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 « Le problème le plus important de toute la pensée humaine : Saisir l'être humain en tant qu'individualité libre, fondée en elle-même »
Vérité et Science, Rudolf Steiner

   

Citation
  •  

    "Il est nécessaire de conserver notre claire capacité de jugement, notre capacité de juger des événements extérieurs, (...) de ne pas nous laisser embrumer par toutes sortes d'occultismes. Nous avons besoin de juger clairement des processus de la vie, ce qui nous préserve de tomber dans le panneau trouble de la charlatanerie occultiste, notamment de ce qui émane de certains centres où sont poursuivis des buts éloignés de toute recherche pure de la vérité, par la pêche en eaux troubles."
    Munich, 18 mars 1916 - GA174a

    Rudolf Steiner
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Une fête de Noël qui n'a plus de sens par méconnaissance de l’Être du Christ et de son action entre Lucifer et Ahriman

Sculpture du Représentant de l'humanité,
entre Lucifer (en haut à droite) et Ahriman (en bas à gauche)

Deuxième conférence issue du recueil de conférences
« La Saint-Sylvestre. Pensée pour le Nouvel-An. »
Rudolf Steiner - Dornach, 25 décembre 1919
GA195 - Éditions anthroposophiques romandes (2015)
Traduit depuis l'allemand par Béatrice Vianin



 Note de la rédaction :
Les titres intercalaires ci-dessous ont été ajoutés par la rédaction de soi-esprit.info et ne figurent ni dans l’édition imprimée, ni dans la conférence, évidemment. C'est nous aussi qui avons formulé le titre de la conférence sous les termes : « Une fête de Noël qui n'a plus de sens par méconnaissance de l’Être du Christ et de son action entre Lucifer et Ahriman ».

 

L'idée de Noël n'a-t-elle pas également connu le destin d'être saisie par les forces générales de la décadence ?

Ces dernières années, quand j'avais à parler à l'occasion d'une fête du cours de l'an, d'une fête de Noël, de Pâques ou de la Pentecôte, j'ai dû attirer l'attention sur le fait qu'en particulier en ces occasions, nous n'avons pas le droit aujourd'hui de célébrer ces fêtes de manière traditionnelle, d'oublier en quelque sorte toute la douleur, toute la détresse de notre époque et, en ces jours, de nous rappeler seulement l'événement le plus Haut qui a eu lieu au cours de l'évolution terrestre. En particulier, avec le fondement de cette conception spirituelle du monde qui est la nôtre, nous avons le devoir de faire converger jusque vers le sapin de Noël toutes les manifestations de décadence qui saisissent actuellement la culture de l'humanité. C'est aujourd'hui un réel devoir d'accueillir en nos cœurs, en nos âmes même la naissance du Christ Jésus sans oublier l'effrayante décadence qui a saisi l'humanité du monde soi-disant civilisé.

Particulièrement en ces jours, il nous incombe de soulever cette question : l'idée de Noël n'a-t-elle pas également déjà connu le destin d'être saisie par les forces générales de la décadence ? Quand aujourd'hui il est question de Noël, ressentons-nous encore ce que l'être humain doit ressentir quand il élève ses pensées et ses sentiments vers cette fête christique ? L'humanité ressent-elle en général le sens réel de l'intervention dans l'évolution humaine du Mystère de Golgotha dans sa totalité ? Aujourd'hui, nous allumons nos sapins de Noël, nous utilisons des paroles et des phrases traditionnelles pour tout ce qui se rapporte à la fête de Noël, mais nous évitons trop souvent d'ouvrir complètement nos yeux, d'éveiller totalement notre conscience face à la nécessité de se dire : la décadence est présente ; où es-tu force du Christ afin que tu nous aides réellement à agir en faveur d'une nouvelle ascension ? Car, après toutes les considérations sur la conception spirituelle du monde qui, depuis des décennies, sont étudiées dans nos cercles, il doit au moins vous être devenu clair qu'il ne sera pas possible sans l'aide de la force du Christ d'imprimer à la culture décadente une impulsion qui puisse la diriger vers une nouvelle ascension.

 

Une mentalité profondément matérialiste, mais honnête. Des représentants malhonnêtes de confessions soi-disant chrétiennes qui agissent contre le christianisme.

