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 « Le problème le plus important de toute la pensée humaine : Saisir l'être humain en tant qu'individualité libre, fondée en elle-même »
Vérité et Science, Rudolf Steiner

   

Citation - Entre mort et naissance
  • « (…) Celui qui sait que chaque année lui révèle de nouveaux mystères sait également que la vie après la mort lui en révèlera d’autres ; pour lui, douter du prolongement de ce qui apporte du nouveau au développement du corps n’a pas de sens. Pour lui la vie après la mort devient quelque chose de réel, de vraiment réel : ce n’est plus alors ce principe égoïste qui a cours si souvent, mais c’est le principed’humanité (…). »

    Stuttgart, 26 avril 1918GA174b

    Rudolf Steiner
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Relations avec les défunts 

Deuxième conférence dans le recueil de conférences « Les rapports avec les morts »
Stuttgart, 20 février 1913
Rudolf Steiner
GA140 (2ème partie) - Éditions anthroposophiques romandes (1999)
Traduit depuis l'allemand par Georges Ducommun

 Note de la rédaction :
Les titres intercalaires ci-dessous ont été ajoutés par la rédaction de soi-esprit.info et ne figurent ni dans l’édition imprimée, ni dans la conférence, évidemment.

L'intégralité de cette conférence peut être écoutée ou téléchargée au format mp3 ici.

 

Dans quelle mesure les âmes des défunts peuvent-elles percevoir l’âme des vivants ?

Il a souvent été dit que la science de l’esprit, une fois qu’elle se répandra, devra intervenir dans la vie et agir comme une réelle force de vie. Les diverses considérations sur les rapports qui existent au sein de l’existence peuvent confirmer cette opinion. Du fait même que nous apprenons de plus en plus à connaître les aspects particuliers de ce monde invisible qui est à la base du visible, nos âmes se chargent de représentations et de concepts qui, à leur tour, seront les mobiles d’une activité et d’un comportement bien précis dans la vie. L’attitude qui peut être cultivée à l’égard de ceux que l’on dit morts, c’est-à-dire de ceux qui durant notre existence transitent de la mort à une nouvelle naissance, sera d’une importance toute particulière.

L’homme dans son corps physique entretient ici-bas avec son âme et son corps les rapports les plus variés avec le monde physique ainsi qu’avec l’environnement spirituel sur lequel ce dernier est fondé. De même, entre la mort et une nouvelle naissance, l’homme entretient de multiples rapports avec les faits, les événements et les êtres du monde suprasensible. De la naissance jusqu’à la mort, les hommes peuvent avoir une occupation et des activités dans le monde physique, mais ils sont également occupés et actifs entre la mort et une nouvelle naissance. Ce que nous pouvons connaître de la vie et des activités humaines entre la mort et une nouvelle naissance aura de plus en plus pour effet de supprimer l’abîme qui, tout particulièrement en cette époque matérialiste, se creuse entre ceux qui vivent sur terre et les morts. Progressivement s’établiront des échanges, des rapports mutuels, entre les vivants et ceux que l’on appelle les morts.

Aujourd’hui il s’agit d’attirer l’attention tant sur des détails des échanges entre vivants et morts, que sur les occupations et les modes d’existence des âmes qui vivent entre la mort et une nouvelle naissance. On peut comprendre que les défunts qui s’éloignent des êtres avec lesquels ils étaient en rapport ici-bas sont souvent amenés à jeter un regard depuis le monde spirituel vers les êtres qui leurs sont chers et qui sont demeurés sur terre. Il s’agit de savoir si ces âmes qui se trouvent entre la mort et une nouvelle naissance sont en mesure de percevoir les humains qui vivent ici-bas entre la naissance et la mort. Lorsqu’on a développé la faculté de pénétrer dans la vie entre la mort et une nouvelle naissance, on accède à des expériences très particulières et, disons même, extrêmement bouleversantes.

Par exemple, on peut rencontrer des âmes qui s’expriment occasionnellement de la façon suivante en ayant recours à un langage qui permet aux âmes des défunts et au clairvoyant de communiquer entre eux.

Ce langage n’est accessible qu’à celui qui est capable de porter son regard dans le royaume des morts. Prenons le cas d’une âme qui, après la mort, s’est exprimée de la manière suivante, étant entendu qu’il s’agit d’une âme qui lors de son précédent séjour sur terre était incarnée dans un corps masculin : « Toutes mes pensées et tous mes souvenirs retournent vers cette personnalité qu’était mon épouse bien aimée. Lorsque je séjournais encore sur terre, elle était en quelque sorte le soleil qui illuminait ma vie, le soir, en rentrant chez moi après mon travail, mon âme se trouvait rafraîchie par ce que mon épouse pouvait m’offrir, par ce que son âme transmettait à la mienne. Elle était pour moi une vraie nourriture spirituelle. Maintenant encore j’ai la nostalgie de demeurer auprès d’elle. Mon regard spirituel se dirige vers la Terre, mais je ne puis plus la trouver. Elle n’est pas là. D’après tout ce que j’ai appris, je sais que cette âme doit encore résider sur terre, comme par le passé, dans un corps physique, mais pour moi elle est comme effacée, comme absente. »

On peut souvent faire cette expérience bouleversante auprès d’âmes qui se souviennent des êtres qu’elles ont abandonnés. De ce fait elles se sentent comme enchaînées et ne peuvent plus diriger leur regard vers les âmes demeurées en bas. Ce n’est pas par la faute de leur propre être qu’elles sont enchaînées, mais par celle de l’autre âme qui est demeurée sur terre. Lorsqu’on examine pourquoi une telle âme qui vit dans l’au-delà ne réussit pas à voir l’âme restée sur terre, on apprend que cette dernière, pour des raisons qui incombent aux conditions de l’époque actuelle, n’a pas eu l’occasion de recevoir et de faire vivre en elle des pensées capables de devenir visibles, perceptibles pour une âme ayant franchi le seuil de la mort.

