque fois pour des facultés différentes. » (GA117a, notes succinctes de Marie Steiner)[33] [entre crochets : compléments du traducteur c.l.]

Puis le 20 septembre 1924 (GA346), à l’extrême fin de son activité de conférencier, et donc le lendemain même de la conférence sur le kèrma de Vladimir Soloviev (19 septembre 1924) :

« On pourrait dire, dans le sens de l’auteur de l’Apocalypse : ‘Avant[34] que le Christ éthérique ne puisse être perçu de manière juste par les hommes, l’humanité doit d’abord avoir fait la rencontre de la Bête, qui montera en 1933.’ ».

Ce serait un autre sujet que de décrire cette Bête, telle qu’elle émergea une première fois en 1933 (et dont Hitler ne constitua que la partie la plus visible et caricaturale), la partie immergée de cette Bête continuant sa progression depuis, Bête s’installant plus en profondeur en 1998-1999 (= 666 X 3), lors de sa seconde montée, et Bête prête désormais à influer sur tout le 3e millénaire.

Le second avènement fut toujours au cœur de la démarche de Soloviev :

« Il suffit, avant de prendre une décision importante pour la vie personnelle ou pour la vie sociale, d’évoquer dans notre âme l’image morale du Christ, de nous en pénétrer surnaturellement et de nous demander : Pourrait-Il, Lui, agir ainsi ? ou, autrement dit : Approuvera-t-Il ou non cette action ? Me bénira-t-Il ou non de l’accomplir ? Je propose ce contrôle à tous ; il ne trompera pas. Dans tous les cas douteux, s’il vous est encore possible de vous reprendre et de réfléchir, pensez au Christ, imaginez-Le vivant, tel qu’Il est en vérité, et chargez-Le de tout le poids de vos doutes. Il a accepté d’avance de prendre, avec tous les autres, ce fardeau, non pas certes, afin de vous ôter la responsabilité de vos actions mauvaises, mais pour que, vous étant adressés à Lui, vous étant appuyés sur Lui, vous puissiez vous abstenir du mal et devenir, dans les passages difficiles, les instruments de Sa vérité infaillible. Si tous les hommes de bonne volonté – hommes privés, hommes publics et chefs des peuples chrétiens – commençaient, dès maintenant, à faire usage de cette méthode sûre, dans tous les cas où ils doutent, ce serait déjà le début du second avènement et une préparation au redoutable jugement du Christ, ‘puisque les temps sont proches’. (Mt. XXVI, 18) » (V. Soloviev, Les fondements spirituels de la vie [1882-1884]) (Bruxelles, 1932, Trad. Georges Tzebricow)

D’une certaine manière, Steiner ancre dans le réel et dans l’Histoire la prophétie de Soloviev ; il donne l’étalon chronologique permettant de dater et donc de « recadrer » les images de la Courte relation sur l’Antéchrist de Soloviev. En bref, tout cela commence en 1933 (voire en 1909-1910, voire en 1899-1900), pour occuper les 2500 ans qui suivent, et donc en particulier l’ensemble des 3e et 4e millénaires. C’est pendant tout ce temps que vont sévir l’Empereur-Antichrist, et son serviteur-inspirateur : l’ésotérisme de manipulation. Certes, à des moments précis de ces deux millénaires, il y aura des « incarnations » plus ponctuelles de ces forces antichristiques, ainsi, dans l’avenir, l’incarnation-même d’Ahrimane. Antichrist ahrimanien et antichrist luciférien ne font que commencer leur carrière, en confrontation avec les parousies successives du Christ, à commencer donc par la confrontation de 1933, qui fut la première manifestation du Sorath au XXe siècle, puis celle de 1999 – dans laquelle nous sommes – beaucoup plus subtile et insidieuse.

Ce que Soloviev voulait pour ainsi dire « résoudre » en quelques années, voire quelques jours, par son concile de Jérusalem à grand spectacle, va s’étendre sur des millénaires. Des Antichrists, et des « Apollonius »,[35] chaque génération en aura sa part, et il est clair que depuis un siècle, nous en avons déjà eu notre part : 99% de la politique est désormais sous le signe de l’antichrist (ahrimano-luciférien) et 99% de l’ésotérisme est sous le signe de l’antichrist (luciféro-ahrimanien). Et c’est bien normal, car c’est le sens même de notre époque : la terrible et merveilleuse Ère des Poissons (Anthropos) et de la Vierge (Sophia) (1413-3573), Temps d’une confrontation toujours plus consciente et plus vive avec le mal, Ère du Combat Spirituel, qui ne fait que commencer !