En ces jours, il nous faut souvent penser à ces hommes qui, environ au milieu du 19ème siècle ou au cours du dernier tiers de celui-ci, s'exprimaient avec une certaine mentalité matérialiste et parlaient autrement que bien des hommes parlent aujourd'hui, mais parlaient plus honnêtement que la plupart des hommes actuellement. Je voudrais aujourd'hui vous rappeler une personnalité très matérialiste, le souabe David Friedrich Strauss.[1] Comme vous le savez, son ouvrage L'ancienne et la nouvelle foi est une sorte de Bible du matérialisme. Parmi les questions que David Friedrich Strauss soulève dans ce livre, on trouve également celle-ci : pouvons-nous encore être chrétiens ? — Il donne une réponse. Celle-ci a la particularité de venir d'une mentalité profondément matérialiste, mais elle a en même temps la particularité d'être honnête. David Friedrich Strauss construit l'idée d'un ordre du monde qui n'est édifié que par des lois physiques matérialistes et il y situe l'être humain de telle manière que la nature de l'être humain ne comporte également rien d'autre que des lois physiques. Et c'est avec cette conviction qu'il répond par un « non » honnête à la question : pouvons-nous encore être chrétiens ? Car les hommes qui représentent cette sorte de conception du monde scientifique comme la représente David Friedrich Strauss, selon la conscience de l'époque, ne peuvent pas être chrétiens. Le « non » de David Friedrich Strauss exprime une mentalité fatale mais absolument honnête, et aujourd'hui l'on éprouve parfois ce sentiment : Si seulement les soi-disant représentants officiels de l'une ou de l'autre confession religieuse pouvaient être aussi honnêtes que David Friedrich Strauss ! S'ils pouvaient comprendre que même quand ils utilisent le nom du Christ, ils agissent dans le fond contre le christianisme !

 

Une chose qui, en réalité, aurait dû être agissante à une autre époque, devient luciférienne si elle reste en arrière. Souvent les hommes les plus antichristiques se trouvent parmi les prêtres et théologiens.

Aujourd'hui, nous ne pouvons pas nous adonner à la paresse, fermer les yeux face aux phénomènes les plus significatifs, les plus importants de notre temps. Même si, pour certains d'entre vous, cela peut sembler déplacé dans l'atmosphère de Noël, je trouve qu'il est juste dans l'esprit de Noël d'évoquer une certaine expérience qui m'est arrivée par une sorte d'investigation spirituelle sur un fait immédiat de l'actualité.

Vous le savez, ces hommes qui, particulièrement en Europe du centre, sont hautement coupables — pour autant que des êtres humains puissent être appelés coupables dans ce cas des horribles événements dans lesquels nous nous sommes trouvés, ces hommes, que font-ils après que le malheur se soit abattu sur l'Europe ? Ils écrivent des livres ! Et nous avons ainsi des livres des hommes les plus divers. Nous avons un livre de Tirpitz, nous avons un livre de Ludendorff[2] ; je pourrais en énumérer encore plusieurs mais je me borne à citer ceux-là. Voyez-vous, à l'aide de la science de l'esprit, on peut faire l'expérience suivante ; on peut se pencher - mais vraiment avec le sérieux de la science de l'esprit - sur la question suivante : quelle forme de pensée s'exprime-t-elle dans les livres de Tirpitz, de Ludendorff et de leurs acolytes ? J'ai essayé d'examiner consciencieusement cette question à partir de tous les points de vue, je me suis demandé : quelles sont les formes de pensées de ces hommes dont dépend si fortement le destin de I’Europe du centre ? Si l'on ne procède pas abstraitement, mais que l'on pénètre dans le concret des choses, on doit comparer ; et une comparaison s'est imposée à moi quand je me suis demandé : quand à peu près, d'après le cours normal de l'évolution en Europe, a-t-on développé des formes de pensée telles que celles que développent maintenant Tirpitz et Ludendorff ? - et après un examen consciencieux des faits, il en résulte que l'on pensait ainsi environ au temps du César romain. Dans le fond, il n'y a pas de différence au niveau de l'âme, entre la manière de penser et de vivre de Jules César - disons au temps de la guerre des Gaules - et la manière dont Tirpitz et Ludendorff développent leurs pensées. Mais cela signifie que ces hommes sont plongés dans une vie de la pensée qui n'a absolument pas été touchée par le christianisme, car Jules César a vécu avant l'événement du Mystère du Golgotha. Et tout ce que ces hommes expriment parfois quand ils ont le nom du Christ Jésus sur leurs lèvres, n'est rien d'autre qu'un fieffé mensonge, car la vie de leur âme s'est développée d'une telle manière qu'elle n'a rien à voir avec le christianisme concret.