On pourrait encore avoir recours à une autre comparaison. Les âmes qui sont passées par la porte de la mort et qui languissent de voir les êtres demeurés dans leur corps physique, pressentent que ces âmes séjournent sur le plan physique, mais elles ne parviennent pas à se faire remarquer par elles. De même qu’un muet est incapable de s’exprimer par la parole, de sorte que l’autre n’apprend rien de lui, de même l’âme demeure entièrement muette pour celui qui éprouve de la nostalgie pour elle, son être spirituel demeure imperceptible pour l’âme qui a déjà franchi le seuil de la mort.

Il existe une grande différence parmi les âmes sur terre du fait que chacune a son contenu spécifique. Prenons le cas d’une âme qui vit ici dans un corps physique et qui, du matin au soir, ne s’intéresse qu’à des représentations empruntées au monde matériel. Cette âme, remplie uniquement de représentations, de concepts, d’idées et de sentiments se rapportant au monde matériel, ne peut pas être perçue par l’autre monde. On ne la remarque tout simplement pas. Par contre une âme nourrie de représentations spirituelles comme les offre la science de l’esprit, une âme éclairée par de telles représentations peut être perçue depuis l’au-delà.

C’est pourquoi, même si elles habitent des êtres de qualité, de telles âmes restées sur terre et fascinées par le matérialisme demeurent sans substance et donc imperceptibles pour l’autre monde. Chez le clairvoyant qui a acquis une certaine sérénité, cela produit néanmoins des impressions terribles et bouleversantes. Nombreuses sont les perceptions que l’on peut avoir à l’égard de cet autre monde précisément à notre époque. C’est comme si l’on coupait les rapports entre les âmes qui, ici-bas, sont souvent très proches les unes des autres. Lorsqu’une de ces âmes est passée par la porte de la mort, la situation se présente souvent de la façon suivante.

Les âmes qui ont franchi le seuil de la mort et qui portent leur regard vers celles qui cultivent des pensées spirituelles et s’y réfèrent, ne serait-ce qu’occasionnellement, peuvent alors les percevoir, de sorte que pour elles ces âmes existent réellement. Ce qui est bien plus important, c’est que cela peut avoir des conséquences pratiques. Les âmes qui séjournent dans l’au-delà peuvent non seulement percevoir mais aussi comprendre les pensées spirituelles que les âmes incarnées ici-bas entretiennent. De ce fait, il devient possible de réaliser ce qui peut être tellement important pour les échanges entre les âmes d’ici et de là-bas : la lecture faite à l’intention des morts. Cette lecture faite aux morts est souvent d’une extrême importance.

Là encore, le clairvoyant peut faire l’expérience que des hommes qui ne se sont jamais intéressés aux trésors de l’esprit développent un désir ardent pour ces sagesses spirituelles, une fois qu’ils ont franchi le seuil de la mort. Lorsque les âmes demeurées sur terre se font une représentation du défunt, le placent spirituellement devant leur regard intérieur et, dans le silence, parcourent en pensée des vérités spirituelles ou leur lisent en pensée des textes de science spirituelle, le défunt peut les entendre. Au sein de notre mouvement précisément, nous pouvons faire état d’excellents résultats dans ce domaine, du fait que des amis encore en vie font la lecture à leurs proches qui sont décédés. On peut souvent voir comment ces morts languissent d’entendre ce qui d’ici peut parvenir jusqu’à eux. C’est surtout au cours des premières périodes après la mort qu’il faut agir pour entrer en rapport avec une âme[i].

On ne peut pas établir des rapports avec n’importe quel défunt ni de n’importe quelle manière

On ne peut pas établir sans façon des rapports avec n’importe quel être. Dans ce domaine, il existe beaucoup de mirages et d’illusions ; cela n’est pas si facile. Ce serait une grande, une énorme illusion de croire qu’il suffit qu’un homme meure pour que l’on puisse établir des contacts avec l’ensemble du monde spirituel.

J’ai eu l’occasion de connaître un homme qui n’avait pas vraiment inventé la poudre, mais qui ne cessait de citer Kant, Schopenhauer et bien d’autres personnes encore. Il donnait même des conférences sur ces deux philosophes. Une fois que je fis un exposé sur la nature de l’immortalité[1], il me reprit avec beaucoup de suffisance et prétendit que, sur terre, les hommes ne peuvent rien savoir de l’immortalité et qu’ils ne la comprendront qu’après la mort. On aurait pu lui répondre, compte tenu des dispositions de son âme, que pour lui il n’y aurait guère de différence entre maintenant et après la mort. C’est une pure illusion de croire que les âmes accèdent immédiatement à la sagesse, une fois qu’elles ont franchi le seuil de la mort. Bien au contraire, après la mort nous ne pouvons pas établir d’emblée des rapports avec les êtres au-delà du seuil, si nous ne les avons pas déjà établis avant la mort. Les rapports que nous avons réalisés ici sur terre ont un effet durable.

Les lectures faite aux morts : un possible réconfort pour eux

Qu’une âme ici- bas puisse tout de suite recevoir des informations de la part de l’âme d’un défunt ne va pas de soi, étant donné qu’il n’existe pas de liens entre elles. Par contre, l’âme du défunt entretient des rapports avec des êtres ici-bas, et ces derniers peuvent lui apporter le réconfort auquel le défunt aspire avec ferveur, peuvent lui apporter la sagesse spirituelle à l’occasion de lectures faites aux morts.