Conclusion : l’avertissement rosecroix de Soloviev

Pendant neuf mois, de l’automne 1911 à l’été 1912, va se tisser, au fil des conférences faites alors par Rudolf Steiner à travers l’Europe, une sorte d’organisme dans lequel vit la figure de Christian Rosenkreutz. Même si, avant et après, il est aussi question de la Rosecroix, c’est sans doute dans cette séquence de quelques mois qu’est le plus explicitement présente cette haute individualité (Caractérisation de sa personnalité historique et de sa mission, projet d’une Société sous son aile, Calendrier 1912-13 (sans nom d’auteur) comme unique production de cette Société, création de trois branches sous le nom de « Christian Rosenkreutz » à Neuchâtel [Suisse], Nice [France] et Hambourg [Allemagne]).

Et il est intéressant de noter les mentions furtives de Soloviev au sein de cette période :

  • 17 septembre, Lugano : Jeschoua ben Pandira ;
  • 19 septembre 1911, Locarno : Soloviev ;
  • 21 septembre, Milan : Les parousies lors des trois prochaines ères ;
  • 27-28 septembre, Neuchâtel : Inauguration de la Branche « Christian Rosenkreutz » par R. Steiner ;
  • 1er octobre, Bâle : L’éthérisation du sang ;
  • 4-14 octobre, Karlsruhe : De Jésus au Christ ;
  • 7 octobre, Karlsruhe : Au XXe siècle, le Christ devient « Seigneur du Kèrma » ; Apollonius de Tyane35; Pascal et Soloviev ;
  • 15-16 octobre, Stuttgart : « Dans quel sens sommes-nous théosophes et dans quel sens sommes-nous rosecroix ? » ;
  • 4-5-6 novembre 1911, Leipzig : Le futur Bouddha Maitreya ;
  • Octobre-novembre, Berlin : L’évolution du point de vue du vrai ;
  • 9 novembre, Berlin : Nostradamus ;
  • 16 novembre, Berlin : Paracelse ;
  • 20 novembre, Munich : Christian Rosenkreutz et Jeshoua ben Pandira ;
  • 28 novembre, Stuttgart : Protection de Rosenkreutz contre l’Antichrist luciférien ;
  • 28 novembre, Nice : Inauguration de la Branche « Christian Rosenkreutz » (sans la présence de R. Steiner)[36];
  • 1-3 décembre, Nuremberg : Jeschoua ben Pandira ;
  • 9 janvier, Munich : Christ/Antichrist ;
  • 12.1911 – 6.1.1912, Berlin : Tentative d’une « Gesellschaft für theosophische Art und Kunst » (tentative qui échoua) ;
  • 27 et 29 janvier 1912, Cassel : Données sur Christian Rosenkreutz ;
  • 8-9 février 1912, Vienne : Données sur Christian Rosenkreutz ; Soloviev ;
  • Avril-Mai 1912 : Kalender 1912-1913 (anonyme, sans nom d’auteur) ;
  • 2 mai 1912, Berlin : Raphaël-Novalis ;
  • 8 mai 1912, Cologne : Raphaël-Novalis ;
  • 16 mai, Munich : Raphaël-Novalis ;
  • 17 juin 1912, Hambourg : Inauguration de la Branche « Christian Rosenkreutz » par R. Steiner ;
  • 20 juin 1912, Berlin (citation ci-dessous) : Point d’orgue de ces neuf mois rosecroix.

On voit que sont aussi très présentes, au cours de ces mois, deux autres individualités intimement liées à la vraie théosophie et vraie anthroposophie : l’entéléchie du boddhisattva destiné à devenir le Bouddha Maitreya au cinquième millénaire, et l’entéléchie qui fut Élie et Jean-Baptiste puis Raphaël et Novalis.

À la mi-septembre 1911, vient d’avoir lieu l’annulation (au dernier moment) par Annie Besant du Congrès des fédérations théosophiques européennes à Gênes (Italie), laquelle annulation marque une bascule dans le processus de divorce entre théosophie et anthroposophie, divorce qui prendra encore plus d’un an à se réaliser complétement. Or, du coup, Steiner va pouvoir faire dans le Tessin suisse (Lugano, Locarno) et en Italie (Milan) des conférences essentielles qui sont comme un prélude à celles de Neuchâtel, si fondamentales pour la compréhension de la Rosecroix. C’est comme si Steiner, pour faire balance à cette dérive de la Société théosophique – alors en pleine effervescence autour de l’affaire Alcyone-Krishnamurti –, éprouvait la nécessité d’évoquer les racines véritables de ce qu’aurait pu et dû être une « théosophie » digne de ce nom, racines qui plongent dans l’impulsion authentique des Rosecroix.