Les considérations les plus diverses nous l'ont montré : une chose qui se développe à l'époque où elle doit avoir lieu est un bien pour l'humanité. C'est une tout autre chose, quand cela s'immobilise et réapparaît plus tard ; quand c'est le cas concrètement, quand ce qui est conforme à César joue encore un rôle au 20e siècle, alors ce césarisme est devenu luciférien. Car une chose qui, en réalité, aurait dû être agissante à une autre époque, devient luciférienne si elle reste en arrière ; c'est justement la nature prépondérante de ce qui est luciférien.

Et nous pouvons alors nous demander : comment est-il possible que ces personnalités que le destin a conduit à occuper des postes de dirigeants, que ces personnalités soient restées à tel point retardataires dans leur vie ? Si nous voulons répondre à cette question, nous devons diriger notre regard sur ceux qui paraissent faire pénétrer l'impulsion du Christ dans la vie spirituelle mais agissent en réalité dans un sens antichristique. Nous devons diriger notre regard sur de nombreux représentants des confessions religieuses qui prétendent parler sur la base des évangiles, mais qui combattent ce qui, à notre époque, veut annoncer le Christ vivant. On trouve aujourd'hui souvent les hommes les plus antichristiques parmi les prêtres, parmi les prédicateurs des confessions soi-disant chrétiennes. Celui qui, parmi tous les ouvrages, étudie L'essence du christianisme d'Alfred Harnack, considéré par beaucoup comme étant celui qui donne le ton, trouve une réponse à cette question. Adolf Harnack a donc écrit ce livre L'essence du christianisme.[3] Si, dans ce livre, on trace le nom du Christ et qu'on le remplace par le nom d'un dieu inconnu universel, qui règne et tisse dans la nature comme dans la vie humaine, si l'on efface le nom du Christ et qu'on le remplace par le nom de Jahvé de l'Ancien testament, le livre devient plus vrai que ce qu'il est, il reçoit alors un sens. Le fait est qu'Adolf Harnack n'a aucune idée de l'Être véritable du Christ ; il vénère un dieu universel indéterminé à qui il accole le nom de Christ. Et qui est cet Adolf Harnack ? Il a été le théologien qui donnait le ton à tous ces milieux qui ont fourni le terrain de la direction spirituelle où ont germé les Tirpitz, Ludendorff et autres ! Comme plus aucune révélation réelle du Christ n'est venue des représentants des confessions religieuses, les êtres humains qui sont liés à ces événements n'ont plus de sensibilité pour une révélation réelle du Christ. Pour des milliers et des millions d'hommes de notre époque, la fête de Noël n'a plus aucun sens car ils ne connaissent pas l'Être du Christ Jésus dans le sens qui est juste pour notre temps. Nous devons porter notre regard sur ces choses quand nous voulons être profondément au clair sur les causes de la décadence qui apparaît dans les événements actuels, dans la vie humaine au sein de ces événements.

 

L’ancien chemin de Michaël et le nouveau chemin de Michaël

J’ai souvent parlé ici de cet événement important qui a eu lieu au cours du dernier tiers du 19e siècle, de l'événement par lequel s'est créée une relation particulière entre l'entité archangélique que nous nommons l'archange Michaël et le destin de l'humanité.[4] Je vous ai rendu attentifs au fait que depuis le mois de novembre 1879, Michaël doit être en quelque sorte le régent de tous ceux qui veulent apporter à l'humanité les forces justes pour qu'elle puisse progresser vers son salut.

Quand, à notre époque, on indique cela, on se réfère à deux choses : premièrement à une réalité objective et deuxièmement, aussi à la manière dont cette réalité objective se lie avec tout ce que les êtres humains veulent accueillir dans leur volonté, dans leur conscience. La réalité objective est simple ; au-delà de la sphère du monde sensible, dans le suprasensible, s'est déroulé en 1879 un événement que l'on peut exprimer ainsi : Michaël s'est conquis la force, si les êtres humains viennent à sa rencontre avec tout ce qui vit en leur âme, de pénétrer celle-ci de sa force, pour qu'ils puissent transformer l'ancienne force de raison matérialiste qui a grandi jusqu'ici dans l'humanité en une force de raison spirituelle. Voilà la réalité objective ; elle s'est accomplie. Nous pouvons en parler : depuis novembre 1879, Michaël est entré avec l'humanité dans une autre relation que celle qu'il avait auparavant. Mais il est indispensable de servir Michaël. Ce que j'entends par là vous deviendra plus clair si je vous explicite la chose suivante.