Cela peut être d’un grand réconfort pour les morts. Leur lire des textes tirés des sciences matérialistes, par exemple des textes de chimie ou de physique, ne sert à rien, car c’est un langage que ces âmes ne comprennent pas, puisque cette science n’a de valeur que pour la vie sur terre. Par contre les morts comprennent le langage de la science de l’esprit et ce qu’elle révèle des mondes spirituels. Dans les premiers temps après la mort il faut cependant tenir compte du fait suivant : les âmes comprennent ce qui résonne à leur oreille dans les langues qu’elles ont eu l’habitude de parler sur terre. C’est seulement après une certaine période que les morts deviennent indépendants du langage. On peut alors leur faire la lecture dans n’importe quelle langue. Ils saisissent le contenu de la pensée. Dans les premiers temps après la mort, si l’homme était plus particulièrement lié à une langue, il reste attaché à la langue qu’il a parlé en dernier lieu.

Il serait bon d’en tenir compte et de leur adresser alors des pensées formulées dans leur langue habituelle. Cette lecture est une démarche de la pensée ; c’est donc bien d’une transmission de pensées qu’il s’agit. Mes chers amis, nous voici arrivés à un chapitre qui peut nous apprendre comment surmonter l’abîme, au moyen de l’anthroposophie qui enrichit notre vie spirituelle dans ce monde ainsi que dans l’autre monde où nous vivrons entre la mort et une nouvelle naissance. Les rapports que le matérialisme permet d’établir ne concernent que les âmes consignées dans leur existence terrestre, alors que l’anthroposophie ouvre la voie à une communication libre, à des échanges entre les âmes sur terre et celles qui vivent dans l’autre monde. Les morts vivront avec nous. Lorsqu’on parle du passage du seuil, il ne s’agit à vrai dire que d’un changement du mode de vie. Une fois que cela sera mieux connu, on attachera plus d’importance à toute cette modification de la vie de l’âme et de l’esprit. Cet exemple montre comment les vivants agissent sur les morts.

Actions des morts sur les vivants

Il est également possible de se faire une idée sur la façon dont les morts agissent en retour sur les vivants. J’ai souvent eu l’occasion de raconter, je vous prie d’excuser cette évocation personnelle, que dans le passé j’ai été chargé de l’enseignement d’un bon nombre d’enfants. J’ai eu à m’occuper de plusieurs enfants d’une même famille[2] où la mère était seule, car le père était décédé. Pour moi, il s’était toujours agi de déceler les dispositions et les aptitudes des enfants, afin de leur donner une éducation et un enseignement justes. Tel est bien l’aspect essentiel de toute éducation. Lors de l’éducation des enfants dont il est question maintenant, il subsistait toujours quelque chose d’incompréhensible, quoi que l’on entreprenne. Il y avait chez eux un aspect du comportement qui ne s’expliquait, ni par leurs dispositions, ni par leur entourage. Cette influence n’était pas facile à saisir.

Dans un pareil cas il faut examiner toutes les solutions. Grâce à l’investigation spirituelle, j’ai pu constater ceci : Le père était décédé ; compte tenu des circonstances particulières qui régnaient dans sa parenté, il n’avait été d’accord ni avec la façon dont ses proches intervenaient auprès des enfants, ni avec ce qui se déroulait dans le cadre familial. Il entreprit alors d’intervenir auprès de ses enfants par des moyens particuliers. C’est seulement à partir du moment où j’ai pu compter avec le fait qu’il existait quelque chose de particulier ne découlant pas plus des dispositions que du milieu, mais émanant du père décédé qui agissait à partir du monde suprasensible d’où il dirigeait ses forces vers les âmes de ses enfants, c’est à partir de cet instant seulement qu’il devint possible pour moi de tenir compte de la volonté du père.

Dès que j’eus la possibilité de saisir ce qu’il voulait depuis qu’il avait franchi le seuil de la mort, et donc de le considérer comme une réalité au même titre que d’autres personnes physiques qui s’occupaient des enfants, les choses s’arrangèrent. C’est un de ces cas où il apparaît de façon évidente et claire que la connaissance spirituelle peut nous montrer et nous indiquer comment les forces du monde suprasensible, du monde spirituel, interviennent dans le monde physique. Mais pour percevoir cela, il faut saisir le bon moment. Par exemple, il faut s’exercer à développer une faculté qui nous permet de percevoir en quelque sorte le rayonnement de la force suprasensible, dans notre cas celle du père qui se dirige vers l’âme de l’enfant.

C’est souvent très difficile. Un moyen facile serait, par exemple, de déchiffrer les pensées du père décédé et d’essayer de saisir comment celui-ci tente d’introduire dans l’âme de l’enfant telle ou telle influence. Mais cela ne s’avère pas toujours juste et de toute manière ne peut pas être renouvelé sans cesse. Un bon moyen consiste alors à se faire une image de l’aspect du père tel qu’il se présentait aux derniers temps de sa vie. On peut aussi se faire une image distincte de son écriture et en tenir compte lorsqu’on prépare les leçons, comme nous l’entendons ici, en se concentrant sur l’écriture ou l’image. Dans ce que l’on doit élaborer, on incorpore alors les opinions, les intentions, les desseins du défunt. Le moment viendra où l’on tiendra compte de la volonté qui anime les morts à l’égard des vivants. Aujourd’hui nous ne pouvons compter qu’avec la seule volonté de ceux qui séjournent sur le plan physique. Des échanges mutuels et libres se réaliseront entre vivants et morts.

On apprendra à étudier quelle est la volonté des morts à l’intention du monde physique. Essayez un instant d’imaginer le grand bouleversement qui se produira même pour les aspects extérieurs de la vie terrestre, lorsque les morts participeront à l’existence terrestre en agissant sur les vivants. Bien comprise, et il faut qu’elle le soit toujours, la science de l’esprit ne se réduira pas à une simple théorie, mais deviendra de plus en plus un élixir de vie qui interviendra dans l’ensemble de l’existence et la transformera au fur et à mesure que cette science se répandra. Elle le fera à coup sûr, car elle n’agira pas comme un idéal abstrait qui est simplement prêché ou cultivé au sein de quelques associations. Lentement mais sûrement, elle saisira et transformera les âmes terrestres.