Et c’est de façon radicale et inédite que va se faire ce « retour aux sources » : Rudolf Steiner se rattache directement à l’action actuelle (1911) de Christian Rosenkreutz en son lien essentiel avec la parousie éthérique du Christ, telle que Steiner l’annonce depuis déjà un an et demi : depuis le 12 janvier 1910, au lendemain de l’initiation antichristique de Krishnamurti des 10 et 11 janvier 1910, orchestrée par la théosophie dévoyée. Un an et demi après cet évènement antichristique majeur, en septembre 1911, au lendemain de ce dernier rendez-vous manqué (à Gênes, en Italie) où Steiner, Besant, Leadbeater, et même Krishnamurti[37] auraient pu se « confronter » en direct, il était enfin temps de laisser à leur triste sort – de par leur propre choix d’annuler ce congrès de Gênes – ces théosophes oublieux de leur mission, et bien pire, mais aussi, dès lors, le temps était venu de raviver et de concrétiser, et déjà de signaler, la source rosecroix de la théosophie vraie, qui deviendra sous peu anthroposophie, fin 1912/début 1913.

« C’est pourquoi il est présentement si difficile de se rattacher à une individualité qui est largement méconnue, même parmi les occultistes, à savoir l’individualité de Christian Rosenkreutz. (…) De ce fait il arrivera, et de façon certaine, que celui que nous reconnaissons comme Christian Rosenkreutz, comme le guide qui mène le mouvement occulte vers l’avenir, et qui de façon tout à fait certaine ne développera jamais son autorité par quelque culte extérieur dans le monde, sera méconnu au plus haut degré. Et ceux qui savent de quoi il en retourne quant à cette individualité savent aussi que Christian Rosenkreutz sera le plus grand martyr parmi les hommes, en dehors du Christ, qui, lui, a souffert en tant que dieu.

Et les souffrances qui feront de lui un grand martyr viendront de ce que les hommes prennent si peu la décision d’aller voir dans leur propre âme afin d’y rechercher toujours plus l’individualité en développement et d’endurer l’inconfort consistant dans le fait qu’une vérité toute prête ne leur sera pas présentée comme sur un plateau, mais qu’il faudra la conquérir par un effort brûlant, par un combat ardent et une quête ardente, et qu’on ne peut poser d’autres exigences au nom de celui que l’on désigne comme Christian Rosenkreutz. » (Berlin, 20 juin 1912, GA133)

Christian Lazaridès

iles de Lerins

Soloviev 1

Soloviev 2

Notes

[1] Aussi : Soloviov, Solovieff, Solowjow ou Solowjew en allemand, Solovyof en anglais. En fait il y a une bonne vingtaine de graphies différentes pour son nom, ce qui ne facilite pas les recherches en bibliothèque ou sur internet.

[2] À la fin du XIXe siècle, il y avait un train direct de Saint-Pétersbourg à Cannes deux fois par semaine.

[3] Je me suis servi principalement de quatre traductions françaises et d’une traduction allemande :

« L’Antéchrist », in Vladimir Soloviev - Introduction et choix de textes, Paris, 1910 [Traduction : Jean-Baptiste Séverac] ;

Vladimir Soloviev, Trois entretiens sur la guerre, la morale et la religion, Paris, 1916 [Traduction : Eugène Tavernier] En PDF sur Gallica ;

« Récit sur l’Antéchrist », in Vladimir Soloviev, Conscience de la Russie, Paris, 1950 [Traduction : Jean Gauvain] ;

Vladimir Soloviev, Trois entretiens sur la guerre, la morale et la religion, Paris 1984 [Traduction : Bernard Marchadier et François Rouleau] ;

Wladimir Solowjew, Kurze Erzählung vom Antichrist, Trier, 2019 [Traduction: Ludolf Müller]

[4] « Antichrist », plutôt que « Antéchrist » (qui veut dire littéralement « avant le Christ », « qui précède le Christ »).