Comme vous le savez, avant que le Mystère du Golgotha ne s'accomplisse sur terre, les Juifs de l'Ancien Testament élevaient leur regard vers Jahvé ou Jéhovah. Parmi les prêtres juifs, ceux qui, en pleine conscience, élevaient leur regard vers Jahvé étaient conscients qu'ils ne pouvaient approcher immédiatement Jahvé avec leur faculté de connaissance humaine. Même son nom était imprononçable, et quand il devait être prononcé, on faisait simplement un signe qui ressemble à certains gestes que nous recherchons dans notre eurythmie. Mais ces prêtres savaient aussi que l'homme peut s'approcher de Jahvé par l'intermédiaire de Michaël. Ils nommaient Michaël la face de Jahvé ou de Jéhovah. Comme nous apprenons à connaître un être humain en regardant son visage, comme nous déduisons la douceur de son âme de la douceur de ses traits, son caractère de la manière dont il nous regarde, ces prêtres de l'Ancien Testament voulaient, à partir de ce qui se glissait dans leur âme comme visions ataviques de la face de Jahvé dans leurs rêves, grâce à Michaël, atteindre Jahvé que l'humanité était encore dans l'impossibilité d'atteindre. Ces prêtres avaient une relation juste avec Michaël et Jahvé ou Jéhovah ; avec Michaël parce qu'ils étaient conscients que, si l'homme d'alors se tournait vers Michaël, il trouverait la force de Jahvé ou de Jéhovah, comme il convenait aux hommes de la rechercher en ce temps-là.

Depuis, d'autres régents de l'âme de l'humanité ont pris la place de Michaël ; mais depuis novembre 1879 Michaël est à nouveau entré sur la scène et il peut devenir agissant dans la vie de l'âme humaine si on cherche les chemins qui conduisent à lui. Aujourd'hui cette voie est celle de la connaissance de la science de l'esprit. On pourrait tout aussi bien dire « les chemins de Michaël » comme on dit les « chemins de connaissance de la science de l'esprit ». Mais justement depuis ce temps où Michaël est entré de cette manière en relation avec les âmes humaines pour devenir à nouveau leur inspirateur immédiat pour trois siècles, la puissance démoniaque adverse est aussi entrée en action avec force après s'y être auparavant préparée. C'est ainsi qu'un appel a retenti dans le monde, un appel qui, pendant nos années de guerre comme on les nomme mais qui ont été en réalité des années d'horreur, s'est transformé en une grande incompréhension universelle, traverse maintenant les cœurs et les âmes des hommes.

Que serait devenu le peuple juif de l’Ancien testament s'il avait voulu atteindre directement Jahvé au lieu de s'en approcher par l'intermédiaire de Michaël ? Il serait devenu un peuple intolérant, un peuple replié sur son égoïsme, un peuple qui n'aurait pu penser qu'à lui. Car Jahvé est le dieu qui est en rapport avec tout ce qui est naturel et, dans l'histoire extérieure des hommes, il imprègne de son être la relation entre les générations humaines comme celle-ci s'exprime dans la nature du peuple. L'ancien peuple hébreu s'est préservé de devenir un peuple égoïste uniquement parce qu'il voulait s'approcher de Jahvé par l'intermédiaire de Michaël, sans quoi même le Christ Jésus n'aurait pu naître en son sein. C'est parce qu'il s'est pénétré de la force de Michaël, telle qu'elle était alors, que le peuple juif ne s'est pas imprégné des forces qui l'auraient doté d'un égoïsme extrêmement puissant lié au peuple, s'il s'était adressé directement à Jahvé ou Jéhovah.

Aujourd'hui, Michaël est à nouveau le régent du monde, mais l'humanité doit se comporter d'une nouvelle manière envers lui. Car maintenant Michaël ne doit pas être la face de Jahvé mais la face du Christ Jésus. Maintenant nous devons nous approcher de l'impulsion du Christ par l'intermédiaire de Michaël. Mais, de diverses manières, l'humanité n'a pas encore atteint ce stade ; l'humanité a conservé de manière atavique les anciennes qualités du sentiment par lesquelles on s'approchait de Michaël à l'époque où il était l'intermédiaire de Jahvé. Et aujourd'hui, l'humanité a encore une relation fausse avec Michaël et cette relation fausse apparaît dans un phénomène caractéristique.