Nos représentations connaîtront encore bien d’autres enrichissements. Au cours de notre existence nous vivrons encore d’une toute autre façon avec les morts, parce que nous comprendrons ce que font les morts. Pour l’instant, bien des aspects demeurent encore incompréhensibles en ce qui concerne les liens entre le monde terrestre, le domaine physique, et le monde que nous avons à parcourir entre la mort et une nouvelle naissance. En effet, bien des choses qui se déroulent ici-bas échappent à notre entendement. Bien qu’il y ait une certaine correspondance entre tout ce qui se passe ici et ce qui se passe là-bas, on comprend difficilement les rapports qui existent entre ce monde-ci, l’humanité, et les mondes suprasensibles.

Mais si l’on parvient à assimiler correctement la science de l’esprit, l’incompréhension dans ce domaine s’effacera progressivement et fera place à la compréhension.

Des âmes sans scrupules, esclaves des esprits de la maladie et de la mort

Nous examinerons maintenant une situation qui peut montrer à quel point les voies empruntées par les êtres qui sont en quelque sorte appelés à concrétiser la sagesse cosmique sont étrangement tortueuses. Ces êtres suivent des voies curieusement entrelacées qui, lorsque nous les examinons, s’avèrent néanmoins en tous points pleines de sagesse. Nous aurons à envisager différentes situations. Voyons d’abord le cas des âmes que le regard de l’investigateur peut percevoir lors de leurs occupations entre la mort et une nouvelle naissance.

Nous constatons alors que pendant un certain temps entre la mort et une nouvelle naissance, de nombreuses âmes sont condamnées à devenir les esclaves des esprits qui envoient dans la vie physique la maladie et la mort. Pour le clairvoyant il s’agit là d’une expérience bouleversante. Nous percevons les âmes qui se trouvent entre la mort et une nouvelle naissance et qui supportent le joug de l’esclavage que leur imposent ceux que l’on appelle les esprits ahrimaniens ou les esprits de l’obstruction. Il s’agit des esprits qui sont à l’origine de la mort sur terre, ainsi que de ceux qui, sur terre, créent des obstacles. Le clairvoyant observe que sur de nombreuses âmes pèse le lourd destin d’avoir à supporter le joug de l’esclavage. Lorsqu’on remonte le cours de la vie de ces âmes jusqu’à leur existence terrestre avant le franchissement du seuil de la mort, on trouve que ces âmes, condamnées à servir pendant un certain temps après la mort les esprits de l’obstruction, se sont elles-mêmes créées ce destin, du fait de la nonchalance dont elles ont fait preuve au cours de leur existence.

Et les esclaves des esprits de la maladie et de la mort se sont créés leur sort en s’adonnant avant leur mort à la déloyauté. Nous constatons qu’il existe ainsi une certaine relation entre les âmes humaines et les esprits maléfiques de la maladie et de la mort, les esprits maléfiques de l’obstruction. En poursuivant notre investigation, nous voyons des âmes qui, ici sur terre, subissent ce que ces âmes d’en-haut sont contraintes d’exécuter. Prenons le cas des âmes qui doivent mourir ici-bas au printemps de leur vie sans pouvoir mener leur existence jusqu’au terme de la vieillesse.

Voyons ces âmes qui sont affligées par la maladie, poursuivies par le malheur et accablées par les obstacles qui s’accumulent sur leur chemin. Que constate le clairvoyant lorsqu’il suit ces âmes prématurément décédées ou poursuivies par le malheur avant qu’elles n’entrent dans le monde spirituel ? Que remarque le clairvoyant chez ces âmes ? On peut faire d’étranges expériences face aux destins terrestres des humains. Nous évoquerons un exemple qui fait partie des destins qui se situent parmi les plus bouleversants et qui sont toujours susceptibles de se produire.

Un enfant vient au monde. La mère meurt au cours de l’accouchement. Dès sa naissance, cette enfant est orpheline de mère. Le jour de la naissance de l’enfant, le père apprend qu’il a perdu toute sa fortune investie dans un navire qui a fait naufrage. Cela le rend mélancolique et il en meurt. L’enfant est donc doublement orpheline. La fillette est adoptée par une dame fortunée qui aime beaucoup cette petite et lui lègue sa grande fortune. La dame meurt alors que l’enfant est encore en bas âge. On examine le testament et on constate un vice de forme. La fillette ne touchera pas un seul centime de cet héritage.

Totalement démunie, la voici une seconde fois abandonnée dans ce monde. Elle doit se trouver un emploi comme bonne à tout faire et travailler dur. Un homme tombe amoureux d’elle, mais à cause de préjugés qui sévissent dans la société, il leur est impossible de s’unir, car ils ne sont pas de la même confession. Or l’homme aime beaucoup cette jeune fille, et il lui promet de changer de confession dès que son père, déjà très âgé, quittera ce monde. Il part à l’étranger. Il apprend que son père est gravement malade. Son père meurt. Il opte pour la confession de la jeune fille. Le temps de la rejoindre, elle tombe malade et meurt.

À son retour elle est décédée. Il éprouve un profond chagrin et ne peut pas s’empêcher de faire rouvrir la tombe pour la voir une dernière fois. D’après la position du cadavre, on découvre qu’au moment où elle fut enterrée elle se trouvait en état de mort apparente.

Il s’agit d’une légende racontée par le poète Hamerling[3], d’une légende qui n’est pas vraie mais qui pourrait cent fois être vraie. Nous avons affaire ici à une âme humaine qui non seulement meurt au printemps de la vie, mais qui est également poursuivie dès le début par le malheur.