[5] Le cycle du bodhisattva est de 5000 ans, comme la durée du (petit) Kali-Youga, et s’est renouvelé à peu près à la moitié de ce dernier, au moment de l’accession du précédent bodhisattva (Gautama) à l’état de bouddha.

[6] Voir Ida Stümcke, Gérard Klockenbring, L’esprit de Lérins, Méjanes-lès-Alès, 2011.

[7] Dans la conférence du 23 février 1924 (GA235), Rudolf Steiner indique que le mot « karma » (« karmique ») doit être prononcé avec un « è » (un « ä » en allemand) à la première syllabe. Il avait même inscrit au tableau le mot « Kärma » (avec Umlaut = métaphonie se manifestant par un tréma) ce jour-là, au début donc de ses fameuses considérations sur le kèrma qui s’étendront jusqu’au 28 septembre 1924. C’est pour cette raison que je me permets cette étrange graphie : kèrma, kèrmique, avec un « e accent grave = è » puis deux consonnes, ce qui fait beaucoup d’entorses à l’orthographe, à la phonétique, sans parler de la philologie et de la langue sanskrite… Il ne dit certes pas qu’il faut l’écrire ainsi ; mais comment faire alors pour que la « bonne » prononciation soit respectée ? La pleine signification de cette indication demeure une énigme, et même une énigme oubliée, ou éludée, car je n’ai trouvé qu’un article de 1973 (de Heinrich Hardt) qui signale ce problème (Voir PDF « Kèrma » annexé à cet article).

[8] Voir Thomas Meyer, La mission primordiale de Rudolf Steiner, Lille, 2010

[9] Rudolf Steiner, Le karma - IV, EAR. C’est dans cette conférence qu’après avoir parlé des incarnations du chancelier Hertling, puis de celles de Haeckel, Steiner parle de celles de Soloviev.

[10] « Anthroposophie est un chemin de connaissance qui voudrait conduire le spirituel en l’être humain jusqu’au spirituel en l’univers. » (Rudolf Steiner, Anthroposophische Leitsätze, GA 26)

[11] « Paphnuce de Thèbes, connu également sous le nom de Paphnuce le Confesseur, évêque d'une ville de la Haute-Thébaïde au début du IVe siècle, fut un des membres les plus influents du Ier Concile de Nicée en 325, au cours duquel il intervint au sujet du célibat des prêtres. Il y proposa, en accord avec la tradition ancienne de l'Eglise, que les prêtres célibataires au moment de leur ordination aient la possibilité de continuer d'observer la continence, et que les autres prêtres déjà liés soient autorisés à poursuivre leur union maritale. Il fut aussi disciple de Saint Antoine le Grand. » [Wikipedia]

Son rôle lors du Concile ne semble pas permettre une identification avec l’ermite évoqué par Steiner le 19.9.1924.

[12] Rotae Mundi est un livre des Rosecroix mentionné dans la Fama Fraternitatis (1614).

[13] Ici Vladimir Sergeïevitch Soloviev cherche à se démarquer de son frère Vsevolod Sergeïevitch Soloviev qui, lui, a en effet connu personnellement Blavatsky et a publié un livre contre elle en 1892-93. La confusion est facilitée par le fait que les deux frères ont les mêmes initiales (V.S.) : une fois Vladimir, l’autre fois Vsevolod. René Guénon, par exemple, alimentera plus tard cette confusion entre les deux frères.

[14] En allemand « der Christ » désigne « le chrétien », et non pas « le Christ » (Christus). En intitulant son écrit « Der Antichrist » Nietzsche fait une sorte de jeu de mots difficile à rendre en un seul mot. On pourrait traduire par « L’antichrétien » ; mais en même temps la dimension antichristique est bel et bien présente, sur la forme et le fond. « L’Antéchrist », qui est le titre le plus fréquent en français, me paraît doublement problématique, car le préfixe « anté » évoque en outre une notion chronologique qui demanderait toute une explicitation. Chez Soloviev, à la limite, cette notion chronologique, d’une venue « avant » la parousie du Christ, pourrait trouver quelque justification.

[15] Voir toute la conférence du 18 novembre 1917, GA 178.

[16] Voir conférence du 23.10.1922, GA 218.

[17] Quant à elle nommée par Rudolf Steiner, et connue de la postérité : Hrotsvita de Gandersheim (en latin : Hrotsvitha Gandeshemensis ; également connue sous les noms de HroswithaHrotsvitRoswitha et Hroswitha).