 

Le mensonge « universel » de la liberté des nations

Pendant les années de guerre, nous avons constamment entendu ce mensonge universel qu'est la liberté de toutes les nations, même des plus petites. Cette conviction qui est mensongère parce qu'aujourd'hui, en cette époque michaélique, ce ne sont pas les groupes d'hommes qui importent mais les individualités humaines, ce mensonge n'est rien d'autre que la volonté de ne pas laisser pénétrer la nouvelle force de Michaël dans chaque peuple mais de l'imprégner de l'ancienne force de Michaël, celle d'avant le Christ, celle de l'Ancien Testament. Aussi paradoxal que cela semble, il existe aujourd'hui dans les peuples de l'humanité appelée civilisée la tendance à transformer en impulsion luciférienne ce qui était juste pour le peuple juif de l'Ancien Testament et d'en faire la profonde impulsion agissante dans chaque peuple. Avec cette mentalité de l'Ancien Testament, on aimerait aujourd'hui construire des royaumes de Polonais, d'Américains, de Français et d'autres encore. On s'efforce de suivre Michaël comme il était juste de le faire avant le Mystère du Golgotha quand on devait, grâce à lui, trouver Jahvé, le dieu d'un peuple. Aujourd'hui, nous devons, par lui, trouver le Christ Jésus, le guide divin de toute l'humanité. Mais pour cela nous devons rechercher des sentiments et des représentations qui n'ont rien à voir avec de quelconques différences entre les hommes sur terre ; mais nous ne pouvons les trouver superficiellement, nous devons les chercher là où pulsent l'âme et l'esprit humains, c'est-à-dire que nous devons les chercher par les voies de la science de l'esprit. Et les choses en sont arrivées à ce point où l'on doit prendre la décision de chercher le Christ réel sur le chemin de la science de l'esprit, c'est-à-dire le chemin de Michaël, car Il ne peut être cherché et trouvé que sur le sol de l'aspiration spirituelle à la vérité. Sinon il serait préférable d'éteindre toutes les lumières de Noël, d'éliminer tous les sapins de Noël et, au moins, de s'avouer sincèrement que l'on refuse tout souvenir de ce que le Christ Jésus a apporté dans l'évolution humaine.

Ainsi, à travers les recueils de Mémoires des hommes de notre temps résonne une mentalité pré-christique, c'est-à-dire antichristique pour notre époque ; et quand on entend s'exprimer des hommes que l'on tient pour représentatifs comme {le Président des USA} Wilson[i] actuellement, à travers les quatorze points tels qu'ils les a donnés, retentit une pure conviction de l'Ancien Testament qui devient une conviction luciférienne à notre époque.[5] D'où cela vient-il ? Qu'en est-il exactement ?

 

L’ancienne incarnation de Lucifer et la future incarnation d’Ahriman

Si nous remontons le cours de l'évolution humaine jusqu'aux temps précédant le Mystère du Golgotha, nous trouvons à l'époque des anciennes cultures orientales une personnalité qui vit sur terre au sein de la culture dont est issue l'actuelle culture chinoise, une personnalité humaine qui était l'incarnation humaine extérieure de Lucifer. En ce temps-là, Lucifer s'est réellement incarné sur terre et il était le porteur de lumière que nous trouvons dans le fondement de l'ancienne sagesse pré-christique, à l'exception du judaïsme. Encore en Grèce coule, à travers ce qui agissait dans l'art, dans la conception du monde, dans la conception politique, ce qui avait surgi lors de l'incarnation de Lucifer qui avait eu lieu plusieurs millénaires avant le Mystère du Golgotha.

Nous devons seulement être au clair sur le fait que tout ce que nous appelons aujourd'hui la raison humaine reste encore et toujours - cela aussi longtemps que nous ne l'avons pas spiritualisée - un cadeau de ce Lucifer. Nous devons seulement ne pas développer à la manière de philistins, de bourgeois, une mentalité sectaire qui trouve que ce qui est luciférien est quelque chose d'abominable qu'il faut éliminer. Si on veut l'éliminer, on y succombe de plus belle ; car une fois, au cours des millénaires de l'évolution humaine, il a été nécessaire d'accueillir l'héritage de Lucifer incarné. Puis le Mystère du Golgotha a eu lieu. Ensuite viendra le moment où, tout comme Lucifer s'est incarné autrefois dans une personnalité terrestre en Orient pour préparer précisément le christianisme chez les païens, l'incarnation terrestre du véritable Ahriman apparaîtra en Occident. Nous nous approchons de ce moment. Aussi vrai que Lucifer et le Christ ont habité objectivement un être humain, Ahriman cheminera sur terre avec un pouvoir extrêmement puissant sur la raison terrestre. Nous autres, êtres humains, n'avons pas pour tâche de tenter d'empêcher l'incarnation d'Ahriman mais nous avons celle de préparer l'humanité de telle façon qu'Ahriman soit reconnu de manière juste. Car Ahriman aura des tâches, il devra faire l'une et l'autre chose, mais les hommes devront évaluer et utiliser de manière juste ce qui vient dans le monde par lui. Ils n'en seront capables que si, aujourd'hui déjà, ils savent se comporter de manière juste envers ce qu'Ahriman envoie sur terre depuis les mondes de l'au-delà, afin qu'il puisse un jour agir sur terre sans qu'on le reconnaisse. Cela ne doit pas arriver. Il ne faut pas qu'Ahriman agisse sur terre subrepticement ; on doit pleinement le reconnaitre dans sa singularité, on doit se confronter à lui en pleine conscience.