Pour que se produisent de telles situations, il faut compter avec la participation des âmes qui, par suite de leur déloyauté, deviennent les serviteurs des esprits de la maladie, de la mort et du malheur. Ces âmes sans scrupule sont donc amenées à contribuer à de tels lourds destins. C’est ainsi que se tissent certains liens. Cette vérité apparaît plus particulièrement au clairvoyant dans des cas tels que la catastrophe du Titanic, par exemple. Essayons de comprendre comment les âmes qui par leur absence de scrupule sont devenues des serviteurs de ces esprits de la maladie et du malheur, ont agi dans ce cas.

Il faut que le karma s’accomplisse nécessairement, certes, mais il s’agit tout de même d’un destin bien lourd auquel sont mêlées ces âmes qui, après la mort, sont condamnées au joug de l’esclavage.

Le devenir des âmes décédées prématurément et le rapport avec les âmes entièrement matérialistes

Mais voyons plus loin et demandons-nous ce qu’il advient de ces âmes qui subissent sur terre un tel destin et qui meurent au printemps de leur vie, emportées par des épidémies. Qu’advient-il de ces âmes qui passent prématurément par la porte de la mort pour entrer dans le monde spirituel ?

Le destin de ces âmes nous est révélé lorsque le regard du clairvoyant réussit à saisir les activités des esprits qui font avancer l’évolution du monde, voire l’évolution en général. Ces entités des hiérarchies supérieures disposent de certaines forces, de certains pouvoirs pour stimuler l’évolution. Mais leurs forces et leurs pouvoirs sont quelque peu limités. On peut par exemple constater le fait suivant. Dès l’époque présente, les âmes entièrement matérialistes et qui demeurent totalement fermées à l’égard du monde suprasensible, risquent de courir à leur ruine et d’être écartées du progrès de l’évolution. Pour une grande partie des humains le danger de ne pouvoir suivre est déjà une réalité.

À cause de la pesanteur de leur âme et du caractère matérialiste de leur vie intérieure ils demeurent solidement attachés à la terre et ne peuvent pas évoluer vers une prochaine incarnation. Mais d’après la résolution de certaines hiérarchies supérieures, ce danger doit être écarté. En réalité ce ne sera qu’à la sixième époque, en fin de compte même seulement à celle de Vénus que sonnera l’heure décisive pour les âmes qui se seront isolées au point de ne pouvoir suivre l’évolution. Il ne faudrait pas que les âmes succombent trop à la pesanteur, sinon elles risqueraient, d’être obligées de rester en arrière. Il est sans doute prévu dans la résolution des hiérarchies supérieures que cela ne doit pas arriver. Mais il existe pour ainsi dire des limites aux forces et aux facultés de ces entités supérieures.

Rien n’est illimité ; cela est vrai même pour les entités des hiérarchies supérieures. Si cela ne dépendait que des forces de ces entités supérieures, les âmes entièrement matérialistes devraient, dès maintenant, être écartées du courant continu de l’évolution. Par leurs propres forces, ces entités des hiérarchies supérieures ne sont pas en mesure de sauver ces âmes. Il faut donc recourir à un expédient. Les âmes qui connaissent ici une mort prématurée conservent, en tant qu’âmes, une possibilité de s’en sortir. Prenons le cas d’une âme qui meurt à la suite d’une catastrophe : elle est écrasée par un train. Dans ce cas, l’âme est privée de son enveloppe.

Désormais elle est affranchie du corps, elle est nue, mais elle conserve toutes les forces potentielles encore capables d’agir ici-bas dans un corps. Lorsque de telles âmes accèdent au monde spirituel, elles amènent avec elles certaines forces particulières qui pourraient encore être actives sur terre mais qui ont été écartées prématurément. Les forces que les morts de mort prématurée introduisent dans le monde spirituel sont encore parfaitement utilisables. Et ce sont ces forces-là dont se servent les entités des hiérarchies supérieures pour sauver celles des âmes qui sont incapables de se sauver par leur propre force.

Ainsi les âmes à tendance matérialiste seront conduites vers des temps meilleurs et seront sauvées, car leurs forces ne sont adaptées qu’au cours normal de l’évolution du genre humain. Le sauvetage leur vient de ce que ces entités des hiérarchies supérieures reçoivent un surcroît de forces, sous la forme de celles non utilisées venant de la terre et qui sont encore pleines de cette énergie demeurée inemployée. Ces forces s’ajoutent à celles des entités des hiérarchies supérieures. C’est ainsi que les âmes qui périssent prématurément rendent service aux hommes qui, sans cela, sombreraient dans la bourbe du matérialisme. Voilà donc expliqué le rôle qui incombe aux âmes appelées à disparaître prématurément. Les voies complexes de la sagesse cosmique conduisent à d’étranges rapports.

Cette sagesse cosmique permet d’une part que les âmes humaines soient condamnées, à cause de leur déloyauté, à favoriser la venue de la maladie et de la mort prématurée sur terre ; elle permet d’autre part que les âmes ainsi frappées soient utilisées par les entités bénéfiques des hiérarchies supérieures pour secourir d’autres êtres humains. Ce qui apparaît extérieurement, au sein de la maya, comme un mal, est souvent transformé, par des voies compliquées, en bien. Les chemins empruntés ici-bas par la sagesse sont très compliqués. C’est progressivement seulement que l’on apprend à s’y retrouver. On serait tenté de dire : là-haut, les esprits des hiérarchies supérieures tiennent conseil.

Parce que les hommes doivent être libres, ils leur laissent la possibilité de sombrer dans le matérialisme et dans le mal. Ils leur accordent tellement de liberté que ces âmes humaines leur échappent en quelque sorte. Leurs propres forces ne leur permettent pas d’évoluer jusqu’à un certain terme. Les esprits en question ont besoin d’âmes développant sur terre certaines forces qui survivent à l’élimination précoce du corps et qui demeurent disponibles lorsqu’elles sont amenées à réintégrer le monde spirituel en cas d’accident ou de mort prématurée. Pour qu’elles puissent y entrer, il faut recourir au service d’autres âmes humaines, celles qui en toute liberté ont sombré dans la déloyauté.

