Extrait de la treizième conférence du cycle «Facteurs de santé pour l’organisme social»
Dornach, 10 juillet 1920
Rudolf Steiner – GA198
2e édition (en langue allemande)
Éditions Anthroposohiques Romandes - 2021
Traduction : Jean-Marie Jenni
« (…) J'ai devant moi la quatrième mouture éditée en 1917 par Peter Beck, père jésuite, du Traité de philosophie aristotélicienne et scolastique à l'usage des hautes écoles et de l'enseignement personnel d'Alphonse Lehmen[1], un père jésuite lui-aussi. La première édition date de 1899. J'aimerais lire ce qui se trouve à la page 8 dans l'introduction qui concerne l'esprit de cette philosophie, c'est-à-dire son esprit authentiquement catholique. Il est écrit :
« Il ressort facilement, de ce qui a été dit, comment il faut comprendre le principe de la liberté absolue de la science. Ce principe concède à chacun le droit de défendre toute idée sans que celle-ci ne soit menacée d'opposition par une quelconque école. La liberté n'est cependant pas sans limite. L'école de l'Église a le droit de condamner une opinion philosophique si celle-ci est en contradiction avec l'enseignement révélé ou que les déductions qu’on peut en tirer conduisent à une telle contradiction. Nous stipulons comme démontré que l'enseignement ecclésial est institué par Dieu avec la tâche d'interpréter et de protéger la révélation divine. Avec cette tâche, ce doit lui être octroyé immédiatement. Car, pour accomplir sa tâche, l'enseignement de l'Église doit être mise dans le pouvoir d'expliquer le vrai sens de la parole divine et de réfuter les fausses interprétations. Par conséquent, si l'opinion d'un philosophe ou d'une école philosophique attaque directement ou indirectement le vrai sens du contenu de la révélation, l'école de l'Église a le pouvoir de condamner l'erreur et de le faire savoir publiquement.[i] »
Voilà donc l'introduction d'un livre de philosophie ! Et qu'est-ce aussi que tout l'esprit des considérations que nous nourrissons aujourd'hui ? Cet esprit manifeste celui de la parole de Paul « Non pas moi, mais le Christ en moi ». Grâce au fait que le Christ vit en nous, un élément spirituel est éveillé en nous, et c'est par le fait d'être traversés par l'esprit du Christ que nous sommes en capacité de nous relier au cosmos. Nous avons souvent parlé de l'importance de ce mystère du Golgotha, et nous en parlerons encore plus en détail demain. Or, il fallait que le Christ fasse comprendre une chose aux êtres humains pour montrer comment puiser la vérité dans l'esprit divin. Il suffit de se rappeler d'une autre de ses paroles divines, et toute la direction est donnée, c'est : « Mon règne n'est pas de ce monde » ; cela signifie que le règne, dont le Christ veut donner l'envol en l'être humain, ne doit pas être érigé sur cette Terre. Il doit être érigé grâce au chemin que l'être humain doit trouver entre ce monde et le monde supra-sensoriel.
Mon règne est d'un autre monde qui n'est pas ce monde sensoriel. Or qui a commis le plus grand nombre de péchés contre cette parole du Christ ? C'est celui qui a prétendu qu'un règne est fondé sur cette Terre, un règne dont le centre est à Rome, un règne qui agit avec des conseils physiques et des décisions physiques, un règne qui est complètement de ce monde, un règne qui prétend devoir répandre de quelque manière la vérité christique. Or comme le règne du Christ n'est pas de ce monde il n'est certainement pas à Rome[ii]. Nous voulons indiquer ainsi que l'être humain d'aujourd'hui doit comprendre que tout ce qui est de ce monde est contraire au règne du Christ, qu'il est contraire au Christ de vouloir reformuler aujourd'hui une vérité en disant : « Par conséquent, si l'opinion d'un philosophe ou d'une école philosophique attaque directement ou indirectement le vrai sens du contenu de la révélation, l'école de l'Église a le pouvoir de condamner l'erreur et de le faire savoir publiquement ». C'est-à-dire que l'Église dispose ! C'est la raison pour laquelle ce livre n'apparait pas comme ce doit être le cas d'un livre d'anthroposophie sous la responsabilité d'une personnalité qui atteste que ce qu'elle défend ne se fonde que sur son sens de la vérité liée à l'esprit. Au contraire il parait sous le titre : Traité de philosophie aristotélicienne et scolastique à l'usage des hautes écoles et de l'enseignement personnel, 4e édition 1917, un titre qui laisse ensuite clairement voir son lien avec une corporation qui octroie le droit d'imprimer : imprimatur Fribourg, Thomas, Archevêque. Donc nous ne sommes pas en présence de la parole d'une personnalité, mais de celle d'une corporation séculaire auprès de laquelle il faut aller requérir le droit d'imprimer ce qui est reconnu comme étant compatible avec les vérités de ce monde !
On ne peut pas être lâche aujourd'hui, il faut avoir le courage de défendre le vrai christianisme et non celui de façade. Nous vivons à une époque qui a sombré dans la catastrophe parce que les êtres humains ont fait suffisamment preuve de lâcheté pour ne pas exposer extérieurement ce qui pourtant vit plus ou moins en eux intérieurement. Notre catastrophe est d'origine spirituelle, comme nous l'avons souvent répété. Et nous n'en sortirons pas si nous ne nous tournons pas vers l'esprit de la vérité qui cherche, dans la vision de l'esprit, la force qui elle seule, et non une autorité ecclésiastique, octroie le droit d'imprimer (l'imprimatur). »
Rudolf Steiner
[Caractères gras S.L.]
Notes
[1] Alfons Lehmen S.J. 1847-1910 : L’ouvrage cité a été publié avec de nombreuses rééditions de 1904 à 1906. Freiburg i. Br. Rudolf Steiner en parle encore le 22 août 1920, voire GA199.
Notes de la rédaction
[i] Il n’en n’est pas autrement aujourd’hui avec le fonctionnement de l’État, des médias mainstream, de certaines institutions qui dans les faits organisent des chasses aux sorcières, par exemple la MIVILUDES (en France), etc.
[ii] Et il n’est certainement pas non présent plus du fait de l'existence sur le plan physique de certaines autres institutions (par exemple au Goetheanum).
Note de la rédaction À NOTER: bien des conférences de Rudolf Steiner qui ont été retranscrites par des auditeurs (certes bienveillants), comportent des erreurs de transcription et des approximations, surtout au début de la première décennie du XXème siècle. Dans quasi tous les cas, les conférences n'ont pas été relues par Rudolf Steiner. Il s'agit dès lors de redoubler de prudence et d'efforts pour saisir avec sagacité les concepts mentionnés dans celles-ci. Les écrits de Rudolf Steiner sont dès lors des documents plus fiables que les retranscriptions de ses conférences. Toutefois, dans les écrits, des problèmes de traduction peuvent aussi se poser allant dans quelques cas, jusqu'à des inversions de sens ! |
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