Au cours des conférences que je ferai ici encore ces jours prochains, je vous décrirai encore différents points qui touchent le cours de l'évolution humaine jusqu'à l'incarnation d'Ahriman et auxquels il faut être attentif, afin que cette dernière, quand elle aura lieu, soit évaluée de manière juste.

 

Compréhension erronée des Évangiles comme moyen de préparer favorablement l'incarnation d’Ahriman

 Aujourd'hui, je veux seulement vous faire remarquer une chose : en lien avec cela, mainte interprétation actuelle des Évangiles est aussi dangereuse que la plus matérialiste des conceptions du monde. Aujourd'hui quand on prend les Évangiles tels qu'ils sont, comme le font les représentants des soi-disant sociétés religieuses, et que l'on refuse toute nouvelle révélation, cette manière de cultiver le christianisme est la meilleure façon, dans le sens ahrimanien, de se préparer à l'apparition terrestre d'Ahriman. Un grand nombre de représentants des soi-disant confessions religieuses actuelles font partie de ceux qui travaillent le plus intensément en faveur d'Ahriman quand ils ignorent cette vérité : « Je suis avec vous jusqu'à la fin des jours ».[6] Également quand ils déclarent comme hérétique tout ce qui résulte de l'actuelle vision immédiate du Christ et quand, de manière confortable, ils s'en tiennent au mot à mot des Évangiles, mais uniquement au mot à mot des Évangiles à leur manière. L'humanité devrait être protégée, par une sagesse, de cette manière de s'en tenir aux Évangiles parce que, purement extérieurement, pour la force de raison terrestre, les quatre Évangiles se contredisent. Et aujourd'hui, celui qui ne s'élève pas jusqu'à l'interprétation spirituelle des Évangiles, en répand une interprétation mensongère, car il trompe les êtres humains sur les contradictions extérieures qui existent dans les quatre Évangiles. Et tromper les êtres humains sur leurs préoccupations les plus importantes, c'est justement ce qui soutient le mieux les intentions d'Ahriman.

 

À chaque instant, la recherche de l’équilibre entre Lucifer et Ahriman. La triade Lucifer-Christ-Ahriman

Il est grandement nécessaire que les hommes de notre temps placent le Christ au centre, entre Ahriman et Lucifer. La force du Christ doit nous pénétrer. Mais, en tant qu'êtres humains, nous devons toujours rechercher l'équilibre entre ce qui veut, en quelque sorte, nous élever au-dessus de nous-mêmes de manière exaltée et mystique et ce qui veut nous tirer vers le bas, vers la terre de manière prosaïque, rationnelle et matérialiste, utilitaire et pesante. À chaque instant, nous devons rechercher l'équilibre entre ce qui nous élève de manière luciférienne et ce qui nous tire continuellement vers le bas de manière ahrimanienne. Mais dans la recherche de cet équilibre se trouve le Christ. Et la seule voie pour trouver le Christ est de nous efforcer de rechercher cet équilibre.

Par un étrange arrêt du destin, quelque chose de très singulier a eu lieu à l'époque moderne de l'évolution de l'humanité, époque où le matérialisme s'y est introduit. Je ne mentionnerai que deux œuvres : Le paradis perdu de Milton et Le Messie de Klopstock.[7] Les mondes spirituels y sont décrits comme si un paradis avait été perdu et l'être humain en avait été chassé. Aussi bien Le paradis perdu de Milton que Le Messie de Klopstock travaillent avec une dualité présente dans le monde, l'antagonisme du bien et du mal, de Dieu et du diable. Voyez-vous, c'est là la grande erreur des temps modernes ; c'est de se représenter la culture du monde selon une dualité alors qu'elle doit être représentée dans le sens d'une triade. Les forces ascendantes lucifériennes qui abordent l'être humain par la mystique, l'exaltation, la fantaisie, également par le fantasque quand cette dernière dégénère, ces forces qui vivent dans le sang de l'être humain en sont l'un des éléments ; l'autre, ce sont les forces ahrimaniennes qui vivent dans tout ce qui est sec, lourd et, du point du vue physiologique, dans le système osseux. Le Christ se tient au centre, entre les deux : c'est le troisième élément. Le premier est luciférien, le deuxième ahrimanien et le Christ est au milieu, entre les deux.