Il s’ouvre là un superbe chemin cyclique, on pourrait même dire un chemin cyclique de la sagesse cosmique. Il serait faux de croire que ce qui est universel est également simple. Le monde est devenu compliqué. C’est une parole significative que Nietzsche prononça sous l’emprise de l’inspiration lorsqu’il dit : « Le monde est profond, il a été conçu plus profond que le jour[4] » Ceux qui pensent que tout peut être compris au moyen de la sagesse coutumière de l’entendement se trompent puissamment. La lumière spirituelle supérieure n’est pas celle qui éclaire la sagesse quotidienne, mais celle qui éclaire les ténèbres. Il nous faut chercher cette lumière afin d’être en mesure de nous orienter dans les ténèbres où règne la sagesse cosmique.

Les représentations spirituelles oubliées ont quelque chose de dévorant

En assimilant de tels concepts, de telles idées et de telles pensées, mes chers amis, nous regardons le monde d’un autre œil qu’auparavant. Il sera de plus en plus nécessaire d’avoir une autre vision du monde, car l’humanité s’est bien appauvrie depuis les temps anciens. On peut se faire une idée de ce qu’elle a perdu, lorsqu’on songe à la chose suivante. Lors de la troisième époque de la civilisation postatlantéenne il existait souvent des états intermédiaires entre la veille et le sommeil. En dirigeant leur regard vers le monde stellaire, ces âmes ne voyaient pas seulement des étoiles physiques, comme c’est le cas aujourd’hui, mais elles percevaient encore les entités spirituelles des hiérarchies supérieures, c’est-à-dire des êtres qui dirigeaient les destins et les mouvements des étoiles.

En ces époques lointaines il s’inscrivait dans les cartes célestes encore toutes sortes de symptômes psychiques découlant de l’âme collective des animaux, sans être déjà réellement de l’animalité. Cette vision des choses était due non à la fantaisie, mais à une vision spirituelle. Les âmes percevaient cela dans la sphère de l’esprit. En franchissant le seuil de la mort, elles emportaient avec elles cet élément spirituel. Les âmes ont perdu cette faculté de la vision du spirituel au sein du monde suprasensible. Aujourd’hui, au moment de la naissance, les âmes font face à un monde physique qu’elles perçoivent au moyen de leurs organes des sens corporels ; elles ne voient plus que le monde physique au dehors. Elles ne peuvent plus percevoir l’essence spirituelle et psychique qui émane des entités des hiérarchies supérieures et qui enveloppe le monde physique. Au fond, quelle est la nature de ces âmes qui se manifestent dans les corps d’aujourd’hui ?

Toutes les âmes qui sont assises ici ont été incarnées dans les temps anciens, et presque toutes ont vécu dans des corps égyptiens ou chaldéens. Lors de leur incarnation dans ces corps elles ont contemplé le monde au sein duquel elles percevaient l’esprit. Cet élément, elles l’ont inséré dans leur âme. Il s’y trouve toujours. Ce n’est pas le cas pour toutes les âmes ; mais même les âmes qui aujourd’hui ne perçoivent absolument rien d’autre que les réalités physiques, elles vivaient jadis dans la contemplation de l’esprit et ont connu une vie faite de représentations entièrement tournées vers le spirituel.

Ces âmes, comment vivent-elles maintenant ? Elles mènent une existence exactement comme si elles avaient entièrement oublié cet élément spirituel. Les hommes vivent comme s’ils n’avaient plus aucun souvenir des représentations qui les habitaient alors. Cet oubli ne vaut que pour la conscience, car dans les tréfonds de l’âme cette expérience est toujours présente. Nous nous trouvons donc devant le fait étrange que les âmes qui vivent aujourd’hui n’ont, au niveau de la conscience, qu’une image du monde purement physique et sensible, alors qu’à l’intérieur, dans les profondeurs de leur âme, vivent des représentations acquises jadis au moyen d’une authentique vue spirituelle. Les âmes n’en savent rien, elles sont cependant habitées par des représentations étranges qui agissent dans les profondeurs de l’âme sans pour autant monter à la conscience. Elles sont d’un effet paralysant et mortel. C’est ainsi qu’en l’homme actuel apparaît effectivement quelque chose qui est pour lui un élément de mort.

Le clairvoyant qui observe l’homme moderne et qui examine sa constitution anatomique trouve, surtout dans son système nerveux, certains courants, certaines forces qui sont des forces de mort. Elles proviennent de représentations élaborées lors d’incarnations antérieures. Les représentations spirituelles que les morts ont maintenant oubliées ont quelque chose de dévorant. Cela apparaîtrait de plus en plus dans l’évolution, s’il n’existait pas un moyen de s’y opposer. De quoi peut-il s’agir ? Tout simplement du fait de se remettre en mémoire ce qui a été oublié. Il faut que les âmes se souviennent de nouveau de ce qu’elles ont oublié. La science de l’esprit le fait. Au fond, elle s’efforce tout simplement de faire remonter à la mémoire les représentations assimilées par les âmes au cours de leurs existences antérieures. La science de l’esprit rappelle à la mémoire ces anciennes représentations.

Elle donne ainsi à l’homme la possibilité de revivifier ce qui sinon constituerait au sein de la vie une trame morte.

La quête d’un langage valable à la fois pour les vivants et pour les morts

Réfléchissez à ces deux vérités que nous avons évoquées aujourd’hui.