[18] Le Sens de l'amour (Essais de philosophie esthétique), ŒIL, Coll. Sagesse chrétienne no 6, Paris, 1985. [NB : contient Le Drame de la vie de Platon].

[19] Cette traduction et édition sera poursuivie par un autre frère de S. : Mikhaïl S. Soloviev, puis par d’autres collaborateurs.

[20] Alexandre Nevsky, « Vladimir Soloviev sur Platon et le drame de sa vie », Transitions, Vol.46, n°2, 2006

http://cevipol.ulb.ac.be/sites/default/files/Contenu/Cevipol/7-nevski.pdf

[21] Ce texte paraîtra en 1616 à Strasbourg.

[22] Voir conférence du 18 novembre 1917, GA 178.

[23] Novalis, Œuvres complètes, Tome I, Gallimard, Paris, 1975

[24] Voir « L’ultime conférence (inachevée) de Rudolf Steiner » de Christian Lazaridès.

[25] Plus exactement par l’incorporation d’un ange ahrimanien dans les enveloppes psychiques de l’auteur. Cette « inspiration » s’étend sur l’ensemble des dernières œuvres de Nietzsche. Voir C. Lazaridès, « Nietzsche et Steiner à la fin de l’Âge obscur » in Rudolf Steiner, Nietzsche, un destin tragique, Montesson, 2005. (Texte et PDF sur www.soi-esprit.info)

Le texte ne paraîtra qu’en 1894 à Leipzig, dans le Vol. 8 de l’édition dite Koegel.

[26] Voir Rudolf Steiner, conférence du 18 novembre 1917, GA178.

[27] 31 juillet du vieux style (julien), comme la naissance de Blavatsky, 31 juillet 1831 julien (correspondant à un 12 août grégorien, et non 13, à cette époque) ; celle-ci étant morte en 1891.

[28] Année aussi de la mort de Jean-Marie Guyau.

[29] Voir mon article : « D’Agrigente à Piscorsine » (à venir).

[30] Le terme « parousie » est dans les évangiles, quand les disciples demandent précisément : « Quel sera le signe de ta parousia (c’est le mot grec) et de l’accomplissement de l’éon [du cycle] ? » : « Καὶ τί τὸ σημεῖον τῆς σῆς παρουσίας, καὶ τῆς συντελείας τοῦ αἰῶνος ».

 Cela a souvent été traduit par « retour » ou « venue », mais il signifie quelque chose comme « présence », « manifestation », « apparition », et évoque magnifiquement l’idée de quelque chose qui est présent sur un autre plan et vers quoi il s’agit de se hisser. C’est tout le geste de l’Annonce de 1910 par Steiner. Le Christ sera, à dater de 1933, « rencontrable » sous cette forme éthérique. Encore faudra-t-il impérativement se donner les moyens de s’élever vers cette manifestation, vers cette perception, par un travail individuel de conscience. Elle ne sera pas servie sur un plateau.

[31] « Christ physique » : une seule et unique fois (dans toute l’évolution de l’humanité) en manifestation physique, pour trois ans environ, au début du deuxième tiers de l’Ère du Bélier, de 30 à 33 de l’ère chrétienne, évènement et/ou avènement physique unique, qui ne se reproduira jamais plus dans la suite de l’évolution.

[32] C’est-à-dire de 1900 à 1933, en tout cas de 1900 à 1925, surtout grâce à l’anthroposophie qui – à ma connaissance – est le seul ésotérisme à assurer une telle préparation, par l’exercice d’une pensée consciente et aiguisée appliquée à l’interprétation des évangiles.

[33] Telles sont les seules notes, en style télégraphique, retrouvées dans un carnet de Marie Steiner, de cette allocution du 12 janvier 1910.

[34] Cet « avant » peut justifier l’emploi du terme « antéchrist » dans certaines circonstances.

[35] L’Apollonius de Soloviev n’engage absolument pas l’Apollonius de Tyane historique mais il décrit par contre très bien le « Jésus-Apollonius » antichristique des Besant, Leadbeater, Alice Bailey et continuateurs.

[36] Lire sur le présent site l'article de Christian Lazaridès : La Branche Christian Rosenkreutz de Nice.pdf

[37] On a une petite lettre de Krishnamurti, qui a 16 ans alors, à son père, datée de Londres le 8 septembre 1911, annulant son départ pour Gênes, pour des raisons liées à des rumeurs d’épidémie de choléra.

 

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