Que s'est-il passé aux temps modernes ? Il s'est passé une chose sur laquelle l'humanité devrait porter son regard avec une vraie ferveur intellectuelle-spirituelle, car avant qu'elle ne l'ait comprise, elle ne pourra pas trouver une juste compréhension de Noël. Nous lisons aujourd'hui Milton, Klopstock, leur description du monde suprasensible ; comment les lisons-nous ? Nous les lisons ainsi que partout des qualités lucifériennes sont reportées sur ce que l'on veut nommer divin. Des hommes, tels que Klopstock et Milton, veulent nous décrire la lutte entre ce qui est luciférien, qui leur apparaît comme étant le divin, et l'ahrimanien. Et une grand partie de ce que l'humanité moderne décrit comme étant son élément divin n'est que luciférien. Mais on ne le reconnaît pas de manière juste ; il en va de même pour l'ahrimanien. Cela se manifeste encore dans le Faust de Goethe où nous voyons Méphistophélès en face de « Dieu » ; mais Goethe lui-même n'a pas encore su faire de distinction entre les éléments ahrimanien et luciférien. Si bien que son Méphistophélès est devenu un méli-mélo de Lucifer et d'Ahriman. Je l'ai déjà fait remarquer dans mon livre L'esprit de Goethe.[8] Aujourd'hui, on est un goethéaniste, dans le bon sens du terme, non pas quand on répète simplement mot pour mot ce qui vient de Goethe - ce que font de nombreux académiciens et autres contemporains - mais quand on se fraie un chemin jusqu'à Goethe de manière à pouvoir réaliser ce qui, chez lui, a dû changer, particulièrement quand on suit sa conception du monde au-delà de 1832 et quand, aujourd'hui, nous ne parlons pas d'un Goethe de l'an 1832 mais d'un Goethe de 1919 et bientôt de 1920. Mais il faut trouver le chemin pour s'avouer calmement que dans ce que les siècles matérialistes ont nommé divin, il y a beaucoup de luciférien, que l'on peut prendre beaucoup de ce que les êtres humains utilisent pour répandre la religion pour des paroles qui ne pénètrent dans l'humanité que sur des ailes lucifériennes. Seulement quand les hommes reconnaîtront à nouveau le dualisme du luciférien qui veut les surélever et de l'ahrimanien qui veut les faire descendre au-dessous d'eux-mêmes, ils se tiendront dans un sens vrai devant l'événement de Noël, devant cet événement qui doit rappeler comment ce qui donne du sens à la Terre, un sens réel, s'est introduit dans l'évolution de l'humanité.

Aujourd'hui, on doit parfois penser à Léonard de Vinci.[9] À Milan, Léonard de Vinci a peint la grande fresque que vous connaissez : la Sainte Cène, le Christ entouré de ses apôtres. Il y a travaillé durant de longues années, deux décennies. Il voulait mettre beaucoup de choses dans ce tableau. Il n'arrivait pas à le terminer parce qu'il prenait constamment un nouvel élan pour représenter Judas de manière juste. Selon l'organisation de la cité de Milan, l'abbé du couvent pour lequel il peignait cette fresque, était son chef direct, et lorsqu'un nouvel abbé est venu, qui n'était pas aussi doux que son prédécesseur mais très strict, celui-ci admonesta Léonard et exigea que le tableau soit enfin terminé. Léonard dit alors que maintenant il pouvait le terminer car, depuis que le nouvel abbé était là, il avait un modèle pour Judas. Il a ensuite, en peu de temps, peint ce visage de Judas que nous connaissons aujourd'hui. Tout comme au point de départ de l'époque moderne, le visage de Judas s'est montré à Léonard justement sur le terrain de la connaissance réaliste, nous avons aujourd'hui aussi, souvent l'occasion d'inscrire dans notre cœur et dans notre âme comment

 

Le refus de toute révélation vivante, de l’esprit l’évolution chrétienne par ceux qui veulent en rester à ce qui est écrit