  • D’une part le clairvoyant perçoit des âmes humaines qui sont passées par la porte de la mort et qui ont la nostalgie des âmes demeurées en arrière mais qu’elles ne peuvent percevoir parce que dans ces âmes sur terre, bien qu’elles appartiennent à des êtres humains respectables, n’existent que des images matérialistes du monde. Même pour un clairvoyant ayant acquis la sérénité intérieure, la vision de ces âmes en détresse est un spectacle bouleversant.
  • D’autre part le clairvoyant s’intéresse à l’avenir de l’humanité qui contiendra de plus en plus d’inclusions mortes si les humains ne redonnent vie aux représentations élaborées dans le passé. Celles-ci sont d’un effet mortel lorsqu’elles ne remontent pas à la conscience. Les clairvoyants doivent diriger leur regard vers un avenir où les hommes seront bien plus marqués par des symptômes de sénilité que ce n’est le cas actuellement par suite de ce qu’ils ont hérité. Aujourd’hui déjà il n’est pas rare de voir des enfants portant l’empreinte de la vieillesse et de la sénilité ; à l’avenir ce serait dès la naissance qu’apparaîtraient les rides et d’autres signes de décrépitude, si la connaissance spirituelle n’apportait pas des forces vivifiantes sous la forme de souvenirs des représentations naturellement élaborées jadis.

Pour doper au moyen d’un élixir vivifiant le genre humain en déclin, pour donner aux morts la possibilité d’entrer en rapport avec leurs proches demeurés sur terre, le clairvoyant qui est conscient de ces faits est en quête d’un langage qui ne serait pas réservé aux seules âmes incarnées sur terre, mais qui serait commun tant aux âmes qui évoluent ici entre la naissance et la mort, qu’à celles dans l’au-delà qui évoluent entre la mort et une nouvelle naissance : un langage valable à la fois pour les vivants et pour les morts.

Le plus essentiel : comprendre et pénétrer notre sentiment des vérités suprasensibles

Ce qui compte, ce n’est pas seulement la sympathie que l’on éprouve à l’égard de la science de l’esprit, car cette sorte de sympathie théorique existe aussi en d’autres occasions et n’est pas déterminante ; ce qui importe, c’est de comprendre et, en s’ouvrant au monde, de ressentir que la science de l’esprit a une mission universelle. Il s’avère alors qu’il est nécessaire de trouver un langage commun, de trouver un élixir de vie capable de protéger les humains de l’action desséchante de leurs représentations. Telle est la mission de la science de l’esprit à l’égard des mondes spirituels. Cette mission est ressentie comme un devoir auguste et sacré, comme quelque chose de sérieux et d’important.

Il ne s’agit pas seulement de trouver agréables les représentations que la science de l’esprit est en mesure de nous offrir afin de nous combler d’une satisfaction théorique. À partir de la nécessité inhérente au devenir de l’humanité et de l’univers, notre tâche est de ressentir la puissance spirituelle qui doit émaner de cette science. Dans ce cas nous éprouverons de la manière juste pourquoi la science de l’esprit doit exister et pourquoi elle doit être implantée dans la culture spirituelle de l’humanité. Nous devons développer ce sentiment et nous en pénétrer. Ce sentiment a une force hautement salutaire et fait partie de ceux qui contribuent à ce que l’âme humaine réalise une authentique harmonie parmi les forces qui l’animent.

Ainsi sont les choses. Plus ce qui pénètre notre sentiment appartient au monde des vérités suprasensibles, et mieux nos impressions intérieures deviendront capables de nous diriger dans la vie ; nos sentiments gagneront alors en substance.

Celui qui se satisfait du plaisir que procure la science de l’esprit, celui qui la reçoit par simple curiosité ou pour d’autres motifs semblables risque peut-être d’en faire un mauvais usage dans la vie. Par contre, celui qui est pénétré par le sentiment que nous venons d’évoquer, le sentiment du sacré qui nous envahit parce que nous savons que la science de l’esprit doit exister en raison d’une nécessité interne profonde, celui-là trouvera l’occasion de manifester également dans la vie la juste attitude à l’égard de cette science.

Dans les situations les plus graves et les plus difficiles de l’existence, il saura trouver un soutien dans la science de l’esprit. C’est peut-être justement lorsque les difficultés extérieures sont les plus grandes que cette science contribuera à ce que règne l’équilibre.

La crainte du monde spirituel éprouvée au plus profond de l’âme s’exprime dans la conscience sous forme de haine et de vanité

En effet, la science de l’esprit est une affaire d’avenir ; si elle est descendue sur terre aujourd’hui, c’est parce qu’elle est appelée à se mettre de la façon la plus complète au service de l’humanité.

Cela n’est pas sans conséquence pour ceux qui éprouvent au plus profond de leur âme de la crainte à l’égard du monde spirituel : chez eux cette crainte s’exprime au niveau de leur conscience sous forme de haine.

De nombreux sentiments humains sont apparentés. L’ambition et la vanité, par exemple, sont très proches de la crainte. La parenté des sentiments est parfois très complexe. Pourquoi l’homme est-il vaniteux, ambitieux ? À quoi correspondent ces deux attitudes ? Être vaniteux, c’est chercher dans le jugement de son entourage l’occasion de se faire valoir et se complaire dans l’attention dont on est l’objet, et donc de jouir de cette situation. Pourquoi aspire-t-on à cela ? On peut y tendre pour diverses raisons. Mais aujourd’hui nous sommes à une époque où, lorsqu’on scrute les profondeurs de l’âme, l’homme apparaît comme un énorme poltron. Certains hommes au comportement extérieur parfois ferme sont souvent, dans les profondeurs de leur âme, des faibles. Quand la crainte des mondes suprasensibles les ébranle, ils ont recours à différents moyens anesthésiques.