Celui, dont nous commémorons la naissance par la sainte fête de Noël, est le plus trahi par beaucoup de ceux qui prétendent préparer ces fêtes sur la base de leur confession. Nous savons que cette fête de Noël, elle aussi, appartient à ce qui a été adopté au cours de l'évolution du christianisme. Ce n'est qu'aux 3e et 4e siècles que l'on a commencé à fêter la naissance du Christ en ces jours de décembre. L'événement du Golgotha était passé depuis des siècles, lorsque la conception tournée vers l'événement du Golgotha a adopté du nouveau, même quelque chose d'aussi radicalement nouveau que l'institution de la fête de Noël. Plus tard, beaucoup plus tard, il a encore été possible d'introduire dans le christianisme des choses nouvelles. Il a aussi fallu lutter autrefois contre beaucoup de ceux qui se nommaient alors de vrais chrétiens. Mais aujourd'hui, nombreux sont ceux qui oeuvrent pour ne pas procéder, comme leur confession l'a fait, lorsqu'aux 3° et 4e siècles, elle a instauré la fête de Noël, et qui, inflexibles, veulent en rester à ce qui est écrit - comme ils le disent - et qui refusent toute révélation vivante. Elle est terrible notre époque, avec ceux qui dorment et ceux qui, dans leur mentalité immorale, salissent souvent ce qui veut pénétrer dans la vie spirituelle. Mais les pires sont ceux qui, sur le fondement des confessions, trahissent même le véritable esprit de l'évolution chrétienne.

C'est cette atmosphère de gravité que veulent nous faire vivre les lumières du sapin de Noël. Aujourd'hui, je voulais montrer cela. Je vous en parlerai la prochaine fois dans un autre contexte.

Rudolf Steiner

[Gras ou souligné : S.L.]

 

Notes

[1] David Friedrich Strauss, 1808-1874, « Der Alte und der neue Glaube » (L'ancienne et la nouvelle fois), 1872.

[2] 15 Alfred von Tirpitz, 1849-1930, Grand amiral, chef de la flotte militaire pendant la première guerre mondiale.

Erich Ludendorff, 1865-1937, général chef d'état-major de Hindenburg. Limogé en 1918 à cause de sa volonté de continuer la guerre. Participation au « putsch » de Hitler, le 8 novembre 1923. « Mes souvenirs de la guerre 1914-1918 », 1920.

[3] Adolf von Harnack, 1851-1930, historien allemand de l'Église réformée.

[4] Par exemple dans la conférence du 8 septembre 1919, GA 192 « Geisteswissenschaftliche Behandlung sozialer und pädagogischer Fragen » (Problèmes sociaux et pédagogiques à la lumière de la science de l'esprit), non tradui

[5] Le message au Congrès américain du Président Wilson, le 8 janvier 1918, qui comprenait 14 points qui devaient régler la cohabitation pacifique des peuples après la guerre, fit une forte impression sur le monde. Le dernier point comprenait la création de la Société des Nations.

[6]  Évangile de Matthieu 28, 20.

[7] John Milton. C'est 1608-1674, poète anglais. « Paradise Lost » (Le paradis perdu, une épopée religieuse) apparue en 1667.

Friedrich Gottlieb Klopstock, 1724-1803, écrivain allemand.

[8] Rudolf Steiner : L'esprit de Goethe, GA022.

[9] Léonard de Vinci, 1452-1519, peintre, inventeur et savant italien.

 

Note de la rédaction

[i] Voir aussi sur Soi-esprit, notamment les articles suivants qui font référence à Wilson et au « wilsonisme » (qui promeut le concept de l'État-Nation, à la base de dizaine de millions de morts au XXe siècle et encore à la base de conflits majeurs en 2023) :

 

 

Note de la rédaction
Un extrait isolé issu d'une conférence, d'un article ou d'un livre de Rudolf Steiner ne peut que donner un aperçu très incomplet des apports de la science de l'esprit d'orientation anthroposophique sur une question donnée.

De nombreux liens et points de vue requièrent encore des éclairages, soit par l'étude de toute la conférence, voire par celle de tout un cycle de conférence (ou livre) et souvent même par l'étude de plusieurs ouvrages pour se faire une image suffisamment complète !
En outre, il est important pour des débutants de commencer par le début, notamment par les ouvrages de base, pour éviter les risques de confusion dans les représentations.

Le présent extrait n'est dès lors communiqué qu'à titre indicatif et constitue une invitation à approfondir le sujet.
Le titre de cet extrait a été ajouté par la rédaction du site  www.soi-esprit.info   

 À NOTER: bien des conférences de Rudolf Steiner qui ont été retranscrites par des auditeurs (certes bienveillants), comportent des erreurs de transcription et des approximations, surtout au début de la première décennie du XXème siècle. Dans quasi tous les cas, les conférences n'ont pas été relues par Rudolf Steiner. Il s'agit dès lors de redoubler de prudence et d'efforts pour saisir avec sagacité les concepts mentionnés dans celles-ci. Les écrits de Rudolf Steiner sont dès lors des documents plus fiables que les retranscriptions de ses conférences. Toutefois, dans les écrits, des problèmes de traduction peuvent aussi se poser.
Merci de prendre connaissance
d'une IMPORTANTE mise au point ici.

 

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