En d’autres termes, dès qu’ils croient perdre le sol ferme sous leurs pieds au moment d’entrer dans les mondes spirituels, la crainte les envahit. Mais celui qui est angoissé cherche à étouffer ce sentiment. Parfois il le fait par peur de la force sérieuse et digne à laquelle il doit faire appel pour pénétrer dans les mondes spirituels. Certains ont cru pouvoir entrer dans le monde spirituel en quatre semaines. Mais il s’avère – oh ! Grand malheur – que d’après la science de l’esprit il n’est pas possible de devenir au cours de la présente incarnation ce que l’on désire tellement être : un homme célèbre. Nombreux sont ceux qui dans ce cas perdent tout plaisir ; c’est alors l’angoisse qui surgit. Ils tentent alors d’assourdir cette angoisse et inventent sur fond de vanité et de haine l’antipathie contre la science de l’esprit. Cet état d’esprit continuera de s’étendre dans le présent, car le nombre des âmes intérieurement lâches mais extérieurement vaniteuses ne cesse de croître dans le monde.

Il est tout à fait possible que dans un proche avenir la science de l’esprit soit, encore plus qu’auparavant, une cible pour de la haine et des agressions. C’est un motif suffisant pour que l’on perçoive et que l’on ressente clairement dans ce domaine que l’harmonie prévaut malgré les sentiments caractérisés, alors même qu’à l’extérieur tout semble prendre une mauvaise tournure. Si l’on veut s’ancrer sur le fondement de la connaissance spirituelle, il est nécessaire d’avoir une vue claire et précise de la situation. À notre époque, ceux qui pensent être le plus en mesure d’émettre des critiques sont ceux qui ne savent même pas de quoi ils parlent. Il existe des gens qui se permettent d’écrire des articles traitant de la science de l’esprit et qui s’en prennent avec virulence à ce qu’ils estiment être une aberration de l’investigateur spirituel. La seconde partie de l’article ajoute toutes sortes d’informations sur l’auteur : un pur assemblage de mensonges et de contre-vérités.

Ces descriptions sont l’expression d’une fantaisie absurde. Aucun être capable d’accéder aux mondes suprasensibles ne serait en mesure d’inventer des accusations aussi aberrantes que celles qui figurent dans la première partie de l’article où l’auteur s’en prend à la prétendue fantasmagorie de la science de l’esprit. C’est de la sorte que l’on s’efforce d’écraser l’âme humaine. Ceux qui pensent pouvoir dire très clairement la vérité et qui sont en mesure de développer une sorte de fantaisie déloyale à l’égard des données du domaine physique s’étourdissent en dénigrant ce qui est du domaine du suprasensible. L’humanité ne s’adonne pas seulement à l’alcool mais aussi à d’autres moyens d’abrutissement. Il existe des sujets où il faut être lucide, et c’est précisément la vision spirituelle du monde qui mène à cette lucidité. On cherche de multiples anesthésiques et on les trouve du fait que certaines natures de plus en plus démoniaques agissent dans les profondeurs cachées de l’âme humaine. Ces êtres démoniaques ne manqueront pas de s’affranchir et de se dresser progressivement contre ce qui est appelé à féconder l’humanité à partir des sources de l’esprit.

C’est ce que je désire dépeindre devant vos âmes, précisément à notre époque, comme une sorte de perspective d’avenir, mes chers amis, parce qu’il est bon que nous nous souvenions aujourd’hui que pour trouver notre ancrage sur un fondement solide, il nous incombe de reconnaître réellement ce qu’est la science de l’esprit et quelle est sa mission. Nous pouvons le faire en développant les sentiments justes à son égard. À partir de cette base solide, nous pouvons contempler à l’intérieur, avec sérénité, l’évolution en cours, même si nous risquons peut-être d’avoir de plus en plus à faire face, au dehors, à la dissonance et à la critique.

Rudolf Steiner

[Gras ou italique : S.L.] 

 

Notes

[1] Il s'agit probablement des conférences publiques faites à Berlin, les 26 octobre 1911 et 21 mars 1912, publiées dans Menschengeschichte im Lichte der Geistesforschung, GA 61 (non traduit).

[2] Dans la famille Eunike à Weimar ; cf. Autobiographie ch. XX (EAR).

[3] Robert Hamerling, 1830-1889, poète.

[4] Friedrich Nietzsche, 1844-1900. Cette citation est tirée de « Ainsi parlait Zarathoustra », 4e partie.

 

Note de la rédaction

[i] Dans de nombreuses conférences Rudolf Steiner précise quelle préparation intérieure est requise pour faire la lecture aux morts de manière adéquate.

 

 

Note de la rédaction
Un extrait isolé issu d'une conférence, d'un article ou d'un livre de Rudolf Steiner ne peut que donner un aperçu très incomplet des apports de la science de l'esprit d'orientation anthroposophique sur une question donnée.

De nombreux liens et points de vue requièrent encore des éclairages, soit par l'étude de toute la conférence, voire par celle de tout un cycle de conférence (ou livre) et souvent même par l'étude de plusieurs ouvrages pour se faire une image suffisamment complète !
En outre, il est important pour des débutants de commencer par le début, notamment par les ouvrages de base, pour éviter les risques de confusion dans les représentations.

Le présent extrait n'est dès lors communiqué qu'à titre indicatif et constitue une invitation à approfondir le sujet.
Le titre de cet extrait a été ajouté par la rédaction du site  www.soi-esprit.info   

 À NOTER: bien des conférences de Rudolf Steiner qui ont été retranscrites par des auditeurs (certes bienveillants), comportent des erreurs de transcription et des approximations, surtout au début de la première décennie du XXème siècle. Dans quasi tous les cas, les conférences n'ont pas été relues par Rudolf Steiner. Il s'agit dès lors de redoubler de prudence et d'efforts pour saisir avec sagacité les concepts mentionnés dans celles-ci. Les écrits de Rudolf Steiner sont dès lors des documents plus fiables que les retranscriptions de ses conférences. Toutefois, dans les écrits, des problèmes de traduction peuvent aussi se poser allant dans quelques cas, jusqu'à des inversions de sens !
Merci de prendre connaissance
d'une IMPORTANTE mise au point ici.

 

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